DILLENSEGER Jeannine, Raymonde [née SPRAUL]

Par Catherine Honoré

Née le 23 février 1924 à Dijon (Côte-d’Or), morte le 22 mai 2017 à Dijon ; employée de banque, secrétaire ; syndicaliste familiale, présidente départementale de la Confédération syndicale des familles, membre de la Commission nationale de la consommation ; représentante aux conseils de parents d’élèves Cornec.

Jeannine Dillenseger
Jeannine Dillenseger

Fille d’Eugène Spraul, né le 18 mars 1897 à Audincourt (Doubs), chef mécanicien et contrôleur de traction, et d’Aimée Maire née le 13 mars 1896 à Glanon (Côte d’Or), sans profession. Jeannine fut la seconde d’une fratrie de deux, son frère est né en 1920. Son père fut adhérent CGT. De religion protestante, il se convertit au catholicisme en 1932 afin de pouvoir se marier.

Jeannine Spraul fit quatre années d’études après le Certificat d’études primaires à Dijon. Elle vécut à Alfortville (Val-de-Marne) de 1937 à 1941, à proximité du siège du parti communiste où beaucoup de réfugiés espagnols firent la queue pour la soupe populaire. De retour à Dijon, elle voulut poursuivre ses études mais dut les interrompre après l’obtention du Brevet élémentaire en raison de la maladie de sa mère. Cette dernière lui imposa une formation en couture qu’elle réussit en obtenant son CAP. Le 2 février 1942, Jeannine entra comme employée de bureau à la Banque nationale du commerce et de l’industrie. Durant cette période, elle suivit des cours du soir : secourisme, cuisine et bricolage mais tomba malade, atteinte de la paratyphoïde. Une liste faisant état d’employés devant partir travailler en Allemagne circula ; son nom y était mentionné, le service de placement de la BFCI accepta sa démission pour raison de santé et, elle quitta l’entreprise le 18 février 1944. Pour lui éviter le Service du Travail Obligatoire, un voisin de ses parents la fit entrer comme secrétaire à la Police judiciaire le 1er avril 1944.
Elle occupa un poste à la Brigade de surveillance du territoire, service qui fut dissout en janvier 1947. Adhérente CGT, Jeannine fut désignée comme responsable syndicale pour les dactylos.Refusant sa mutation au service des renseignements généraux à Montbard, elle dut démissionner. Jeannine arrêta de travailler pour élever leurs cinq enfants. Elle reprit le travail le 15 octobre 1976 comme secrétaire de l’Union régionale des organisations de consommateurs (UROC) devenu Comité technique régional de la consommation (CTRC), fonction qu’elle occupa jusqu’au 31 juillet 1987.

Elle rencontra José Dillenseger le 12 septembre 1944, lendemain de la libération de Dijon, en allant acheter les journaux relatant le bombardement de la gare de Dijon. José faisait partie du régiment du Bataillon de Choc et fut pour quelque temps dans la capitale bourguignonne. Avec ses compagnons, il participa à la libération de Lyon, Dijon, de Belfort ; ils continuèrent leur avancée pour libérer l’Alsace et rentrèrent en Allemagne. José fut blessé à Karlsruhe, puis évacué sur l’hôpital militaire de Dijon le 4 avril 1945. Jeannine devint sa marraine de guerre ; ils se marièrent le 27 octobre 1945 après avoir reçu l’autorisation du ministère de l’Intérieur, Jeannine travaillant à ce moment à la police. Démobilisé un mois après, il redevint cheminot et prit sa carte à la CGT. Jeunes mariés, ils habitèrent un temps chez les parents de Jeannine, puis trouvèrent un appartement rue de Jouvence de 1945 à 1953, année où ils entrèrent dans la maison construite par José dans le cadre des « Castors » programme d’autoconstruction coopérative lancé par deux adjoints au maire de Dijon, François Japiot qui fut aussi député, adjoint au maire de Dijon et de Mme Madeleine Tournamille adjointe au maire le chanoine Kir. Un premier chantier fut ouvert à la Maladière auquel José Dillenseger participa, puis un second chantier débuta en 1950 dans le quartier Eiffel : vingt deux maisons furent ainsi étaient à construite, une aventure qui dura trois années.
Le couple eut cinq enfants : Jean-Luc (1947), Marie-Josèphe (1951), Catherine (1953), François (1955), Anne (1961).
Cherchant un sens à leur vie, José Dillenseger commença de militer à la Ligue ouvrière chrétienne, puis, en 1949 à l’Action catholique ouvrière (ACO). Jeannine le rejoignit en 1950. Ils sentirent le besoin de réfléchir dans d’autres structures que la paroisse et de partager leur vécu et leurs différents engagements. Ils fondèrent la première équipe d’ ACO sur Dijon et participèrent activement à la vie du mouvement tant que leur santé leur permit. Le contexte socio-économique de l’après-guerre les amena très vite à s’engager..

Cette même année, Jeannine adhéra à l’Association familiale ouvrière (AFO), issue de la Ligue ouvrière chrétienne en 1945, et organisa une coopérative ouvrière par l’intermédiaire de Roger Lieutet. N’ayant encore pas de local, Jeannine et José Dillenseger acceptèrent d’entreposer dans leur deux pièces cinq cent kilos de pâtes que les adhérents venaient acheter. De son côté, José Dillenseger donna un coup de main au centre aéré de l’AFO, dont le responsable était André Jourdain, à Fontaine-les-Dijon, implanté dans une propriété de l’évêché. Ce centre permit d’offrir des vacances aux enfants des familles populaires. Tous les militants furent des bénévoles, assurant la gestion, l’encadrement des enfants, la cuisine, les travaux d’aménagement. Ce centre aéré fut une innovation pour l’époque et sa mise en place a sans doute été « une première » en France. Ce centre aéré déménagea plus tard à Préville près de Dijon.
Jeannine Dillenseger assuma sa toute première responsabilité en 1953 lorsque le conseil d’administration de l’AFO décida la création d’un service de prêts de lave-linge dont elle devint responsable ; la location s’élevait à 150 f par matinée ou après-midi. Élue au conseil d’administration, elle s’investit pleinement dans l’association. Écouter d’abord les gens et leurs besoins, en discuter, proposer ensuite des initiatives, telle fut la « méthode » des militants de l’AFO.
En 1954, les aides familiales créées par l’Association familiale populaire existaient depuis quatre ans à Dijon et montraient leur utilité dans les quartiers. Avec Colette Dupont, également femme de cheminot, Jeannine adressa une lettre au directeur régional de la SNCF pour lui demander d’accorder aux cheminots des aides familiales en cas de maladie ou de maternité car lorsque les épouses étaient malades, les maris étaient souvent obligés de prendre des congés sans solde pour s’occuper des enfants. Marie-Louise Perignon alors présidente nationale de l’Aide familiale populaire, alla elle-même porter cette lettre au directeur et obtint gain de cause. C’est ainsi que les femmes de cheminots, dans toute la France, purent prendre des aides familiales en cas de besoin. Comme ce fut le cas pour la CAF, la SNCF participa aux frais.

En 1959, afin d’être reconnue comme syndicat des familles, l’AFO changea d’intitulé et devint la Confédération syndicale des familles (CSF).

En 1963, Jeannine Dillinger participa à la fondation de l’Association Syndicale des Familles (ASF) sur Chenôve (Côte- d’Or) et à la création de l’Union départementale de l’ASF ; elle fit partie du conseil d’administration jusqu’en 2008.
En 1966, elle entra, au titre de l’ASF au Conseil d’administration de l’Union départementale des associations familiales (UDAF), et en devient vice-présidente. Plus tard, en 1979, elle assuma le poste de secrétaire de ce conseil et resta à ce poste durant six années. 1969 fut l’année de la première bourse aux vêtements organisée par l’UDAF. Jeannine y participa naturellement dans le cadre de la CSF.

En 1966, Jeannine Dillenger assura les inscriptions des familles à la maison de vacances de Lusigny-sur-Ouche (Côte-d’Or), nouvellement créée et située dans l’ancienne cure. Cette maison de vacances fonctionnera dura quatre années.
Cette même année, elle lança des cours d’entraide scolaire, avec la participation d’un étudiant pour trois élèves. Ce furent les prémices de l’aide aux devoirs mis en place par la CSF dans les quartiers populaires de Dijon.
Un an après, Jeannine prit la responsabilité de la Commission « femmes seules chefs de famille » de la CSF et devint responsable d’une commission de défense des consommateurs.
Elle s’investit également à la Maison des jeunes et de la culture de leur quartier et organisa avec le Centre régional d’éducation permanente et d’action culturelle fondé par Roger Louis – journaliste (CREPAC) des soirées mensuelles d’information et de débats, intitulées « Certifié exact », à partir de documentaires sur l’actualité ou des sujets divers, justice, consommation…

Elle fut élue membre du Conseil d’administration des travailleuses familiales de la CSF en 1968.
Le 5 février 1969, Jeannine Dillenseger devint présidente départementale de la Confédération syndicale des familles, succédant à Marie-Louise Pérignon*. Elle assuma cette fonction jusqu’en avril 1978 puis passa le relais à Claudette Valette. C’est sous sa présidence que la Confédération obtint le droit de siéger au sein du conseil d’administration des HLM pour représenter les locataires. En attendant, avec l’aide de son mari José, elle mit en place la commission- immigrés, rattachée à la CSF qui eut pour objectif l’accueil, l’aide administrative, l’aide à la recherche d’emploi, l’organisation de temps festifs, notamment lors de veillées de Noël.

En 1970, suite à une action de la CSF pour le relogement d’une famille de onze enfants devant être expulsée, Jeannine Dillenseger fut à l’origine de la mise en place d’un comité d’action pour les mal-logés auquel participèrent le Parti socialiste unifié, la Fédération des familles de France, l’Union départementale des associations familiales, le Secours catholique, la Confédération française des travailleurs chrétiens, Force ouvrière. Suite à différentes actions, la suppression du bidonville de la Charmette, au nord de Dijon, la création d’un foyer pour immigrés rue Marceau à Dijon furent obtenues.
Un service de prêt de machines à repasser fut mis en place en avril 1970. La même année, Jeannine fut à l’origine du démarrage de la section CSF de la zone à urbaniser en priorité (ZUP) de la Fontaine d’Ouche, quartier à Dijon.

En 1972, avec notamment Hervé Vouillot, maire de Quetigny de 1984 à 2001 (Côte- d’Or) et responsable des dossiers des transports au district de l’agglomération dijonnaise, elle mena des actions pour l’obtention de transports en commun dans le nouveau quartier de la Fontaine d’Ouche : des bus desservant la circulant sur la périphérie de Dijon, la mise en place de tickets pour les correspondances, tarifs identiques pour la semaine et le dimanche pour les familles et les scolaires.

En 1974, la CSF et le Mouvement le Cri, mouvement de contact de réinsertion et d’information sur la prostitution et les prisons obtinrent la suppression de l’extrait de casier judiciaire dans les demandes de logement HLM à Dijon alors obligatoire.

En 1977, Jeannine Dillenseger devint membre du Conseil d’administration de la Maison Familiale Rurale d’Agencourt (Côte-d’Or), dans laquelle sa fille étudiait, et membre du conseil de la fédération des maisons familiales. Présentée par la Confédération syndicale des familles pour faire partie du bureau de cette instance, elle en fut élue vice-présidente en 1987.
Elle représenta l’Union des associations familiales à la préfecture à la commission des taxis et véhicules de petite remise nouvellement créée, ce jusqu’en 2008.
En 1984, elle participa activement au premier forum organisé à Dijon par la CSF sur l’orientation des jeunes. Elle eut toujours le souci des jeunes et de leur devenir ; son engagement dans les fédérations de parents d’élèves en fut la preuve ; en effet, dès les années 1960, elle fut représentante parent d’élève dans les collèges, en 1968, c’est au sein du collège Saint Joseph de Dijon, qu’elle représenta les parents.

En 1974, Jeannine Dillenseger fut avec Mme Rémond, de l’Union féminine civique et sociale, à l’origine de la création de l’UROC. Elle participa activement au 1er salon du Jeune Consommateur avec l’UROC en 1977 ; la même année, elle devint membre de la Commission nationale de la consommation de la C.S.F. pour une durée de 6 ans en tant que représentante régionale ; elle y représentait la Bourgogne, le Doubs, le Jura, la Haute-Saône, le Territoire de Belfort, l’Alsace et la Lorraine. En 1987, présentée par la CSF pour faire partie du bureau, elle fut élue vice-présidente.

En 1990, elle représenta, en tant que membre de la CSF, toutes les associations de consommateurs et familiales de la Côte-d’Or au sein de la Commission départementale de surendettement des particuliers et des familles ; elle devait étudier trente à quarante dossiers avant chaque séance hebdomadaire.
De 1996 à 2008, jusqu’à ce que sa santé se dégrade, elle intégra au titre de la CSF le collectif Dijon-Prison créé après la mutinerie de la maison d’arrêt de Dijon.

José et Jeannine Dillenseger eurent toujours un grand sens de l’accueil, en 1962, après l’indépendance de l’Algérie, durant huit mois, une soixantaine de personnes furent accueillies à leur domicile ; Jeannine fit pour eux toutes les démarches administratives, y compris la recherche de logement. En 1968, alors que José siégeait au comité central de grève en gare de Dijon, Jeannine accueillit à la maison des voyageurs laissés sans solutions en gare de Dijon. Elle fut toujours très attentive aux jeunes et à ce qu’ils vivaient ; de nombreux se confièrent à elle, surtout à l’adolescence. Elle devint également correspondante et famille d’accueil d’étudiants internes à Dijon qui ne pouvaient rentrer dans leur famille le week-end ; ne pouvant sortir seuls, elle alla chaque dimanche les chercher au lycée en vélo, les ramenait à la maison pour qu’ils passent un temps en famille.
Sans compter tous les enfants accueillis à la maison durant certaines périodes en raison de problèmes familiaux, les prostituées, les personnes sorties de prison en voie de réinsertion, et les nombreuses personnes de toutes nationalité militantes ou non.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article213405, notice DILLENSEGER Jeannine, Raymonde [née SPRAUL] par Catherine Honoré, version mise en ligne le 24 mars 2019, dernière modification le 24 mars 2019.

Par Catherine Honoré

Jeannine Dillenseger
Jeannine Dillenseger

SOURCES : Archives municipales de Dijon, fonds d’archives de José Dillenseger . — Interview de Jeannine Dillenseger en 2015 . — Échange avec Thérèse Roch et Maxime Cadouot .— Association Bourguignonne des Amis du Maitron,

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