COURTEJAIRE Madeleine

Par Vanessa Michel

Née le 11 mai 1918 à Surville (Calvados), disparue, vraisemblablement exécutée sommairement par les FTP, décédée selon la justice courant 1945 ; couturière ; résistante au sein des Francs-tireurs et partisans (FTP).

Madeleine Courtejaire était la fille de Paul Courtejaire et de Thérèse Périchon. Mariée, elle divorça d’Henri Faure. Pendant la guerre, elle était couturière et domiciliée 7 avenue de la gare à Riom.
Madeleine fut la compagne d’Henri Sintes, dit "Moro", le chef de l’équipe spéciale FTP qui s’empara d’un milliard de francs en gare de Clermont-Ferrand le 9 février 1944. À ce titre, Madeleine a aidé l’équipe au moins pour de la logistique mineure, dans un premier temps. Elle est devenue ensuite, selon plusieurs témoignages fiables, agent de liaison. Elle a été chargée de convoyer des fonds du Milliard, très certainement en tant qu’agent du service B. (le service de renseignements des FTP).
Des papiers l’indiquant comme représentante de commerce ont été retrouvés dans la valise de Sintes en 1955 (dans une maison acquise par Madeleine à Aubière). Nous pouvons émettre l’hypothèse qu’il s’agit probablement de faux papiers ayant facilité ses différentes missions dans le cadre de la Résistance.
L’historien Eugène Martres écrit que Madeleine et Moro auraient quitté la région peu avant la libération de Clermont-Ferrand, le 25 août 1944, pour se rendre à Lyon.
Après cela, tous deux disparurent, et au-delà des rumeurs, la thèse de leur élimination par des résistants FTP, évoquée par exemple dans le quotidien La Liberté en avril 1947, semble la plus probable.
Aucun des deux n’ayant plus jamais donné signe de vie, on imagine mal qui, en dehors de commanditaires de l’opération, de camarades ou de supérieurs de Sintes, ait pu vouloir les supprimer et effacer ensuite toute trace de leur existence.
La direction du Parti estimait que des fautes importantes avaient été commises pendant et après l’opération du Milliard de la Banque de France.
Madeleine, comme son compagnon, en savait-elle trop ?
On notera que dans l’hebdomadaire du Parti dans le Puy-de-Dôme, La Voix du Peuple, parut le 18 août 1945 un avis de recherche concernant Henri Sintès et sa collaboratrice. Il est alors présenté comme FTP, chef de district des maquis du Puy-de-Dôme et de la Loire. Il est précisé qu’il est recherché avec sa collaboratrice Mademoiselle Madeleine Blanchet et qu’ils ont disparu depuis la libération de Lyon. Cet avis de recherche semble indiquer que la direction fédérale du Parti n’était pas informée des conditions de sa disparition ou alors elle a feint de le chercher, à la demande de sa famille de Sintès dont l’adresse est signalée, alors que la fédération connaissait son sort.
N’ayant pas retrouvé son corps, rien n’indique si elle a été abattue dans la région ou ailleurs. Mais si en l’état actuel des recherches il n’existe pas de trace écrite d’un ordre du Parti communiste dans sa disparition, la volonté de l’effacer de cette action et le fait même que son existence ait été rayée de la mémoire collective des FTP ou du PCF, semble accréditer l’hypothèse de son exécution.
Car Madeleine, plus encore que son compagnon Henri Sintes, qui a laissé derrière lui ses rapports, est comme gommée de la Résistance FTPF du Puy-de-Dôme. Sa participation est devenue quasiment invisible alors même que l’opération du Milliard était extrêmement importante, tant les questions d’argent et de financement étaient jugées centrales par direction du Parti. Les femmes étaient d’ailleurs des agents essentiels au transport de fonds issus des récupérations.
Le fait que Madeleine Courtejaire, dont on ignore encore le pseudonyme dans la Résistance, ne soit nullement honorée sur un monument ou une plaque commémorative laisse présager du souhait de camoufler ses actions et surtout les véritables causes de sa disparition. Le tribunal de grande instance de Riom la déclara disparue courant 1945 (même si ce fut vraisemblablement avant cela), le 30 janvier 1970. Elle n’avait que 26 ans.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article213178, notice COURTEJAIRE Madeleine par Vanessa Michel, version mise en ligne le 10 mars 2019, dernière modification le 5 avril 2022.

Par Vanessa Michel

SOURCES : Archives nationales F/7/15553 .— AVCC Caen, AC 21 P 439 086, dossier Madeleine Courtejaire (nc). — Musée d’Histoire vivante. Fonds Jacques Duclos. D 123 – A 10118. Lettre dactylographiée, 30 juillet 1944 .—Différents témoignages recueillis en 2018.— Vanessa Michel, Le Milliard de la Banque de France, Clermont-Ferrand, éditions Ôtrement, 2019, 229 p.— Eugène Martres, L’Auvergne dans la tourmente, 1939-1945, Clermont-Ferrand, éditions de Borée, 1998, p. 228-230 .— Charles Tillon, On chantait rouge, éd. Robert Laffont, 1977.— Roger Faligot et Rémi Kauffer, Service B., éd. Fayard, 1985 .—La Liberté, « La découverte d’Aubière », 3 avril 1947.—La Voix du Peuple, 18 août 1945. — état civil Surville et Aubière.‌

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable