BLEIBTREU Marcel. Pseudonymes VIERNY ; TANGUY, ANTOINE, (à partir de 1940) , Pierre FAVRE (à partir de 1947).

Par Claude Pennetier

Né le 26 août 1918 à Marseille (Bouches-du-Rhône) ; docteur en médecine ; pédiatre ; militant trotskyste ; secrétaire politique du Parti communiste internationaliste 1946.

La famille constitua un creuset favorable à la prise de conscience politique de Marcel Bleibtreu. Son père d’origine juive, mais non pratiquant, exerça la profession d’employé de banque puis de négociant en soierie dans la région parisienne. Cet « autodidacte brillant », selon la formule de son fils, était socialisant dreyfusard : il adhérait à la Ligue des droits de I’Homme. Berthe Dupont, sa mère, était fille d’un artisan ébéniste bourguignon qui aurait soutenu la Commune de Paris. Les deux frères de Marcel Bleibtreu trouvèrent la mort à l’armée : l’un en 1929 — il était militant des Jeunesses communistes —, l’autre en 1936. Il avait deux soeurs, Lucienne et Denise (1913-2012), connue comme galeriste sous le nom de Denise René.
L’adhésion précoce de Marcel Bleibtreu au mouvement trotskyste fut le fruit de la lecture de Ma vie, ouvrage autobiographique de Trotsky. Le jeune garçon de quinze ans et demi y découvrit, outre une personnalité qu’il ne cessa jamais d’admirer, une vision du monde, des rapports entre vie personnelle et combat social qui l’enthousiasmèrent. Pendant cette année 1934, il forgea les bases de ses conceptions politiques qui expliquent la continuité de sa vie militante. Il chercha à rencontrer des militants trotskystes français, adhéra au groupe Bolchevik-léniniste (BL) qui, sur les conseils de Trotsky, était entré au Parti socialiste. Il rejoignit donc les Étudiants socialistes et la section socialiste d’Asnières où il milita aux côtés de Rigal (Louis Rigaudias) et de David Rousset. Il créa un groupe BL au lycée Condorcet et y fit adhérer un militant des Jeunesses communistes Paul Parisot. À Pâques 1935, le 9e sous-groupe des Étudiants socialistes (Paris rive droite) le délégua au congrès national de Moulins (Allier) et il devint secrétaire de ce 9e sous-groupe en septembre 1935. Douze mois plus tard, son sous-groupe rompit avec la SFlO pour donner naissance aux Étudiants socialistes révolutionnaires (ESR) dont il assura le secrétariat national. Dans le débat qui divisait le mouvement trotskyste, Bleibtreu s’opposa aux thèses de Raymond Molinier. Il milita à la section Asnières-Colombes du Parti ouvrier internationaliste (POl), puis à celle de Levallois-Perret. Le Comité central des Jeunesses socialistes révolutionnaires (JSR) le blâma au début de l’année 1937, pour avoir, sans l’accord de son organisation, édité une affiche appelant à la constitution d’un syndicat étudiant rattaché à la CGT. En 1938, il participa avec Marcel Hic aux pourparlers d’unification avec la Jeunesse socialiste autonome exclue des Jeunesses socialistes. La majorité du POI se prononça pour l’entrée dans le Parti socialiste ouvrier et paysan (PSOP) de Marceau Pivert, au début de l’année 1939. Marcel Bleibtreu refusa, pensant que devant la guerre imminente, il fallait au contraire resserrer les rangs, élever le niveau de formation théorique et préparer l’illégalité. Il resta donc inorganisé en 1939, malgré un contact sans suite, en septembre, avec le Comité pour la IVe Internationale d’Yvan Craipeau et Paul Parisot.
Démobilisé en septembre 1940, il rejoignit Marseille et avec Elio Gabaï, Georgette Gabaï et Sylvain Itkine créa une coopérative ouvrière de production le « Croque fruit » qui servit de couverture a l’action clandestine révolutionnaire jusqu’à l’entrée des troupes allemandes en zone sud (voir Jean Malaquais, Planète sans visa). Les camarades rassemblés au « Croque fruit » combattirent dans les Auberges de Jeunesse de zone sud le courant gioniste (de Jean Giono) qui acceptait la tutelle du, gouvernement de Vichy. De retour à Paris, il participa à la manifestation contre le nazisme. du 11 novembre 1940, aux Champs-Élysées. Son seul contact avec le POI fut, de 1941 à 1943, son ami Paul Parisot, favorable aux thèses dites « nationales » de Marcel Hic. Bleibtreu en désaccord avec la politique du POI se limita à diffuser clandestinement La Vérité et à organiser un petit groupe trotskyste non affilié, à la Faculté de Médecine où il était étudiant. Ayant connu et approuvé, en décembre 1943, les thèses adoptées par le secrétariat européen de la IVe Internationale, il demanda son adhésion au POI alors durement touché par la répression et en partie désorganisé. II fut intégré au comité de rédaction de La Vérité après le congrès d’unification du POI, du CCI et d’Octobre, donnant naissance au Parti communiste internationaliste (PCI). La direction l’affecta au rayon de Puteaux-Suresnes en mai 1944. Dès le congrès d’octobre-novembre 1944, il accéda au Comité centrai et au secrétariat parisien. Délaissant à regret l’achèvement de ses études de médecine, Bleibtreu se consacra intensément à l’organisation du travail ouvrier dans la banlieue Ouest. Il s’affirma, dans la direction de l’organisation, comme un adversaire résolu des thèses dites "nationales". Le congrès de janvier 1946 l’élut secrétaire politique (la presse trotskyste le présentait parfois comme secrétaire général, parfois comme secrétaire national), fonction qu’il conserva jusqu’en 1952.
En juillet 1952, le PCI éclata en deux groupes : l’un dirigé par Pierre Frank et reconnu par la IVe Internationale, l’autre animé par Bleibtreu et Pierre Lambert. Il se sépara de ce dernier au début de la guerre d’Algérie, Lambert et la majorité du Comité central apportant son soutien au MTLD de Messali Hadj, tandis que Bleibtreu appuyait le CRUA (qui devint le FLN). La minorité exclue le 20 mars 1955 prit le nom de Groupe Bolchevik-léniniste. II s’agissait non d’un parti, mais d’un cercle de réflexion théorique doté d’une revue Trotskysme (directeur : Bleibtreu). Les membres du GBL étaient libres d’appartenir à d’autres organisations comme le Rassemblement de la gauche étudiante et la Nouvelle gauche. À l’automne 1956, la GBL décida son adhésion collective à la Nouvelle gauche qui devint en 1958, I’UGS, laquelle donna naissance en 1960 au PSIJ, par fusion avec la PSA et Tribune du communisme. Parallèlement, Bleibtreu dirigeait la Tribune marxiste (1957-1960), La Nouvelle revue marxiste (1961) et l’Action (1963). Il siégea plusieurs années au Comité politique national du PSU et, -en 1963, au Bureau politique comme représentant de la tendance « socialiste révolutionnaire » (SR). Bleibtreu quitta le PSU en 1964 et n’adhéra plus à aucune organisation, mais, il fut partie prenante de nombreuses initiatives de l’extrême gauche : Comité Vietnam national, Comité Bertrand Russel. Sensible depuis plusieurs années aux mutations politiques du milieu étudiant, il participa activement au mouvement de Mai 68 fréquentant assidument la Sorbonne et les Comités d’action.

Marcel Bleibtreu avait épousé le 12 janvier 1946 à Paris (VIIe arr.) la belle-fille de Jean Zyromski, Amélie Bunle, institutrice puis professeur de mathématique, militante syndicaliste de l’enseignement. Le couple eut trois enfants, Jacques, Pierre et Françoise. L’ancien dirigeant de la Bataille socialiste, rallié au Parti communiste depuis 1945, passa les dernières années de sa vie aux côtés de la famille Bleibtreu. Les repas de mai 1968 réunissaient ainsi Marcel et Lily Bleibtreu, leurs trois enfants — dont l’aîné Jacques était un dirigeant de l’UNEF — et Zyromski, autour de discussions politiques animées.
Marcel Bleibtreu avait cessé d’être permanent en septembre 1947. II s’était installé alors comme pédiatre, médecin-conseil pour la protection maternelle et infantile.
Bleibtreu employa de nombreux pseudonymes, citons parmi les principaux : Vierny (1936-1937) du nom de son amie le modèle Dina Vierny, Tanguy (1937-1939), Antoine (1940-1945), Pierre Favre (1944-1947) et à partir de 1947 il signa Favre-Bleibtreu.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article213696, notice BLEIBTREU Marcel. Pseudonymes VIERNY ; TANGUY, ANTOINE, (à partir de 1940) , Pierre FAVRE (à partir de 1947). par Claude Pennetier, version mise en ligne le 18 mars 2019, dernière modification le 22 octobre 2019.

Par Claude Pennetier

SOURCES : La Lutte ouvrière, 8 juillet et 21 octobre 1937. — Révolution, 15 juillet 1937. — La Vérité,- 24 mai 1946. — Jacqueline Pluet-Despatin, La presse trotskyste en France 1926 à 1968, op. cit. — Archives d’espoir, 20 ans de PSU, 1960-1980, Paris, 1980. — Yvan Craipeau, Le Mouvement trotskyste en France, Paris, 1971. — J.-M. Freysset, M. Dupré, F. Olivier, Ce qu’est l’OCI, débats, éd. La Taupe rouge 10, Paris,1977. — Entretien avec Claude Pennetier, 1979.

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