CUKIER Simon, dit GRANT Alfred

Par Claude Pennetier mise à jour par Marie-Cécile Bouju

Né le 11 mai 1910 à Radom (Pologne), mort en 1987 ; typographe, ouvrier du textile, agent de publicité au quotidien de langue yiddish Naîe Presse dès sa fondation en 1934, puis collaborateur de la rédaction du journal ; directeur du dispensaire « L’Aide Médicale » après 1936 ; secrétaire général de la section juive du Secours rouge international ; directeur de l’organisation juive de résistance ; président fondateur de l’Amicale des Juifs anciens résistants (AJAR) ; administrateur du Musée de la Résistance nationale de Champigny-sur-Seine à partir de 1972.

Bachelier en 1929, Simon Cukier vint en France en juillet 1930 pour poursuivre ses études à l’Institut dentaire de la Faculté de médecine de Nancy. Il adhéra au PCF en octobre 1930. Ses activités au sein d’une organisation estudiantine de gauche lui valurent en mai 1932, d’une part, le renvoi de l’imprimerie Berger-Levrault où il travaillait comme typographe afin de compléter l’insuffisance de la bourse de ses parents, d’autre part, l’expulsion de la ville par la police. Il se rendit à Roanne où il travailla comme ouvrier du textile jusqu’en octobre 1932 et puis à Paris dans la même corporation.
En janvier 1934, on l’engagea comme agent de publicité au nouveau quotidien de langue yidich qui venait de paraître Naïe Presse (La Presse Nouvelle). En 1935, il devint le secrétaire général de l’organisation mutualiste « Arbeter Orden » (Ordre Ouvrier), fondée par des ouvriers progressistes en milieu d’immigrés juifs. Cette organisation avait pour programme l’aide sociale et mutuelle à une époque où les ouvriers juifs immigrés étaient dépourvus de toute couverture sociale légale. Un an plus tard, la victoire du Front populaire avait donné des ailes et avec le concours de trente sociétés de secours mutuels un grand dispensaire avait vu le jour : « L’Aide Médicale » (il existait toujours dans les années 1980). Simon Cukier en devint le directeur.
De 1932 à 1938, il remplit aussi les fonctions de secrétaire général de la section juive du Secours rouge international (devenu le Secours populaire en 1936) et des Patronatis, qui avaient pour mission de venir en aide aux immigrés politiques de Pologne, de Roumanie, des pays baltes et de sensibiliser l’opinion publique juive et non-juive. Un autre combat fut mené en faveur d’un statut juridique pour les immigrés, contre la répression administrative, en liaison avec les organisations française de gauche, telles la Ligue des droits de l’Homme. L’accueil des réfugiés allemands servait à la dénonciation du nazisme et des périls qui montaient, de même l’aide apportée à l’Espagne républicaine et aux combattants juifs des Brigades internationales.
Engagé volontaire en août 1939, Simon Cukier avait été versé à la Légion étrangère mais fut renvoyé dans ses foyers à la fin de la même année. Il reprit la direction du dispensaire jusqu’en mai 1941, date à laquelle l’institution se saborda en refusant d’adhérer à l’organisme collaborationniste juif l’Union générale des israëlites de France (UGIF). Pendant la drôle de guerre, Simon Cukier participa aux activités semi-clandestines des progressistes juifs sous couvert de l’Arbeter Orden et du dispensaire, transformés en postes de Défense passive. Un mois après l’occupation de la capitale par les armées hitlériennes il fut contacté par les anciens responsables du Mouvement progressiste juif en vue du combat dans les nouvelles conditions. Naïe Presse reprit sa parution clandestine sous le titre Notre Parole. En septembre fut constituée l’organisation spécifique de résistance dans le cadre de la MOI : « Solidarité », basée sur les structures des organisations progressistes juives d’avant-guerre dans les arrondissements de Paris et une antenne à Lyon, qui devint, après la grande rafle du 16 juillet 1942, le centre de l’organisation avec des ramifications dans plusieurs villes sous le nom « Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide » (UJRE). Simon Cukier fit partie du triangle de direction. Il fut chargé au début de l’organisation parisienne, puis de ses imprimeries clandestines, par la suite, du service « Travail Allemand » (TA), qui avait pour tâche de diffuser de la littérature en allemand parmi les soldats de la Wehrmacht, enfin, du Mouvement national contre le Racisme (MNCR), qui avait reçu comme tâche la propagande antiraciste parmi la population non-juive en éditant le journal J’accuse et d’autres, et le sauvetage des enfants juifs par tous les moyens, grâce surtout à l’aide de la population non-juive.
Arrêté sur dénonciation le 18 mars 1943, il fut incaréré à la Santé puis aux Tourelles. Il fut condamnée par la 15e chambre correctionnelle à deux ans de prison. Libéré le 17 août 1944, lors de l’insurrection parisienne, il reprit aussitôt sa place à la direction de l’organisation juive de résistance, devenue légale, et envoyé comme son représentant au Comité général de Défense (CGD), l’organisme unitaire de la Communauté juive ayant pour tâche de soigner les plaies causées par la guerre et l’Occupation. Simultanément, il fut chargé de la reconstitution de l’Union des sociétés juives de France (USJF), organisation créée en 1938 par 40 sociétés de Secours mutuels démantelée sous l’Occupation.
De décembre 1944 à mars 1965, Simon Cukier occupa le poste de secrétaire général de l’USJF, qui administrait le dispensaire « L’Aide médicale » reconstitué, gérait une caisse de prêts sans intérêts et une mutuelle médicale, développait une activité culturelle en yidich et en français, participait à toutes les actions contre le renouveau du racisme, contre les menées néo-fascistes, contre la résurgence du néo-nazisme, contre le réarmement de l’Allemagne, ainsi que pour le droit à l’existence de l’État d’Israël.
À partir de 1962, il fut président fondateur de l’Amicale des Juifs anciens résistants (AJAR) et, à partir de 1972, administrateur du Musée de la Résistance nationale de Champigny-sur-Marne. Il collaborait à la rédaction de la Naïe Presse depuis sa fondation le 1er janvier 1934. Marié à Fanny Cukier-Arinski (voir Fanny Cukier*), il était père de trois enfants.
Son action résistante ne fut pas reconnue par les autorités.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article21202, notice CUKIER Simon, dit GRANT Alfred par Claude Pennetier mise à jour par Marie-Cécile Bouju, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 15 septembre 2018.

Par Claude Pennetier mise à jour par Marie-Cécile Bouju

ŒUVRE : Simon Cukier, Dominique Deceze, David Diamant, Michel Grojnowski, Juifs révolutionnaires, Messidor, 1987, 260 p.

SOURCE : SHD GR 16 P 152654 ; - Paul Chauvet. La Résistance chez les fils de Gutenberg dans la Deuxième Guerre mondiale. Paris : à compte d’auteur, 1979, p. 163 ; - Renseignements communiqués par Fanny et Simon Cukier.

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