MASSART Jeanne, Joséphine, Ludovie, épouse RENOTTE ; Claude dans la clandestinité. [Belgique]

Par Jules Pirlot

Liège (pr. et arr. Liège), 24 avril 1913 − Liège, 11 mars 1998. Militante communiste et féministe, résistante durant la Seconde Guerre mondiale, épouse de Paul Renotte.

Issue d’une famille d’antiquaires progressistes qui adhère en bloc au Parti communiste de Belgique (PCB) en 1934, Jeanne Massart devient membre de la Jeunesse communiste puis de la Jeune garde socialiste unifiée (JGSU). Un de ses frères s’engage dans les Brigades internationales et est tué en Espagne. Elle s’occupe de l’accueil d’enfants confiés par les familles républicaines : elle les fait vacciner et placer dans des familles d’accueil. Dans le cadre de son action militante, elle rencontre et épouse Paul Renotte, artiste et cadre communiste. Elle a déjà une fille, Louisette. De leur mariage naîtra Fanny. Les petits-fils du couple communiste, Maxime et Jean-Christophe Yu, seront aussi des militants.

En 1940, Jeanne Massart-Renotte cache des Allemands, des Polonais et des Français, tous illégaux, communistes ou francs-maçons, puis elle plonge dans la clandestinité. Elle récolte des vivres et de l’argent pour les clandestins et les Partisans armés. Le PC l’envoie dans le sud de la province de Luxembourg où son mari dirige les organisations et la presse clandestines. Elle est courrière et fait la liaison entre Bruxelles (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale) et Etalle (arr. Virton). La police allemande traque son réseau, arrête une infirmière qui ne dit rien puis une enseignante de Bruxelles qui cède. Jeanne Renotte est suivie à Bruxelles. Elle s’en rend compte et s’esquive. Mais deux jours plus tard le 18 juillet 1943, elle est arrêtée et conduite au sinistre siège de l’avenue Louise où, selon ses dires, elle n’a « pas été torturée mais seulement battue ». Elle a eu le temps de faire disparaitre un numéro de téléphone compromettant.
De là, Jeanne Massart se retrouve à la prison de Saint-Gilles (Bruxelles) puis dans une prison à Essen (arr. Essen) en Allemagne qui est bombardée par les Anglais. Elle refuse de travailler dans une usine d’armement, évoquant le droit international. Elle est alors jugée et condamnée à dix ans de prison par un tribunal, mais c’est à Ravensbrück (Brandebourg, Allemagne) qu’elle est envoyée. Comme c’est une forte tête qui osait refuser et revendiquer, elle est transférée dans un camp beaucoup plus dur : Mauthausen (commune de Mauthausen-Gusen) en Autriche. Elle arrive à y maintenir un moral élevé. Elle compose un chant de Noël et confectionne une poupée pour sa fille cadette qu’elle espère revoir un jour. Celle-ci avait été confiée à la famille puis cachée dans un couvent.

Quand Mauthausen est libéré, Jeanne Massart accomplit le chemin habituel du retour : prise en charge par la Croix rouge, séjour en Suisse, passage par Paris et enfin Liège. Elle retrouve son mari et sa famille. Au début de sa captivité, elle avait été confrontée à un cadre communiste qui avait cédé sous la torture et collaborait avec la police allemande pour interroger et démoraliser les résistants arrêtés. Elle reproche à Paul Renotte de s’être opposé à sa « liquidation » à la Libération et se présente comme témoin à charge lors de son procès devant le tribunal militaire. Pourtant, vingt ans après, ils sont devenus amis et partent en vacances en famille ensemble ! Elle dénonce aussi à l’Instruction publique de Bruxelles, l’enseignante à qui elle devait son arrestation.

En 1945, Jeanne Massart est pressentie par le PCB pour devenir une icône de la Résistance. Elle est élue au Comité central, mais elle est souvent absente et se brouille avec des membres du Comité fédéral liégeois, n’admettant pas le remplacement de René Beelen par Albert Juchmès au secrétariat.

Démissionnaire du Comité fédéral et priée de ne pas se représenter au Comité central, Jeanne Massart reprend des études d’infirmière et se spécialise comme accoucheuse.
À ce titre, elle développe la technique de « l’accouchement sans douleur », qu’elle met en pratique à la maternité de la ville de Liège liée à l’hôpital de Bavière et dans divers hôpitaux de la région. Elle est cofondatrice de La Famille heureuse, premier centre de planning familial à Liège. Amie de Willy Peers, elle le soutient dans son combat pour la dépénalisation de l’interruption de grossesse.

Jeanne Massart reste fidèle au PCB. Elle s’engage dans la lutte pour l’indépendance du Congo et de l’Algérie. Le couple Renotte-Massart héberge à nouveau des militants clandestins. Veuve de Paul Renotte en 1966, elle se remarie puis perd son second mari. Les ultimes années de sa vie de Jeanne Massart sont consacrées, avec son dernier compagnon, Louis Neuray, à témoigner et à lutter contre la résurgence de l’extrême droite. Lors de ses funérailles en mars 1998, le Parti communiste et sa loge du Droit humain lui rendent hommage.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article213968, notice MASSART Jeanne, Joséphine, Ludovie, épouse RENOTTE ; Claude dans la clandestinité. [Belgique] par Jules Pirlot, version mise en ligne le 28 mars 2019, dernière modification le 25 octobre 2023.

Par Jules Pirlot

SOURCES : CArCoB, dossier CCP n°1905, n°2403, n°1862 − Pour une politique de santé publique. Commission de la Santé publique du Comité central du PCB, s.l., FJJ, 1962 − Interview numérisée réalisée le 10 décembre 1994 pour Mémoire des résistantes wallonnes dans la Déportation, sous la direction de Francis Balace − « Une femme moderne nous a quitté », La Meuse, 13 mars 1998 − Témoignages de Maxime et Jean-Christophe YU − GOTOVITCH J., Du rouge au tricolore. Résistance et Parti communiste, Bruxelles, CArCoB, réédition, 2018, p. 350, 354, 89, 668, 670.

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