NALOHA Jean

Par Michel Thébault

Né vers 1910 à Kiliarivo Fiherena (district de Tulear, Madagascar), exécuté sommairement le 27 août 1944 à La Roche-Posay (Vienne) ; militaire, sous-officier des troupes coloniales ; résistant.

Jean Naloha était le fils de Rekoma et Tahotana, appartenant à l’ethnie Bara, un peuple de pasteurs semi-nomades des plateaux du sud de Madagascar. Sa fiche de recrutement indigène (dossier DAVCC) indique qu’il mesurait 1 m. 67, avait les cheveux crépus, les yeux bruns, le front bombé et un visage ovale, et qu’il était de religion catholique. Il se maria le 12 mars 1935 avec Tsigana, également de l’ethnie Bara. Appelé de la classe 30, pour un service militaire de trois ans, il fut incorporé au 2ème Régiment mixte de Madagascar et choisit de s’engager dans l’armée pour 4 ans en 1931. Envoyé en métropole en avril 1931, il fut affecté à Périgueux (Dordogne) au 42ème Régiment de Mitrailleurs Malgaches (RMM), dépendant du Groupement colonial indochino-malgache. Rentré à Madagascar en juin 1934, il poursuivit sa carrière militaire jusqu’à la seconde guerre mondiale. Embarqué pour renfort à Tamatave le 10 février 1940, il débarqua à Marseille le 14 mars et fut affecté au dépôt du 6ème Régiment du Génie à Angers (Maine-et-Loire). Peut-être participa-t-il avec son régiment aux derniers combats de l’armée française sur la Loire, les 19 et 20 juin 1940, car 120 hommes du dépôt du 6ème Régiment du Génie combattirent aux côtés des Cadets de Saumur pour la défense puis la destruction des ponts de Montsoreau, Saumur et Gennes. Il échappa manifestement à la capture par l’armée allemande, puisque Jean Nahola fut promu au grade de caporal le 24 novembre 1940. Il fit donc partie, en zone libre des 8156 soldats malgaches bloqués en France, faute de pouvoir rejoindre Madagascar. La direction des Troupes coloniales à Fréjus décida alors de regrouper les soldats coloniaux ne pouvant rejoindre leur domicile dans des Centres de Transition des Troupes Coloniales (CTTC). Ces structures fonctionnèrent jusqu’à l’invasion de la zone libre et la dissolution de l’Armée Française sur ordre de l’Allemagne fin 1942. Au début 1943 pour les remplacer, furent créés des Groupements Militaires d’Indigènes Coloniaux Rapatriables (GMICR) composés de compagnies travaillant pour des employeurs civils ou participant à des tâches d’utilité publique (routes, travaux forestiers, etc.) bien souvent aussi obligées de travailler, au profit de la Wehrmacht, et dans les chantiers de l’Organisation Todt. Jean Naloha appartint au GMICR N° 5 à partir du 1er avril 1943, affecté au groupement 18 des Travailleurs Indigènes de Buzançais (Indre). Le 8 mars 1944 l’École Militaire Enfantine Hériot, un ancien orphelinat militaire devenu École Militaire Préparatoire et accueillant des « Enfants de troupe » (environ 300) quitta Draguignan (Var) où elle s’était réfugiée en juin 40 pour venir s’établir à La Roche-Posay (Vienne). Elle s’installa le 10 mars dans l’Hôtel du Parc avec un personnel d’encadrement militaire dont fit partie Jean Naloha, détaché de son groupement de Buzançais, quelques dizaines de kilomètres plus à l’est.
En août 1944, la situation militaire de l’armée allemande sur le front de l’ouest se dégrada brutalement. Le 19 août un ordre de repli général fut donné aux unités allemandes stationnées dans le sud-ouest. Le passage par le seuil du Poitou devint un enjeu stratégique essentiel. Poitiers servit pendant toute la fin du mois d’août et les premiers jours de septembre, d’étape et de cantonnement provisoire pour les forces allemandes et leurs collaborateurs. Parmi elles, des troupes hindoues de l’ « Hindische Freiwillingen-Legion » rattachée depuis peu à la Waffen SS, et qui étaient parties du secteur de Lacanau (Gironde), étaient arrivées à Poitiers à la mi-août. Un bataillon s’installa le 22 août au camp de la route de Limoges à Poitiers. L’évacuation vers l’est à partir du 26 août (Roger Picard op. cit) de la légion hindoue, et du groupement de marche du sud-ouest, qui réunissait environ 25 500 hommes sous les ordres du général Botho Elster fut ponctuée de violences et d’exactions. Le dimanche 27 août des incidents se produisirent sur la route menant à Pleumartin et La Roche-Posay mettant aux prises des éléments d’un maquis local et les troupes allemandes, et infligeant à ces dernières des pertes humaines. En fin d’après-midi, une colonne allemande pénétra dans La Roche-Posay et investit l’Hôtel du Parc. Selon un témoignage (bulletin de l’association des AET, Anciens Enfants de Troupe, op. cit.), « le 27 août 1944, vers 18 heures, une colonne allemande fait irruption à La Roche-Posay, agressive et excitée par les accrochages dont elle fait l’objet du fait des résistants…Elle arrive à l’hôtel du Parc et voit les uniformes. Une partie des enfants sont à l’abri, mais les Allemands comprenant qu’il s’agit d’une école militaire forcent les autres enfants à descendre dans la cave de l’hôtel sans ménagement. Un Allemand plus virulent que les autres, pousse avec la crosse de son fusil ceux qui ne vont pas assez vite. Le caporal Nahola qui faisait partie de l’encadrement s’interpose énergiquement, il est abattu par un officier allemand ». Pour son acte de résistance, Jean Nahola fut exécuté sommairement de deux balles de revolver. Il fut inhumé le 30 août 1944 au cimetière de La Roche-Posay.
Il obtint le 7 février 1955 la mention mort pour la France (mention qui ne fut portée sur le registre des décès de la Roche-Posay qu’en mars 2018). Deux plaques avaient été posées en 1946 à sa mémoire et à celle de Georges Poisay, fusillé le 28 août 1944 dans la même ville, plaques qui avaient depuis disparues. En 2013 la commune de La Roche-Posay a, lors d’une cérémonie d’hommage, renouvelé les deux plaques.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article214203, notice NALOHA Jean par Michel Thébault, version mise en ligne le 4 avril 2019, dernière modification le 12 mars 2020.

Par Michel Thébault

SOURCES : Service historique de la Défense, Caen, dossiers AVCC cote AC 21 P 103294 — Dossier ONACVG de la Vienne — Bulletin AET Histoire et Témoignages n° 269, octobre 2016 et site internet sur l’École Herriot — Roger Picard Hommes et combats du Poitou Ed. Martelle 1994 — Journal La Nouvelle République, 11 mai 2013 Hommage aux deux fusillés de 1944 — Mémoire des Hommes.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable