CUOQ Louis [Pseudonyme dans la Résistance : Jean, Jean Morin]

Par Pascale Quincy-Lefebvre, Eric Panthou

Né le 30 août 1920 à Alleyras (Haute-Loire), mort en déportation le 15 janvier 1945 au camp de Dachau (Allemagne) ; serrurier ; membre des Jeunesses Communistes et du Parti communiste (PCF) dans la clandestinité, résistant, membre du Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France (FN) dans le Puy-de-Dôme puis l’Allier.

Né dans une famille modeste installée en Haute-Loire, élevé par sa mère, Marie Chateauneuf, le jeune Louis Cuoq grandit à Clermont-Ferrand où son père, Frédéric Cuoq avait trouvé du travail chez Michelin. Il a fait son apprentissage de serrurier pendant quatre ans à la serrurerie d’art Cubizolle. D’abord engagé comme serrurier chez Michelin, Louis Cuoq venait d’être engagé aux Ateliers industriels de l’Air (A.I.A.) lorsque la guerre éclata. Rattaché à la cellule des Jeunesses communistes « Barbusse » (Clermont-Ferrand) à la fin des années trente, il participa activement à la reconstitution clandestine du Parti communiste local après son interdiction. En 1941, il fut avec Émile Guyonnet, un des premiers organisateurs du « Front national de la résistance » dans le Puy-de-Dôme. Il est suspecté d’être le dénommé « Paul », celui qui serait devenu le nouveau responsable des JC chez les étudiants après le départ d’Yvon Djian. Il participa activement à la rédaction, impression et à la diffusion de tracts communistes. Le lieu d’impression était une cabane sur les côtes de la cité Michelin de Chanturgue.
Fuyant Clermont-Ferrand, il est parti à Mauriac puis à Cavaillon chez son oncle, le 5 janvier 41 après avoir été licencié de son entreprise à Clermont-Ferrand à cause de son activité communiste. Il avoue alors à son oncle qu’à plusieurs reprises la nuit il avait l’habitude à Clermont-Ferrand d’aller avec des amis fabriquer des journaux. Son oncle refusant de l’aider à retrouver du travail, il repart le 20 janvier pour Clermont. Suite à sa dénonciation, dès le 24 février 1941, le Juge d’Instruction de Clermont-Ferrand lance un mandat d’arrêt contre lui pour entrave au décret du 26 septembre 1939 portant dissolution du parti communiste et de toutes les organisations relevant de la III° Internationales. Le mandat d’arrêt est renouvelé le 11 novembre 1941 par le Juge d’instruction militaire au Tribunal permanent de la 13éme Division militaire.
Échappant aux arrestations, il continua ses activités dans l’Allier, d’abord au sein de la direction clandestine du Parti puis au sein du mouvement FTPF. En 1941, il habite une chambre à Chatelard, commune de Montluçon, reçoit souvent Jean Faure, responsable à la propagande pour la région. C’est dans cette chambre qu’est caché tout le matériel servant à la diffusion des tracts.
Installé comme serrurier à Vieure (Allier), il fut arrêté et inclupé sous l’identité de Jean Morin le 13 janvier 1942 à la prison militaire de Clermont-Ferrand où il venait d’être déposé à la suite de manœuvres communistes commises dans la région de Montluçon (Allier) et dont on le considéré responsable . Jugé avec Joseph Ramier, ancien secrétaire des métaux à Saint-Étienne et frère de Barthelemy Ramier, premier adjoint au maire de Saint-Étienne, tous deux arrêtés pour menées communistes, il fut condamné le 5 février 1942 par la Section spéciale du Tribunal militaire de la 13e division à Clermont-Ferrand à quinze ans de réclusion puis aux travaux forcés à perpétuité le 26 février 1942. On lui reproche d’avoir diffusé des tracts à Clermont-Ferrand en avril 1941 et à plusieurs autres occasions ensuite, d’avoir fait récupérer une machine à écrire par Paul Mioche, d’avoir caché du matériel de propagande chez Gaston Chastrette, d’avoir installé une imprimerie clandestine chez Pierre Corneloup et d’avoir aidé à la reconstitution du Parti communiste clandestin.
Il fut successivement emprisonné à la prison militaire du 92 éme Régiment d’Infanterie à Clermont-Ferrand puis à Nontron (Dordogne) de mars à novembre 1942 puis à Mende (Lozère), jusqu’en octobre 1943 puis il fut transféré en dernier lieu à la Centrale d’Eysses (Lot-et-Garonne). Ses camarades lui offrirent des fleurs et leur portion de pain d’épice pour fêter ses 20 ans à Nontron. Il déclara alors à Michel Bloch, camarade arrêté à Thiers (Puy-de-Dôme) ! « C’est tout de même drôle j’ai vingt ans je suis condamné à 20 ans de travaux forcés et ensuite j’aurai à purger 20 ans de privation des droits civiques si bien que je voterai à 60 ans. »
A Eysses, il participa à l’organisation de la Résistance intérieure, se chargeant notamment de la calligraphie du petit journal fabriqué clandestinement. Il participa ici à une tentative d’évasion collective. Livré aux Allemands, transféré au camp de Royallieu à Compiègne, il fut déporté le 18 juin 1944 à Dachau. Là, en février 1944, se sachant condamné, il laissa ce message : Je garderai jusqu’au bout conscience de la cause que j’ai défendue avec fierté et de l’idéal qui m’animait, afin que personne n’ait à rougir de moi".
Les circonstances de son décès ont été révélées en 1993 dans un article paru dans le Patriote résistant. Le 12 juillet 1944, une douzaine d’hommes furent extraits des blocs 17 et 19 avec parmi eux Louis Cuoq aux côtés de six anciens d’Eysses. Les hommes reçoivent leur tenue rayée ainsi que le triangle rouge et le matricule et sont chargés dans un wagon en partance de la gare de Dachau. Au soir, on les fait descendre à Lauingen (Allemagne), en Bavière. Ils se retrouvent dans un camp et dans un atelier en sous-sol aux côtés de 400 autres prisonniers, dont très peu de Français. Ils sont affectés à un atelier chargé de fabriquer des pièces détachées pour le Messerschmitt 262. Ernst Briette qualifie d’enfer la vie dans ce camp et ces ateliers et dortoirs en sous-sol, avec douze heures de travail quotidien et deux heures d’appel. Chque dimanche, les détenus devaient veiller à s’épouiller totalement. C’est parce que le Kapo découvrit un poux sur sa tenue qu’il fut envoyé aux lavabos et que le kapo le signala à d’autres kapos Polonais et Allemands. On retrouva deux heures après Louis Cuoq zébré de coups de schlague, côtes cassées, martyrisé à mort. Il grelotta toute la nuit et le lendemain il fut renvoyé à Dachau où il mourut.

Il a été reconnu Mort pour la France, « Mort en déportation » par arrêté du 24/11/1987, homologué Résistance intérieure française (RIF) au titre du Front national.
Une rue porte son nom à Clermont-Ferrand. Son nom figure également sur une stèle aux tués de l’AIA à Clermont-Ferrand, sur une stèle en son honneur et celle de Marcel Cousserand, élevée à Clermont-Ferrand par les membres de l’UFF et du PC de Chanturgue, et sur une stèle à Penne-d’Agenais en mémoire des 1200 déportés d’Eysses.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article21212, notice CUOQ Louis [Pseudonyme dans la Résistance : Jean, Jean Morin] par Pascale Quincy-Lefebvre, Eric Panthou, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 15 août 2022.

Par Pascale Quincy-Lefebvre, Eric Panthou

Stèle en son honneur et celle de Marcel Cousserand, élevée à Clermont-Ferrand par les membres de l’UFF et du PC de Chanturgue

SOURCES : Photocopie Archives de l’ANACR : Acte d’accusation Cuoq Louis. Section spéciale du tribunal militaire permanent de la 13e division militaire, séant à Clermont-Ferrand, séance du 5 février 1942. (archives privées Roger Champrobert, Clermont-Ferrand)— Mandat d’arrêt contre Louis Cuoq, 24 février 1941 (archives privées Roger Champrobert, Clermont-Ferrand).— SHD Vincennes, dossier de résistant GR 16 P 152984 (non consulté) .— Arch. dép. du Puy-de-Dôme. 2546 W 5014 : Dossier nominatif d’attribution de la carte du combattant volontaire de la résistance .— Arch. dép. du Puy-de-Dôme : 1296W101 : l’inspecteur de Police Judiciaire Milliotte au Chef du service régional de Police judiciaire, le 19 avril 1942.— Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 1296W75 : le commissaire spécial adjoint au commissaire divisionnaire de police spéciale de Clermont-Ferrand, le 6 février 1941.— Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 296W75 PV déposition Noëllie Châteauneuf, épouse Delaye, 1/02/41.— Regards, journal de la fédération communiste du Puy-de- Dôme, 16 septembre 1994. — SHD Vincennes, 19 P 63/5 : état des morts ayant appartenu à la 1ére Compagnie FTP, Camp Gabriel-Moquet, signé Lieutenants Bazin et Ollier, 4 janvier 1948 .— Notes manuscrites de Roger Champrobert sur Louis Cuoq (archives privées Roger Champrobert, Clermont-Ferrand).— "Un exemple : Louis Cuoq. Jeune patriote mort dans l’enfer de Dachau", La Voix du Peuple, 9 juin 1945. — “Les rues se souviennent : A Clermont, Rue Louis Cuoq”, Résistance d’Auvergne, n°12, octobre 1973.— Roger Champrobert, "Un d’Eysses qui mourrut à Dachau", Le Patriote Résistant, octobre 1992. — Ernest Biette, "A cause d’un poux", Le Patriote Résistant, n°640, février 1993. — Souvenirs de Michel Bloch : http://www.laurentbloch.org/MySpip3/Riom-Clermont-Nontron.— État civil.

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