TAFFOUREAU née GARSAULT Madeleine, Louise, Marguerite

Par Gérard Boëldieu

Née le 29 juillet 1895 à Orléans (Loiret), morte à Allonnes (Sarthe) le 2 septembre 1976 ; comptable ; militante communiste au Mans (Sarthe) ; internée dans cinq camps français du 17 juillet 1941 au 5 septembre 1944 ; première secrétaire générale de la section sarthoise de l’Union des Femmes Françaises (1945-1946) ; veuve d’un Déporté-Résistant.

Fille d’un père jardinier et d’une mère sans profession, Madeleine Garsault épousa, à Orléans le 2 juillet 1922, André Jean Auguste Taffoureau, né le 25 septembre 1891 dans cette ville et entré deux ans auparavant aux chemins de fer de l’Etat. À la fin des années 1920, le couple, qui n’eut pas d’enfant, s’installa au Mans, lui, toujours employé (distributeur) aux chemins de fer de l’Etat, elle, devenue comptable dans une entreprise locale.
Sous le Front populaire, Madeleine Taffoureau devint secrétaire de la section mancelle du Comité mondial des femmes contre la guerre et le fascisme. À ce titre, en octobre 1937, elle lança un appel en faveur des femmes et enfants espagnols. Elle-même recueillit une jeune réfugiée espagnole. Elle acquit dans son quartier une réelle popularité. Les autorités locales redoutaient son influence sur les « masses ouvrières » parce que, dotée d’une élocution facile, elle prenait la parole lors des manifestations. En 1938, précédée, semble-t-il, par son mari, elle adhéra au Parti communiste. Militante active, elle siégea au bureau régional où elle se vit rapidement confier des tâches importantes. En 1940, elle fut toutefois « écartée du travail du Parti pour imprudences répétées dans le travail clandestin », par exemple pour avoir refusé de rompre ses relations avec une ancienne militante exclue. Cataloguée par la police française hostile au Maréchal Pétain et au gouvernement de Vichy, « non susceptible de se rallier », quelques semaines après l’entrée en guerre de l’URSS, le 14 juillet 1941 elle fut arrêtée et internée administrativement à Châteaubriant (Loire-Inférieure).
Jusqu’à sa libération, survenue le 5 septembre 1944, Madeleine Taffoureau passa successivement dans cinq camps d’internement : Châteaubriant, du 17 juillet 1941 au 11 mai 1942 ; Aincourt (Seine-et-Oise), du 12 mai 1942 au 15 septembre 1942 ; Gaillon (Eure), du 15 septembre 1942 au 15 janvier 1943 ; Monts (camp de la Lande en Indre-et-Loire), du 15 janvier 1943 à début 1944 ; Poitiers (Vienne), du début 1944 au 5 septembre 1944. Quant à son mari, arrêté pratiquement en même temps qu’elle (le 17 juillet 1941), interné à Voves, remis en liberté le 17 juin 1942, il revint au Mans. Arrêté le 23 mars 1943 par les Allemands, qui traquaient les militants communistes à la suite d’un sabotage en gare de triage, il fut, le 8 mai suivant déporté à Sachsenhausen où, semble-t-il, il mourut le 28 février 1945.
Le 9 novembre 1944, environ deux mois après le retour au Mans de Madeleine Taffoureau, qui venait d’être réintégrée au Bureau Régional, avec toutes ses responsabilités, la Commission centrale de contrôle politique (CCCP) du PCF l’exclut du parti suite à « sa mauvaise attitude dans les camps » (à Aincourt et à Gaillon, elle avait accepté d’être la secrétaire de la surveillante-chef) ; à « sa conduite indigne du point de vue des mœurs » à Poitiers (« mœurs anormales » avec une codétenue) ; au « peu de soin apporté à sa tenue vestimentaire » (« toujours habillée en homme »). La CCCP prétendit qu’elle avait déjà été exclue en 1940.
Admise par les dirigeants du PCF le 27 avril 1945, cette sanction s’appliqua localement au cours de la campagne des élections municipales de mai-juin 1945. Initialement porté en dernière position sur la liste dite de « Concentration républicaine et sociale » (communistes, socialistes), le nom de Madeleine Taffoureau disparut, remplacé par celui d’une autre militante communiste.
Dès lors, Madeleine Taffoureau se consacra à l’Union des Femmes françaises (UFF) qu’elle contribua à « monter » dans la Sarthe. Élue secrétaire départementale en juin 1945 à l’issue de la première conférence départementale (« il n’y en avait pas d’autres qui puissent assurer cette responsabilté », disaient des adhérentes), elle représenta peu après la section sarthoise de l’UFF au États Généraux de la Renaissance française à Paris (10-14 juillet 1945).
Au début de 1946, s’estimant victime de calomnies et de vengeances, Madeleine Taffoureau fit appel auprès de la CCCP. Elle recueillit et envoya nombre de témoignages en sa faveur. Elle nia avoir été exclue du PCF en 1940 : on lui avait rendu ses responsabilités, affirmait-elle. C’est « par hasard » et sous conditions qu’à Aincourt elle accepta de devenir secrétaire de la surveillante-chef. Cela lui permit de fournir des renseignements et aussi d’améliorer tant soit peu le sort des internées : par l’entremise de la surveillante-chef elle obtint « l’appel du soir à 10 heures au lieu de 9 » ; elle dénonça « la non-remise aux détenues des confitures expédiées par la Croix-Rouge ». Elle surveilla le courrier. Elle affirma avoir été encouragée à rester secrétaire par des codétenues communistes : et de citer les noms de Marie Le Fur et Galpérine (Marie-Louise Galpérine). Quant à ses « mœurs », Taffoureau reconnaissait avoir eu beaucoup de tendresse pour une codétenue membre du PCF (« Est-ce défendu cela dans un camp ? »). Cette dernière – qui ne fut pas inquiétée par le Parti – reconnut « quelques attentions affectueuses » de la part Madeleine Taffoureau à son égard comme pose de tête sur l’épaule, d’un coussin derrière son épaule quand elle lisait, baisers, confidences. Quant à sa tenue vestimentaire, Madeleine Taffoureau était connue au Mans pour porter des pantalons. Dans les camps, sa mise en hiver, comme celle de « 50 % des internées », écrit-elle, consistait en « un pantalon de drap fait avec des couvertures », en été d’un « pantalon long et chemise Lacoste », au lieu du petit short et soutien gorge, tenue favorite des autres internées. Le 5 août 1946, sur proposition de la CCCP, le secrétariat du PCF maintint son exclusion.
Secrétaire départementale de l’UFF, Madeleine Taffoureau le resta jusqu’en novembre 1946, moment où elle trouva un emploi parmi ceux réservés aux veuves de cheminots à la SNCF. Sa remplaçante, Suzanne Gauvin [voir Cheinet Suzanne épouse Gauvin]* fit à la CCCP l’éloge de « la très bonne activité » de Madeleine Taffoureau et prévint qu’elle tenait à sa présence au bureau sarthois de l’UFF : « une sanction créerait un certain trouble » écrivait-elle, ajoutant : « Taffoureau ne fait pas de fractionnisme ».
Daté de 1957, un rapport de la Fédération sarthoise à la CCCP, approuvé à l’unanimité de ses membres, estimait que le comportement de Madeleine Taffoureau, bien considérée dans son travail et son quartier, et que personne ne considérait comme exclue, était celui d’une communiste modèle : contribution volontaire au PCF, lecture de sa presse, adhésion à la CGT, aux Cheminots Anciens Combattants, à France-URSS, défense de l’URSS et du Parti lors des événements de Hongrie. Aussi demandait-il sa réintégration. Ce que la CCCP, faisant en quelque sorte amende honorable, proposa au Secrétariat du Comité central qui donna son accord le 19 juin 1957.
Ensuite on perd la trace de Madeleine Taffoureau dans les archives. Sur son faire-part de décès on lit quelle avait de nombreux amis.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article214403, notice TAFFOUREAU née GARSAULT Madeleine, Louise, Marguerite par Gérard Boëldieu, version mise en ligne le 10 avril 2019, dernière modification le 10 août 2019.

Par Gérard Boëldieu

SOURCES : Archives de la Commission centrale de contrôle politique du PCF. — État civil d’Orléans, consulté sur le site des Arch. Dép. du Loiret. — Archives départementales de la Sarthe : listes nominatives du Mans de 1926, 1931, 1936 ; 615 W 22 Fiches sur militants communistes ou proches en 1941 ; 615 W 5 Sur l’UFF. —La République Sociale de l’Ouest du 3 octobre 1937 (appel en faveur des femmes et enfants espagnols). — Le Maine Libre des 21 et 30 avril 1945 (listes aux municipales du Mans) ; Le Maine Libre du 12 et 18 juin 1945 (élue au secrétariat départemental de l’UFF Sarthe) ; Le Maine Libre du 18 juin 1945 (déléguée de l’UFF Sarthe aux Etats Généraux de la Renaissance française) ; Le Maine Libre du 3 septembre 1976 (faire-part de décès). — Courant octobre 1998, conversation téléphonique avec Suzanne Cheinet épouse Gauvin* sur les débuts de l’UFF en Sarthe. — Le 26 novembre 1998, témoignage de Christian Rouby*. — Sur André Taffoureau : notice dans Cheminots victimes de la répression 1940-1945. Mémorial sous la direction de Thomas Fontaine, Perrin/SNCF, 2017, page 1398.

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