Par Jean-Pierre Besse, Daniel Couret
Né le 1er juin 1920 à Paris, mort le 3 août 2014 ; journaliste, directeur d’agence photographique ; militant trotskiste ; résistant dans l’Oise.
Né dans une famille de la grande bourgeoisie (père Marie Charles Jean Melchior de Polignac, PDG des établissements de Champagne Pommery), Louis Dalmas, cousin germain de Régnier de Monaco, quitta très jeune sa famille. Titulaire de deux certificats de lettres, il suivit une année de droit, vécut en bohème les années suivantes, fréquentant le milieu surréaliste, puis s’engagea en 1939. Pilote dans l’aviation, il fut démobilisé et rejoignit la zone non occupée. À la fin des années 1940, il fréquenta le groupe surréaliste « la main à plume » où il se lia à de jeunes militants et sympathisants trotskistes, dont Gérard de Sède* et Émile Guikovaty*, lesquels le gagnèrent à leurs idées en 1940 ou 1941. Il rejoignit l’organisation trotskiste clandestine et fut membre des Comités français pour la IVe Internationale, puis du Parti ouvrier internationaliste (POI).
Durant les premières années de l’Occupation, il fut à Paris le directeur du Comité d’organisation du livre, un organisme dépendant de l’État qui répartissait des stocks d’encre d’imprimerie et de papier en ces temps de pénurie. Il eut pour adjoint, dans cet organisme, à partir de 1942, Daniel Guérin*, de retour d’Allemagne. Il épousa à Paris, en février 1943, une ressortissante hongroise, Margarete Starkmann (décédée en 1961), avec laquelle il eut deux enfants.
Pour échapper au STO, il s’installa dans une ferme à Saint-Germain-la-Poterie (Oise) que possédait son beau-frère. La ferme devint un lieu de rendez-vous pour les organisations trotskistes et, en février 1944, s’y déroula la conférence européenne de la IVe Internationale qui donna naissance au Parti communiste internationaliste, section française de la IVe Internationale (PCI-SFQI), après la réunification du POI avec le CCI et le groupe Octobre. Louis Dalmas avait été chargé de l’organisation matérielle de cette conférence clandestine dont il assura la protection militaire avec son groupe de FTP.
Louis Dalmas collaborait dans la clandestinité à La Vérité et à Lutte ouvrière. Il recueillit dans sa ferme des prisonniers soviétiques évadés des camps où les Allemands les tenaient prisonniers pour les utiliser comme main-d’œuvre lors du déblaiement des gares et voies ferrées après les bombardements alliés. Louis Dalmas était aussi en contact avec les FTP de l’Oise et le réseau Marco-Polo du BCRA. Il termina la guerre avec le grade de lieutenant FTP.
Dans les jours qui suivirent la Libération du département de l’Oise, ce fut plus de six cents prisonniers soviétiques qui se retrouvèrent à Saint-Germain-la Poterie avec des républicains espagnols, ce qui inquiétait fort les autorités locales surprises de l’existence de cette « république soviétique de Saint-Germain-la-Poterie ». Ces hommes défilèrent le 11 novembre 1944 dans les rues de Beauvais, sans doute la seule ville de France à avoir vu des « représentants de la glorieuse Armée rouge » défiler dans ses rues.
Louis Dalmas quitta Saint-Germain-la-Poterie au début de 1945, où il reprit ses activités militantes sous le pseudonyme de Magnin. Il fut élu membre du comité central lors du 2e congrès du PCI en janvier 1946. Il appartenait au courant de ce parti qualifié de « droitier » par leurs adversaires, qui devint majoritaire lors du 3e congrès du PCI, en septembre 1946. Membre du comité de rédaction de l’hebdomadaire La Vérité depuis 1945, il obtint la direction de ce journal en octobre 1946 et assuma cette responsabilité durant quelques mois au cours de l’année 1947. Le courant « droitier » perdit la majorité lors du 4e congrès du parti en novembre 1947. Il donna ensuite son adhésion au Rassemblement démocratique révolutionnaire (RDR) nouvellement créé par Jean-Paul Sartre et David Rousset ce qui lui valut d’être exclu du PCI pour indiscipline, en décembre 1947. Il fut exclu en même temps que Paul Parisot* et Yvan Craipeau* pour « ses positions droitières ». Il milita au RDR jusqu’à l’effondrement de ce parti à l’automne 1948.
Gilles Martinet* le fit entrer à l’AFP où il demeura deux ans avant d’entrer dans le groupe de Pierre Lazareff à France-Soir puis Sciences et Vie. Pendant son passage à France-Soir, envoyé spécial en Yougoslavie, il fut le premier journaliste à réaliser une interview de Tito après sa rupture avec Moscou. De retour en France, il écrivit un ouvrage, Le communisme yougoslave depuis la rupture avec Moscou, paru en 1950 avec une longue préface de Sartre. Dans les années 1950, il collabora aux Temps modernes et publia plusieurs articles sur la Yougoslavie. Devenu chaud partisan de l’expérience yougoslave et du régime de Tito, il joua un rôle de premier plan dans l’organisation des brigades de solidarité avec le gouvernement de Belgrade en 1950-1951. Il fut pour cela violemment critiqué par la presse communiste. Il présenta quelque temps en 1977 l’émission de télévision Cartes sur table.
En 1958, il fonda son agence photographique - l’agence Dalmas - qu’il dut fermer après 1968. Il y découvrit Raymond Depardon. Dans les années 1970, il se lança dans la presse érotique, ce qui lui valut des ennuis avec la censure.
Après le décès de sa première épouse, il se remaria en 1972 avec Ivanka Mikic, ressortissante yougoslave (fille d’un héros de guerre serbe) et ancienne collaboratrice de son agence de presse.
Racheté par l’agence SIPA en 1974, le fonds Dalmas compte 5 millions de documents.
Depuis 1996, il fait paraître le mensuel de politique étrangère Balkans-Infos devenu BI et la dirigea jusqu’à son décès.
Par Jean-Pierre Besse, Daniel Couret
ŒUVRE : Le communisme yougoslave depuis la rupture avec Moscou, Terre des hommes, 1950. — Viet-nam : un guerre pourrie : le Vietnam libre, de la guerre à la paix, 1953. — Le désordre et la patience, Encre, 1983. — Guide du mieux vivre après 60 ans, avec Hélène Barrère, Édition du Félin, Paris, 1988. —La pensée asphyxiée, L’âge d’homme, 2000. — Le Crépuscule des élites, Éditions Tatamis, 2008. — Les fossoyeur de l’Occident, Apopsix, 2013.
SOURCES : Frédéric Chapier, Histoire de l’extrême gauche trotskiste, 2002. — Christian Nick, Les trotskistes, Fayard, 2002. — Rencontre de Jean-Pierre Besse avec Louis Dalmas en octobre 2007.