DAIX Pierre

Par Philippe Olivera

Né le 24 mai 1922 à Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne), mort le 2 novembre 2014 à Paris (XIVe arr.) ; résistant, déporté à Mauthausen ; membre du Parti communiste (1940-1973) ; secrétaire politique du ministre Charles Tillon (1945-1947) ; rédacteur en chef des Lettres françaises (1947-1950, 1953-1972) et directeur adjoint du quotidien Ce Soir (1950-1953) ; membre de la commission des intellectuels (1948-1951, 1954-1956) et vice-président de la section idéologique du comité central (1951-1954) ; journaliste, écrivain et historien de l’art.

Pierre Daix naquit en 1922 de parents fonctionnaires, eux-mêmes de souche paysanne. Son père, Martial Daix (né en 1888) fils d’un sabotier illettré et d’une épicière à Seilhac, venait de Corrèze. Tôt orphelin de père, titulaire du certificat d’études primaires, il était entré dans la gendarmerie après son service militaire et ce fut dans cette arme qu’il fit la Première Guerre mondiale. Sa mère, Germaine Derbré (née en 1890) était issue de familles de laboureurs mayennais par son père et de journaliers sarthois par sa mère, elle aussi épicière avant de prendre une place de cuisinière à Paris. Élevée par son parrain et sa marraine, la mère de Pierre Daix fréquenta le lycée du Mans et devint institutrice à dix-huit ans. Après la guerre, Martial Daix fut nommé à Ivry-sur-Seine alors que Germaine Derbré dirigeait une école à Orly, puis à Vitry. Ils se marièrent en décembre 1920. En 1927, la famille s’installa à Vitry-sur-Seine, alors que son père quitta la gendarmerie pour devenir appariteur-enquêteur à Villejuif. En 1932, Pierre Daix entra au lycée Henri-IV à Paris, le lycée de secteur où bien peu de ses camarades de Vitry le suivirent. Ses parents nourrissaient pour lui le projet de devenir fonctionnaire et professeur, mais ils résistèrent un temps lorsqu’il exprima le désir de rejoindre la filière d’élite latin-grec, que ces laïques convaincus assimilent à la réaction. Outre le retard qu’il combla en langues anciennes, Pierre Daix apprit aussi l’allemand et suivit les cours facultatifs d’histoire de l’art de Robert Cohen.
Sa première socialisation politique fut clairement laïque et de gauche, mais dans une banlieue de plus en plus conquise par les communistes, le père de Pierre Daix était un lecteur du Populaire, plutôt socialiste et pacifiste. Son fils fut vite attiré par des engagements plus radicaux. Un oncle, Jean Dejoint, participant au congrès de Tours et exclu du Parti communiste en 1928 avant de rejoindre les « néos », lui fit lire La Révolution prolétarienne. Pierre Daix était alors très proche de son cousin Georges Dejoint, plutôt pivertiste, qui assura sa formation marxiste. Favorable en 1936 à l’intervention en Espagne (contre son père et son oncle), il lisait régulièrement le nouveau quotidien communiste Ce Soir, dès 1937.
Entré à la khâgne d’Henri-IV à la rentrée de 1939 (il était inscrit en licence d’histoire), il suivit le repli de celle-ci à Rennes et ce fut là qu’il entra en contact avec le Parti communiste, en octobre, par l’intermédiaire du jeune étudiant Olivier Souef. De retour à Paris au début du mois de juillet 1940, il participa à des actions avec les étudiants communistes, se vit confier la tâche de reconstituer le club étudiant du Centre laïc des auberges de jeunesses et contribua à l’organisation des manifestations du 8 novembre au Collège de France (empêchées par la police) et du 11 novembre à l’Arc de Triomphe. Il fut arrêté une première fois au moment de la chute de l’organisation des étudiants communistes à la fin de ce mois. Après trois mois de prison à la Santé, il passa en procès en février 1941 et fut aussitôt libéré puisqu’il avait déjà accompli sa peine. Reprenant ses activités clandestines, il participa aux manifestations du 14 et du 27 juillet, puis du 13 août. Alors que la lutte était devenue armée, il devint recruteur étudiant pour l’Organisation spéciale (OS) et, à la rentrée 1941, reçut la tâche de monter l’organisation du Front national dans les facultés de Sciences et de Lettres.
À nouveau arrêté le 7 janvier 1942, il échappa aux exécutions de mars où nombre de ses amis disparurent. Condamné à trois ans de prison par la Cour spéciale française de Paris, il fut incarcéré à Clairvaux à partir de septembre. Il y rencontra Auguste Havez et participa à la mise en place d’une université carcérale. Transféré à Blois en septembre 1943, il y fit la rencontre d’Artur London. En février 1944, il passa par Compiègne avant d’être déporté en Allemagne, au camp de Mauthausen. Porteur de pierre pendant deux mois à la carrière, et ayant survécu à la maladie, il y devint ensuite secrétaire adjoint de block, interprète (grâce à sa connaissance de l’allemand) au Kommando de réception des nouveaux arrivants et à la compagnie disciplinaire. Membre de l’organisation de résistance communiste du camp, c’était l’agent de liaison d’Octave Rabaté. Il quitta le camp à la fin avril 1945, dans un convoi de la Croix-Rouge.
Après trois mois à Combloux, dans une maison de repos pour étudiants résistants où commença son couple avec Madeleine Riffaud, Pierre Daix devint en septembre 1945 le secrétaire politique du ministre communiste Charles Tillon, alors au ministère de l’Air. Il le suivit à l’Armement (novembre 1945-décembre 1946), puis à la Reconstruction à partir de janvier 1947 et jusqu’au départ des ministres communistes le 4 mai. Par l’intermédiaire des anciens de Mauthausen et par sa femme Madeleine Riffaud (ils se marièrent le 26 septembre 1945 et eurent une fille en juin 1946, mais le couple se défit assez vite), il fréquenta de plus en plus les milieux intellectuels communistes et commença à écrire dans les publications du Parti. Pendant l’intermède du ministère Blum (décembre 1946-janvier 1947), il était chargé de France d’abord, le journal des FTP, et à la fin de l’expérience gouvernementale communiste, il fut placé par André Marty au journal des « Jeunesses », L’Avant-garde. Après un long repos pendant l’été 1947, il fut nommé directeur adjoint des Éditions sociales en septembre 1947 et il entra peu après à la commission des éditions du parti.
Introduit dans le milieu du Comité national des écrivains par Jean Marcenac et remarqué par Aragon pour un compte rendu favorable des Fantômes armés d’Elsa Triolet, il devint rédacteur en chef des Lettres françaises à la fin de 1947. C’est le début de sa plus longue expérience professionnelle. Dans l’immédiat, le contexte était à l’entrée en Guerre froide et à la reprise en main par le PC (réduction drastique des effectifs et installation dans les locaux de Ce Soir) du journal de la résistance des écrivains qu’il contrôlait financièrement, mais qui bénéficiait jusque-là d’une réelle autonomie. Désormais entré dans l’orbite d’Aragon, Pierre Daix fut alors au moins autant l’homme de Laurent Casanova qui dirigeait la commission des intellectuels où il entra. En pointe dans le combat contre les compagnons de route critiques (Aveline, Cassou, Vercors*...) qui s’étaient exprimés dans L’Heure du choix, il fut chargé de mettre en place un Cercle des critiques pour encadrer les vifs débats qui agitaient alors le monde intellectuel communiste. L’exclusion du « groupe de la rue Saint Benoît » (Robert Antelme, Marguerite Duras, Dionys Mascolo) à l’automne 1948 mit fin à l’expérience et Pierre Daix participa peu après au lancement de La Nouvelle Critique en décembre 1948 dans le contexte des polémiques du Lissenko et des attaques contre Sartre*. C’est aussi l’époque de l’entrée dans la société communiste internationale (même s’il en avait déjà fait l’expérience à Mauthausen) et des voyages à l’Est : en Tchécoslovaquie (en 1947 et en 1950), en Pologne (été 1948 dans la foulée du congrès de Wroclaw « des intellectuels pour la paix »), en URSS (été 1950), en Roumanie (été 1951).
C’est pendant cette époque « stalinienne » qu’il publia aux Éditeurs français réunis son premier roman, La Dernière forteresse, consacré à l’expérience des camps. Née pendant l’été 1947 et mise en œuvre pendant les étés 1948 et 1949, l’idée de mettre Mauthausen en roman rencontra les nécessités du combat de l’heure : face à David Rousset qui publiait des preuves sur les camps soviétiques et réclamait une commission d’enquête, Pierre Daix fut en première ligne à l’automne 1949. Sa violente réfutation dans Les Lettres françaises et Ce Soir fut publiée en brochure par le PCF (200 000 exemplaires selon lui, cf. Tout mon temps, p. 307), ce qui donna lieu à un procès retentissant intenté par David Rousset à la fin de 1950. Entre-temps, la sortie de son roman au début de 1950 fut un succès fortement entretenu par le parti. Les années suivantes, Pierre Daix reprit dans trois autres romans cette mise en scène d’un parti héroïque en passant de Mauthausen à la première période de la Résistance clandestine.
La période de la maladie de Maurice Thorez qui commença en novembre 1950 constitua le premier infléchissement d’un parcours de progression dans l’appareil. Dans l’immédiat, Pierre Daix se rapprocha du cœur de cet appareil en participant - comme directeur adjoint de Ce Soir et comme André Stil* pour l’Humanité - à la partie politique de la réunion hebdomadaire du secrétariat du parti. Mais la défaite de Casanova face à Auguste Lecœur (dissolution de la commission des intellectuels) et le contexte de lutte acharnée au sommet le mirent sur la sellette. En 1951, le début de l’affaire Slansky visa certains de ses amis tchèques (comme Artur London) et en France, l’affaire Marty-Tillon (voir André Marty et Charles Tillon), toucha son ancien « patron » dont il se désolidarisa devant sa cellule. Toujours du côté de l’appareil face aux compagnons de route récalcitrants, il persuada Vercors* de renoncer en décembre 1952 à la dénonciation du caractère antisémite des procès de Prague. Même s’il devint à cette époque vice-président de la section idéologique, la disparition de Ce Soir en février 1953 et son retour aux Lettres françaises allaient le conduire à s’éloigner progressivement des cercles du pouvoir.
Le 15 avril 1952 Pierre Daix épousa à la mairie de Paris (XVIIe arr.) Josette Burnat, dont il divorça
En mars-avril 1953, la publication d’un portrait de Staline par Pablo Picasso en « une » des Lettres françaises au moment de la mort du « Petit Père des peuples » provoqua une crise violente. Assurant depuis 1947 la liaison avec le grand peintre qu’il visita plusieurs fois à Vallauris, Pierre Daix fut en première ligne, aux côtés d’Aragon. Cette affaire du « portrait de Staline » fut le point d’orgue d’une série d’attaques menées depuis décembre 1950 sur le terrain de l’art par le camp de Lecœur qui opposa le peintre André Fougeron (vrai « peintre communiste ») à Picasso (simple « peintre de la paix »). Le désaveu public par le secrétariat du parti d’un portrait jugé peu respectueux pour le « grand Staline » rangea définitivement Pierre Daix dans le camp de Louis Aragon. Désormais, il se concentra surtout sur son activité de rédacteur en chef d’un « journal au service des intellectuels et de la culture française » (F. Billoux au comité central d’octobre 1953 qui réprouva le désaveu de mars). Tout en conservant une série de grandes figures communistes qui partageaient souvent leur activité avec d’autres journaux ou revues (le critique littéraire de l’Humanité André Wurmser, le spécialiste du cinéma Georges Sadoul, le critique d’art George Besson* venu de Ce Soir, Marcel Cornu surtout proche de La Pensée...) Pierre Daix mit progressivement en place une équipe rédactionnelle solide et durable composée de chefs de rubrique salariés et de pigistes réguliers : pour la littérature, Anne Villelaur (entourée de Jean Gaugeard, Hubert Juin, Lia Lacombe, Tristan Renaud...) ; pour la poésie, René Lacôte ; pour le théâtre, Jean Gandrey-Réty puis Claude Olivier (avec Renée Saurel, Émile Copfermann...) ; pour le cinéma, Charles Dobzinsky (alias Michel Capdenac) qui assistait Sadoul (avec Marcel Martin...) ; pour l’art, Pierre Descargues puis Georges Boudaille (avec Raoul-Jean Moulin, Jean Bouret...) ; pour la musique René Bourdier (le secrétaire général du journal), Martine Cadieu, Suzanne Demarquez..., Hélène Cingria pour la mode, Victoria Achères pour la danse, Jean-Pierre Chabrol pour la télévision... Alors que Pierre Daix lui-même ne fréquentait plus sa cellule (sur le conseil de Thorez dès 1953) et qu’il s’éloigna de la commission des intellectuels après 1956, l’ensemble des rapports de cette rédaction avec le parti passa par lui et par Aragon.
Rédacteur en chef d’un journal de plus en plus autonome, Pierre Daix occupa une situation particulière dans le contexte de la déstalinisation. Dans le sillage d’Aragon, il fut étroitement lié à Maurice Thorez qui s’efforça de contrôler et de limiter en France les effets du « dégel » Khrouchtchevien. Sa Lettre à Maurice Nadeau sur les intellectuels et le communisme (avril 1957, numéro spécial de La Nouvelle Critique sur décision de Thorez) en fut un parfait exemple : un des premiers à prendre acte publiquement du rapport de Khrouchtchev au sein du parti, il reconnut son erreur sur les camps, évoqua les « crimes de Staline », mais posa le problème du stalinisme comme déjà réglé en France. De ce fait, il eut peu de liens avec les autres acteurs de la déstalinisation française. Et si Pierre Daix participa activement, avec Aragon, à l’élaboration de la résolution du comité central d’Argenteuil de mars 1966 « sur les problèmes idéologiques et culturels », il n’en donna aucun écho dans Les Lettres françaises. Alors qu’Aragon était revenu dans le jeu littéraire depuis La Semaine sainte en 1958, le journal joua plutôt la partition de l’« ouverture », notamment aux avant-gardes artistiques, littéraires, artistiques et scientifiques comme le structuralisme (Pierre Daix publia, en 1968, Nouvelle critique et art moderne dans la collection « Tel Quel » aux éditions du Seuil).
Dans le même temps, guidé par Aragon et par Elsa Triolet, il joua un rôle dans le « dégel » par le soutien qu’apportèrent Les Lettres françaises aux écrivains et artistes des pays socialistes qui y contribuèrent (Ilyia Ehrenbourg, Victor Nekrassov, Alexandre Tvardowski, Antonin Liehm en Tchécoslovaquie...). En 1963, Elsa Triolet lui confia la préface du livre d’Alexandre Soljenitsyne, Une journée d’Ivan Denissovitch (Julliard). L’évolution de sa vie personnelle accentua cette proximité avec l’autre côté du « Rideau de fer » : un an après le retour d’Artur London en France (1965), il commença une vie commune avec sa fille Françoise. Il divorça en juin 1967 de sa deuxième épouse, Anne Villelaur (née Josette Bournat), mariée à Paris (XVIIe arr.) le 17 septembre 1952, et il se remaria le 20 décembre 1967 avec Françoise London. Ils auront un fils en juin 1970. Le couple se rendit à Prague en avril 1967, en novembre 1967 et encore en mars 1968, au beau milieu du « Printemps ».
Ayant défendu La Chinoise de Godard en 1967 (coup de téléphone réprobateur de Roland Leroy), Pierre Daix mit son journal du côté des étudiants en mai 1968 (numéro spécial du 15 mai et coup de téléphone réprobateur de Georges Marchais). De manière significative, il alla à ce moment chez Picasso, entre deux voyages à Prague (il en tira un Journal de Prague publié en octobre) : l’art moderne et la critique de la normalisation à l’Est furent désormais les deux axes principaux de son activité intellectuelle pour les années à venir. Comme presque toute la rédaction du journal, Pierre Daix vécut d’assez loin le mouvement de mai-juin 1968 qui, à terme, sanctionnait l’échec de la voie choisie par Aragon et par Les Lettres françaises (à titre de symbole, on peut citer l’éloignement du groupe « Tel Quel » qui se rapprochait du rival qu’est la Nouvelle Critique). Pendant quatre ans, cependant, Pierre Daix continua à faire un journal ouvert aux avant-gardes et qui réparait les attaques antérieures, venues du monde communiste, contre des grandes figures comme Beckett, Chagall... (ses livres Structuralisme et révolution culturelle, Casterman, 1971 et L’aveuglement devant la peinture, Gallimard, 1971 - font l’inventaire critique du marxisme-léninisme du mouvement communiste dans le domaine culturel). En parfait accord avec Aragon (qui le laissa diriger seul le journal après la mort d’Elsa Triolet en juin 1970), il suivit de près la répression contre les intellectuels critiques des pays socialistes (traduction et préface du Journal d’un contre-révolutionnaire de Pavel Kohout, C. Bourgois, 1971). Depuis janvier 1969, l’URSS, la Bulgarie et la Hongrie avaient interrompu leurs abonnements. En 1972, c’est la direction du Parti communiste français qui décida de mettre fin aux Lettres françaises. Pierre Daix attendit 1974 pour ne pas reprendre sa carte du PC.
Désormais sans activité régulière salariée, il se consacra surtout à l’écriture d’ouvrages (plus d’une quarantaine depuis 1972). Ce que je sais de Soljenitsyne (Le Seuil, 1973) vint appuyer l’intérêt croissant en Occident pour le grand écrivain russe qu’il retrouva sur le plateau d’« Apostophe » l’année suivante. La biographie d’Aragon (Aragon, une vie à changer, Le Seuil, 1975) et son propre témoignage (J’ai cru au matin, Robert Laffont, 1977) lui donnèrent l’occasion d’une forme d’inventaire de son propre parcours. Ils furent accompagnés d’une série de préfaces (à Dubcek accuse, « Comité du 5 janvier pour une Tchécoslovaquie libre et socialiste », 1975 ; aux Normalisés de Christian Jelen, Albin Michel, 1975 ; aux Chroniques de la résistance [en Ukraine], PIUF, 1977 ; aux Mémoires du général dissident Piotr Grigorenko, Presses de la Renaissance, 1980 ; à la réédition de J’ai choisi la liberté de Kravtchenko, Orban-Baudinière, 1980) et d’essais critiques sur l’histoire du monde communiste (Le Socialisme du silence, Le Seuil, 1976 ; La Crise du PCF, Le Seuil, 1978 ; Les Hérétiques du PCF, Robert Laffont, 1980 ; 1964 : l’avènement de la nomenklatura, Complexe, 1982). Avec Pierre Emmanuel et Gilles Martinet, il contribua à la création du Comité international de soutien à la Charte 77 (1977) qui distribua un prix Jan Palach jusqu’en 1990. Désormais une figure importante du milieu antitotalitaire, il y fréquenta Boris Souvarine, Branko Lazitch, François Fejtö, David Rousset et dénonça avec eux l’« aveuglement » d’une gauche française alliée au PCF. Pierre Daix renoua avec le journalisme en devenant conseiller de la rédaction du Quotidien de Paris de Philippe Tesson entre 1980 et 1985. Il continua à y collaborer jusqu’à la disparition du journal en 1994, tout en écrivant aussi dans Le Figaro et Le Figaro magazine de Louis Pauwels.
À côté de ce qui peut être considéré comme un prolongement - direct quoiqu’inversé - de son engagement politique antérieur, Pierre Daix s’orienta vers l’histoire de l’art, notamment contemporain. Cette vocation précoce (au lycée) se percevait déjà largement dans Les Lettres françaises par ses fréquentes contributions à la rubrique « arts », multipliées dans la période du journal. Elle trouva surtout à s’exprimer autour de la figure de Picasso. D’agent de liaison politique avec le grand peintre, il en était vite devenu l’intime. À la suite d’un premier livre sur Delacroix au Cercle des amis du livre progressiste (1963), l’éditeur Somogy avait passé commande d’un Picasso, publié en 1964 dans la collection « les plus grands ». Dès les années 1960, il s’était lancé dans l’énorme travail d’un catalogue de l’œuvre de jeunesse dont il publia le premier volet en 1979 avec Joan Rosselet et le second en 1988 avec le même et Georges Boudaille. Outre ses nombreux ouvrages sur Picasso, il en consacra d’autres, à partir de la fin des années 1980, à Rodin, Gauguin, Hans Hartung, Soulages, Zao Wo Ki, Pierre Alechinsky, Antoni Clavé...

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article21303, notice DAIX Pierre par Philippe Olivera, version mise en ligne le 2 novembre 2015, dernière modification le 28 janvier 2022.

Par Philippe Olivera

ŒUVRE CHOISIE : La dernière forteresse, roman, Les Éditeurs français réunis, 1950 (nouvelle édition avec préface d’Aragon et postface de l’auteur, EFR, 1954). — Réflexions sur la méthode de Roger Martin du Gard, EFR, 1957. — Picasso, Somogy, 1964, « Les plus grands ». — Nouvelle critique et art moderne, Le Seuil, 1968, « Tel Quel ». — Journal de Prague, Julliard, 1968 (repris et augmenté in Prague au cœur, 10/18, 1974). — Aragon, une vie à changer, Le Seuil, 1975 (réédition révisée, Fayard, 1994). — J’ai cru au matin, Robert Laffont, 1976, « Vécu ». — La Vie de peintre de Pablo Picasso, Le Seuil, 1977. — Avec Joan Rosselet, Le Cubisme de Picasso. Catalogue raisonné de l’œuvre peint, 1907-1916, Ides et Calendes, 1979. — Avec Georges Boudaille et Joan Rosselet, Picasso 1900-1906, catalogue raisonné de l’œuvre peint (II), Ides et Calendes, 1988. — Dictionnaire Picasso, Robert Laffont, 1995, « Bouquins ». — Dénis de mémoire, Témoins-Gallimard, 2008.

SOURCES : Pierre Daix, J’ai cru au matin, Robert Laffont, 1976. — Pierre Daix, Tout mon temps, Fayard, 2001. — Pierre Daix, Les Lettres françaises, jalons pour l’histoire d’un journal, 1941-1972, Tallandier, 2004. — Frédérique Matonti, Intellectuels communistes. Essai sur l’obéissance politique. La Nouvelle Critique (1967-1980), La Découverte, 2005. — Philippe Olivera, Aragon et les Lettres françaises, 1965-1972, DEA d’histoire, IEP de Paris, 1990. — Philippe Olivera, Louis Aragon entre littérature et politique. Ses articles dans les Lettres françaises de 1960 à 1972, maîtrise d’histoire, Université de Paris I, 1991. — Entretien avec Pierre Daix, 3 mai 1991. — Thomas Wieder, "Pierre Daix. Écrivain, historien de l’Art", Le Monde, 5 novembre 2014, avec photo. — État civil.

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