RENOTTE Paul. [Belgique]

Par Jules Pirlot

Ixelles (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale), 21 janvier 1906 − Tignée (aujourd’hui commune de Soumagne, pr. et arr. Liège), 24 octobre 1966. Artiste, militant communiste, conseiller provincial de Liège, conseiller communal, échevin de la Ville de Liège, époux de Jeanne Massart.

Le père de Paul Renotte, fils d’un marchand de bestiaux de la région liégeoise, sous-directeur au ministère des Colonies, réside à Bruxelles. Paul Renotte perd sa mère à l’âge de six ans. Il n’achève pas ses études secondaires. C’est à l’Académie des Beaux-Arts de Liège qu’il termine ses études en 1925, où il est distingué par des prix, à la fois en peinture et en sculpture. Il participe à une exposition des peintres surréalistes.

En 1926, Paul Renotte part pour Paris où il s’engage dans la Ligue anti-impérialiste, dans l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires et dans le Cercle d’études socialistes. Il fréquente Louis Aragon, Francis Jourdain, Paul Vaillant-Couturier et Henri Wallon. Influencé par une sœur, sympathisante communiste, il adhère, dès 1928, à l’Association des Amis de l’Union Soviétique et participe à la fondation des Amis de Monde dirigé par Henri Barbusse.

De retour à Liège en 1932, Paul Renotte rejoint le Parti communiste belge (PCB). Il rencontre et épouse Jeanne Massart, née en 1913, dont un frère, communiste, tombe au combat en Espagne. Elle est déjà mère d’une fille. Ensemble, le couple Renotte-Massart en a une autre, Fanny. Cette dernière épousera Georges Yu et sera mère de trois enfants dont Maxime et Jean-Christophe qui deviennent eux aussi militants communistes.
Paul Renotte passe cinq jours en prison à la suite d’une grève à la Linière, usine située à Liège. En 1936, il est élu conseiller provincial de Liège, puis conseiller communal en 1938. Il devient un cadre rémunéré du PCB.

En raison de l’agression allemande contre l’URSS, Paul Renotte est arrêté le 22 juin 1941, comme tous les communistes connus en Belgique. Incarcéré à la citadelle de Huy (pr. Liège, arr. Huy) avec Julien Lahaut et Jean Terfve*. Il réussit à s’évader, seul, le 14 août suivant. Il renoue rapidement le contact avec le PCB à Bruxelles (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale) et s’occupe du journal clandestin Clarté. Il est ensuite envoyé dans la province de Luxembourg, comme secrétaire politique fédéral, pour organiser les communistes et le Front de l’Indépendance. Il dirige Sol, tandis que sa femme lance La Voix du Luxembourg et Le Sanglier des Ardennes. Mais en juillet 1943, toute la direction du PCB est arrêtée ainsi qu’une série de cadres, dont Jeanne Massart qui est une courrière nationale. La situation au Luxembourg devient intenable. Paul Renotte fait une dépression et passe la main. Il est rappelé à Bruxelles mais rate un rendez-vous qu’il considère comme un piège. Cette période de sa vie lui sera reprochée par la direction du PCB. Il est rétrogradé instructeur à Bruxelles notamment pour le secteur du Brabant wallon. En mai 1944, il remonte en grade : il devient adjoint puis titulaire du secrétariat à l’agitation et à la propagande, fonction qu’il exerce sous le nom de Roland. Il est éditeur de Clarté jusqu’à la Libération.

Paul Renotte reprend son travail à Liège. Il dirige Liberté, l’organe de la Fédération communiste issu de la clandestinité et devenu un hebdomadaire. Jeanne Massart rentre des camps en mai 1945 ; le PCB veut en faire une icône de la résistance et l’élit au Comité central en 1948. Ce rôle ne lui convient pas, elle s’occupe de sa famille et reprend des études d’infirmière. Plus tard, avec Willy Peers, elle lancera les méthodes d’accouchement sans douleurs et fera la promotion de la contraception.

Paul Renotte se plaint des hésitations concernant Liberté dont il voudrait faire un quotidien. Il reproche au PCB de tout centraliser à Bruxelles. Avec l’accord du PCB, il participe aux côtés de Julien Lahaut et de Jean Terfve au Congrès national wallon de 1945, pour réclamer « plus d’autonomie pour la Wallonie dans le cadre de l’État belge ». Il reste membre du Comité permanent du Congrès wallon après 1945. Mais la ligne du PCB change. Au Bureau politique, on s’inquiète et on voit en Paul Renotte le porte-parole d’un « tendance liégeoise » à faire taire. Peu après la grande grève de l’hiver 1960-196, Renotte publie dans La Wallonie daté du 17 mars 1961 une lettre ouverte d’approbation à André Renard, intitulée Fédéraliste depuis 1932, où il affirme avoir toujours été communiste et fédéraliste depuis 1932, parce que les « structures unitaires nuisent à l’épanouissement des deux communautés ». La Commission de contrôle politique rouvre son dossier, mais cette fois, il a l’appui de la direction qui renoue avec la ligne fédéraliste.

En 1946, Paul Renotte pose la question de son retour à la carrière artistique. Il est démis de la direction de Liberté, écarté du Comité fédéral par un congrès, suite à une intervention de Jean Terfve au nom du Bureau politique. Le Comité central lui refuse la tête de liste au Luxembourg qui lui a été promise. On lui confie la première place du canton de Liège sur la liste provinciale, mais le responsable national des cadres lui signale que c’est le deuxième, Constant Mawet, qui sera appelé à la Députation permanente s’il est élu et si l’alliance des gauches est reconduite. Les élections communales d’octobre 1946 et la formation d’un collège socialiste-communiste vont tout changer. Au début de 1947, Paul Renotte devient échevin de l’État civil, du Ravitaillement, du Tourisme et des Beaux-arts. Il célèbre un nombre invraisemblable de mariages mais s’impose comme échevin de la Culture. À ce titre, il anime la vie culturelle avec la fondation de l’APIAW, l’Association pour le progrès intellectuel et artistique de la Wallonie. Il reconstitue le Musée des Beaux-Arts, fait restaurer le Cabinet des estampes, lance les Concerts de midi, obtient la restauration et le classement de l’ancienne église Saint-André, devenue salle d’exposition communale, promeut des émissions culturelles à Radio-Liège. Il institue le Musée de l’art wallon qu’il confie à Jules Bosmant, instituteur et critique d’art, compagnon de captivité à la citadelle de Huy. Celui-ci, non communiste, avait été arrêté en raison de son appartenance au Comité de vigilance des intellectuels antifascistes (CVIA). Paul Renotte doit faire face à de multiples attaques politiques de la droite mais aussi à des critiques venant de membres de son parti qui l’accusent d’embourgeoisement. Il est réélu conseiller communal en 1952, mais la Ville se dote d’une majorité socialiste-libérale.

Paul Renotte abandonne la politique et retourne à sa carrière artistique. Il est nommé en 1955 professeur à l’Académie où il avait fait ses études. Il se tourne résolument vers l’art non figuratif. Il est en désaccord avec les conceptions culturelles du PCB et notamment avec l’école réaliste qui trouve que l’abstraction manque de sens. En 1957, il commence un ouvrage L’art est une chose importante qui paraît en 1962 à Lyon. Il y prend position contre l’académisme, y compris soviétique. Il prône l’éducation artistique et un accès au plus grand nombre par une intégration de l’art dans l’architecture. En 1961, il prend la défense des artistes polonais dont l’exposition à Bruxelles est critiquée par Jean Cimaise (Jean Goldman) dans Le Drapeau rouge. Le débat déborde de la presse communiste et fait l’objet d’un échange d’arguments dans Combat, l’hebdomadaire de Mouvement populaire wallon. Paul Renotte rappelle qu’avant de retomber dans l’académisme du réalisme socialiste, l’art dans la jeune république des soviets faisait la part belle aux avant-gardes et qu’un des fondateurs de l’art abstrait, Vassily Kandinsky, a été commissaire du peuple aux Beaux-Arts. En 1964, il expose, avec les Abstraits wallons, et écrit dans un texte non publié Art et dialectique que « toute œuvre d’art doit être considérée comme complètement déchargée de toute mission informative et idéologique ».

Toutefois, ces conceptions n’éloignent pas Paul Renotte de ses convictions politiques. La Jeunesse communiste fait appel à lui pour réaliser une affiche destinée aux jeunes travailleurs-étudiants et un dessin non figuratif qui symbolise la solidarité des Noirs et des Blancs pour l’indépendance du Congo.
C’est dans sa maison de campagne où il se livre à des expériences de peinture sur tôle cuite et de sculptures non-figuratives métalliques que Paul Renotte décède le 24 octobre 1966. La Ville de Liège décide de lui rendre un hommage officiel. Le 27 octobre, un impressionnant cortège funéraire démarre de l’Hôtel de Ville après les discours du Premier échevin, du directeur de l’Académie des Beaux-Arts et un vibrant hommage de Théo Dejace au nom du PCB. Un cercle culturel, une association, une fondation, une galerie d’art porteront son nom et il fera l’objet de plusieurs expositions rétrospectives. Il laisse le souvenir d’un intellectuel autodidacte.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article213172, notice RENOTTE Paul. [Belgique] par Jules Pirlot, version mise en ligne le 10 mars 2019, dernière modification le 26 novembre 2023.

Par Jules Pirlot

SOURCES : CArCoB, dossiers n° 2403 et 1905 de la CCP ; film des funérailles de Paul Renotte, fonds vidéo numérisé Yu − YU J.-C., Le Mouvement réaliste en Belgique de 1940 à nos jours, mémoire de licence en histoire de l’art inédit de l’Université de Liège, Liège, 1987 − RENWART M., « Renotte Paul », dans Le Dictionnaire des peintres belges du XIVe siècle à nos jours. Depuis les premiers maîtres des anciens Pays-Bas méridionaux et de la Principauté de Liège jusqu’aux artistes contemporains, t. II, Bruxelles, La Renaissance du livre, 1995 − DELFORGE P., « Renotte Paul », dans DELFORGE P., DESTATTE P., LIBON, M. (dir.), Encyclopédie du mouvement wallon, t. III, Charleroi, 2001 − « Renotte Paul » dans GOYENS DE HEUSCH S. (dir.), XXe siècle. L’Art en Wallonie, peinture, sculpture, gravure, tapisserie, photographie, architecture, Bruxelles, La Renaissance du livre, 2001 − BOSMANT J., Souvenirs d’un ancien Belge, Liège, 1974 − LEKEUX L., Les activités culturelles de la Fédération liégeoise du Parti communiste de Belgique de 1945 à 1950, mémoire de licence en histoire inédit de l’Université de Liège, Liège, 2008 − Notice biographique de Paul Renotte, dans GOTOVITCH, J., Du rouge au tricolore. Résistance et Parti communiste, Bruxelles, CArCoB, réédition, 2018.

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