MATHIEU

Par Gauthier Langlois

Sous-officier au 4e régiment d’infanterie à Lyon et membre du club de la Charité ; il fut, en mars 1848, à l’origine d’une mutinerie qui permit la libération du fourrier Bertrand Gigoux, emprisonné pour avoir réclamé l’application de la liberté d’expression aux soldats.

Le 24 février 1848, à l’annonce de l’abdication de Louis-Philippe, les canuts se rendirent maître de Lyon, proclamèrent la République et ouvrirent de nombreux clubs révolutionnaires. L’armée était gagnée aussi par l’agitation révolutionnaire : les soldats réclamaient le droit de fréquenter les clubs mais ils étaient consignés dans leurs casernes. Cependant cette interdiction n’était pas respectée par tous. Le maréchal des logis Mathieu fréquentait le club de la Charité et son ami le fourrier Bertrand Gigoux le club des Montagnards. Ce dernier publia dans Le Censeur une lettre invitant les autorités à permettre aux soldats de se réunir. En réaction le gouverneur militaire de Lyon, le général Bourjollly, fit arrêter nuitamment le fourrier. Le lendemain Mathieu, constatant la disparition de son ami, ameuta les membres des clubs et provoqua une véritable mutinerie parmi les soldats.

Marie d’Agoult qui écrit sous le pseudonyme de Daniel Stern raconte : « Le 29 mars, un bataillon du 131e de ligne et quelques soldats du 13e de ligne, las des consignes sévères qui leur étaient imposées, entrèrent en révolte contre leurs officiers ; après avoir passé la nuit à chanter la Marseillaise, ils allèrent le matin rejoindre sur la place Bellecour les groupes populaires réunis pour escorter les ouvriers étrangers qui se disposaient à rentrer dans leur patrie. Au retour, se formant en colonne, les soldats se promenèrent par la ville, musique en tête, précédés d’un large écriteau sur lequel on lisait la demande d’élargissement d’un de leurs camarades, le fourrier Gigoux, du 4° régiment d’artillerie, emprisonné la veille pour cause d’insubordination. La colonne, conduite par un maréchal des logis de ce même régiment d’artillerie, se présente devant les portes de la caserne ; elle menace de les enfoncer si l’on ne livre immédiatement le prisonnier. Le général Neumayer paraît alors à l’une des fenêtres, harangue les soldats et le peuple, s’engage à demander, en leur nom, au général Bourjolly la liberté du sous-officier. Mais la foule défiante ne se paye pas de cette promesse ; elle exige du général qu’il se rende sur l’heure avec elle à l’hôtel du lieutenant général. Celui-ci, prévenu de ce qui se passe, fait ouvrir les portes, annonce à la foule que la grâce est accordée, et qu’il vient d’envoyer chercher en poste à Grenoble le prisonnier. Le peuple, satisfait de cette concession, se retire mais ce n’était pas l’affaire des clubs qui entendaient tirer un meilleur parti de cet incident. Le 30 mars, dans la nuit, ils envoyèrent à M. Arago une députation pour demander, au nom du peuple et de l’armée, que les corps de la garnison, dont le départ était fixé au lendemain, restassent jusqu’à l’arrivée du sous-officier, afin de prendre part à l’ovation qu’on lui préparait. M. Arago, tout en essayant de leur faire entendre la nécessité d’obéir aux ordres précis du gouvernement provisoire et de ne pas entraver la formation de cette armée des Alpes qui va sur la frontière défendre la patrie, accorde aux clubs un délai de vingt-quatre heures. »

A son retour Bertrand Gigoux fut acclamé et porté en triomphe par une foule innombrable, comme héros de la République et du peuple. A la suite de cette journée, qui se termina par la mise en liberté de tous les soldats détenus au pénitencier militaire, le colonel du régiment d’artillerie donna sa démission, et le général Bourjolly sollicita un changement de commandement. »

Le 21 avril Mathieu prit encore la parole dans le journal La Montagne pour défendre à nouveau son ami et rétablir des faits déformés : le 7 avril, les sous-officiers lyonnais réunis à la Rotonde, après une discussion assez-vive, avaient déclaré à une forte majorité que le fourrier Gigoux n’avait pas violé la discipline, contrairement à ce qu’avait publié le journal La Liberté.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article213844, notice MATHIEU par Gauthier Langlois, version mise en ligne le 19 mai 2019, dernière modification le 16 mai 2019.

Par Gauthier Langlois

SOURCES : — La Montagne : Saint-Just et la Croix-Rousse - journal républicain, 21 avril 1848, N° spécial Jean-Marie Gigou. — Le Vorace, journal des travailleurs, Mai 1818. — Daniel Stern, Histoire de la Révolution de 1848, Paris, Charpentier, 1862, t. 2. — Claude Latta, « le maintien de l’ordre à Lyon (février-juillet 1848) », dans Maintien de l’ordre et polices en France et en Europe au XIXe siècle, Paris, Créaphis, 1987, colloque de Paris et Nanterre, 8-10 décembre 1983 p. 61-85.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable