BOSSY Victorien

Par Gérard Leidet

Né le 27 janvier 1884 à Gardanne (Bouches-du-Rhône), mort en janvier 1926 ; mineur ; syndicaliste ; délégué-mineur et dirigeant de la chambre syndicale des ouvriers mineurs du Puits-Biver (1919-1926).

Gérard Pio, Mines et mineurs de Provence, Ed. Clair-Obscur

Victorien Bossy naquit à Gardanne, la cité la plus importante du bassin de lignite de Fuveau-Gardanne, dans les Bouches-du-Rhône. Après ses études à l’école communale de la localité et l’obtention du certificat d’études primaires, il entra à la mine, au Puits-Biver, en 1897 ou 1898, il n’avait pas quatorze ans. En mai 1891, Ernest Biver, jeune ingénieur des mines avait découvert le puits de mine, qui fut foncé en 1893 ; la "Cité Biver", petit hameau de la commune de Gardanne, allait être rebaptisé ainsi en 1946.

En décembre 1913, le Préfet avait chargé un "commissaire spécial" d’établir un rapport détaillé sur les mineurs provençaux. Le fonctionnaire de police, sans doute mal informé par les directions des exploitations, s’était trompé en affirmant que ces derniers étaient majoritairement "opposés à un mouvement de grève". Son rapport, transmis le 8 janvier 1914, était cependant très intéressant, dans la mesure où il s’était efforcé de décrire chacune des exploitations du bassin minier de Fuveau-Gardanne, de donner des précisions sur les différents syndicats, et sur l’état d’esprit de leurs animateurs. Il y avait, dans le secteur, et selon le rapport de police, quatre exploitations à considérer du point de vue des menaces de grèves : celles de Castellane-Léonie, de Valdonne, de Trets et de Gardanne. Concernant cette dernière, 750 mineurs et journaliers environ, la plupart italiens, étaient employés à cette exploitation. Les ouvriers syndiqués étaient au nombre de 250 environ (mais beaucoup n’étaient pas à jour de leur cotisation indiquait le rapport) et le nombre de ceux qui assistaient habituellement aux réunions organisées par le syndicat n’excédait pas le nombre de 60. Le Président du syndicat, M. Magère, de Mimet, était considéré comme "modéré" ; il était depuis longtemps déjà délégué mineur. Victorien Bossy, qui résidait à Gardanne, était alors secrétaire du syndicat. Egalement "modéré", il passait pour être "plus intelligent et plus influent que le Président". En 1911, il avait remplacé, au poste de secrétaire, M. Buisson qui était considéré, lui, comme "violent".

Durant la première guerre mondiale, aucun mouvement de grève ne fut enregistré, si ce n’est un seul signe d’agitation signalé au début du mois de juillet 1915 chez les 200 mineurs de Fuveau travaillant au puits La Devillière-section Castellane-Léonie. Dans la soirée du 5 juillet, Victorien Bossy, qui faisait partie de la délégation du syndicat de Gardanne, assista à la réunion qui se tint au siège du syndicat de Fuveau. Au cours de cette réunion, il fut décidé d’envoyer une délégation (conduite notamment par Victorien Bossy) auprès du directeur de la société Castellane-Léonie pour le mettre au courant des revendications de la corporation (des augmentations de salaires essentiellement). "Il est à présumer qu’un conflit sera évité...", conclut le gendarme Légier de Fuveau. Ce fut le cas, comme le furent tous ceux qui auraient pu naître entre 1916 et 1918.

En 1919, victorien Bossy devint l’un des dirigeants de la Chambre syndicale des ouvriers mineurs du puits Biver.

Au-delà des débats qui agitèrent les deux confédérations lors de la scission syndicale CGT-CGT-unitaire (CGTU) de 1922, on pouvait observer chez les mineurs de Provence le rôle des militants, des dirigeants et l’influence que les uns et les autres pouvaient avoir sur les ouvriers qui leur faisaient confiance. A Gardanne, Victorien Bossy, tout comme Victor Savine, demeura à la CGT (ce fut le cas aussi à Trets avec Marius Joly et Louis Armand ; ainsi qu’à Gréasque). Dans le bas-canton, à Valdonne, les mineurs influencés majoritairement par le délégué-mineur Louis Julien se dirigèrent vers la CGTU. La scission dans le bassin minier prit ainsi une allure géographique. Il n’y eut pas, par exemple, constitution de syndicats concurrents sur une même exploitation. Ainsi, Alfred Bousquet, syndicaliste de la CGTU et militant communiste, refusa d’être candidat à Biver contre Victorien Bossy, délégué mineur sortant, ce qui lui valut d’être sanctionné par le Parti communiste.

Le 7 novembre 1925, quatre ouvriers étaient découverts, endormis, dans leur chantier au puits Biver. Ils furent congédiés aussitôt. Les deux syndicats, CGT et CGTU, semblèrent décidés à lancer un mot d’ordre de grève pour permettre leur réintégration. Le 12 novembre, le Sous-préfet d’Aix notait que "des pourparlers [avaient] été engagés entre les délégués ouvriers et la direction des Charbonnages" ; et il ajouta : "celle-ci parait disposée à reprendre l’un des ouvriers appartenant au syndicat de la CGT mais non les trois autres appartenant au Syndicat unitaire. Il est donc probable que les ouvriers appartenant au Syndicat de la CGT et qui sont de beaucoup les plus nombreux ne feront pas grève et que la grève, si elle éclate, n’intéressera que les ouvriers du Syndicat unitaire. Elle serait par conséquent de peu d’importance...". Le lendemain, la réintégration de l’ouvrier adhérent de la CGT fut confirmée. Le syndicat CGT majoritaire (la CGTU ne regroupait à Gardanne que 250 ouvriers, dont une quarantaine de français) décida de ne pas faire grève. Les trois ouvriers "unitaires" furent, de la sorte, "abandonnés". Les patrons des Charbonnages des Bouches-du-Rhône avaient essayé d’atteindre leur objectif : se débarrasser, par tous les moyens, des militants "unitaires" en jouant, au besoin, sur la division syndicale. Deux des trois ouvriers licenciés en novembre 1925 étaient connus ; il s’agissait des frères Jules Caula et Marius Caula qui étaient aussi les militants les plus actifs du jeune Parti communiste à Gardanne, avec leur père, Maximilien Caula, et Alfred Bousquet, qui sera lui aussi chassé plus tard du puits Biver...

Quelle fut alors l’attitude de Victorien Bossy demeuré, on l’a vu, au "vieux syndicat" (on désignait ainsi dans le bassin minier la CGT et les "confédérés" afin de les distinguer de la CGTU et des "unitaires) lors de ce conflit bien singulier ? Il est possible que "l’inaction" de la CGT (et de Victorien Bossy ?) ait pu aller jusqu’à des attitudes que ne manquèrent pas de condamner violemment les "Unitaires". Ceci pourrait alors expliquer le fait étrange que la mort de Victorien Bossy, en mai 1926, provoqua, selon Gérard Pio, "de violentes et profondes polémiques entre confédérés et unitaires"...

Un autre militant, André Bossy, mineur, syndicaliste CGT-U, figurait sur la liste des candidats présentés par le Bloc ouvrier et paysan (BOP), animée par le Parti communiste, lors des élections municipales de mai 1935 à Simiane (village situé près de Gardanne). Y avait-il un lien de parenté entre les deux ?

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article212285, notice BOSSY Victorien par Gérard Leidet, version mise en ligne le 21 février 2019, dernière modification le 21 février 2019.

Par Gérard Leidet

Gérard Pio, Mines et mineurs de Provence, Ed. Clair-Obscur

SOURCES : Archives départementales de Marseille, XIV M. 25/48 bis. — Archives départementales de Marseille, XIV M 25/70. — Archives départementales de Marseille, XIV M 25/65 — Archives communales de Gardanne. — Gérard Pio, Mines et mineurs de Provence, Editions Clair Obscur, Aix-en-Provence,1984. — Note de Louis Botella.

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