Par Éric Belouet
Né le 20 mai 1928 à La Valle Agordina (province de Belluno, Italie) ; commis agricole, mineur, ouvrier fraiseur, puis économe d’un centre de rééducation professionnelle ; militant jociste (1947-1955), permanent de la JOC (1951-1955) ; syndicaliste CFTC puis CFDT à la CSF (devenue Thomson-CSF) à Malakoff (Seine, Hauts-de-Seine) ; membre de l’ACO.
Le père de Fausto Da Roit avait émigré en France à l’âge de huit ans, placé par ses parents auprès d’un artisan chaisier itinérant qui allait de village en village dans le Sud-Est et le Sud-Ouest. Il y resta quatre ans puis retourna en Italie. Après son service militaire, il émigra encore, cette fois en Allemagne (Moselle annexée), et y travailla dans les mines de fer jusqu’en 1915. Les Italiens ayant été renvoyés dans leur pays en raison de la guerre, il s’y maria et eut deux premiers garçons (1915 et 1917). Mobilisé, il revint en Italie à la fin de la guerre mais, entre-temps, son épouse était morte. Il travailla alors par intermittence au gré des emplois qu’il trouvait. En 1924, il se remaria et le couple acheta une moitié d’étable, une demi-grange et quelques bouts de terrain à La Valle Agordina, un village très pauvre des Dolomites. Un premier garçon naquit en 1925 de ce second mariage, suivi en 1928 par Fausto Da Roit. Cette même année, les revenus de la famille étant insuffisants, son père partit fabriquer des chaises en France, dans les régions qu’il avait fréquentées enfant, puis se fit embaucher dans les mines de charbon du bassin minier de la vallée de l’Allier (rebaptisé bassin d’Auvergne après sa nationalisation à la Libération), au puits de La Taupe. Il fit venir sa famille en 1930 et, deux ans plus tard, les deux fils de son premier mariage furent eux aussi embauchés à la mine. De 1931 à 1933, la famille fut à nouveau séparée puisque la mère repartit à La Valle Agordina avec ses deux fils pour y donner naissance à un troisième garçon.
De retour en France, domicilié au lieu-dit de La Taupe, rattaché à la commune de Vergongheon mais plus proche de Sainte-Florine (Haute-Loire), Fausto Da Roit fréquenta l’école primaire publique jusqu’au certificat d’études primaires, obtenu en juin 1940. En l’absence de cours complémentaire, il continua de s’y rendre pendant deux ans, de novembre à mai, passant le reste de l’année à garder les vaches pour une ferme de la région. Aimant s’occuper des bêtes, il prit en 1942 un emploi de commis agricole, puis travailla chez un marchand de vaches de février 1943 à 1946, date à laquelle il décida d’abandonner l’agriculture. Toutefois, à l’époque, les étrangers - il n’obtint la nationalité française qu’en août 1970 - avaient soit une carte de travailleur agricole, soit une carte de travailleur industriel, et il lui fallut un an pour passer de l’une à l’autre. Ceci fait, il devint lui aussi mineur en décembre 1947, dans une mine privée, et y resta jusqu’à sa fermeture en juin 1950. Il occupa alors divers emplois tout en aidant son père, retraité de la mine, à rempailler des chaises, puis fut embauché en juin 1951 aux mines de la Dèze, à Ouches, près de Massiac (Cantal), une mine d’antimoine qui s’était ouverte à 30 km du domicile familial.
En 1947, au cours de son année de chômage (non rémunéré), Fausto Da Roit avait découvert la JOC par l’intermédiaire d’un foyer de jeux de la paroisse où nombre de jeunes se retrouvaient. Encouragé par le prêtre, vicaire du Prado, il participa avec d’autres jeunes à la création d’une section jociste. Toutefois, dans ce bassin minier déchristianisé où les immigrés étaient majoritairement anticléricaux, l’action jociste était plus individuelle que collective. Rapidement, d’autres sections se créèrent dans les communes environnantes et, comme les fédérations jocistes de Clermont-Ferrand (distante de 60 km) et du Puy-en-Velay (80 km) avaient délaissé ce bassin minier (qui comprenait également plusieurs usines d’équipement automobile), une nouvelle fédération, dénommée Vallée de l’Allier, fut créée pour les regrouper. Fausto Da Roit fit partie des premiers dirigeants fédéraux et participa à ce titre au congrès de la JOC à Vincennes en 1947. Quelque temps plus tard, la branche féminine du mouvement vit également le jour dans cette zone géographique, qui donna par la suite une permanente (Thérèse Touchebeuf*) et un aumônier national (René Guerre) à la JOCF.
En juin 1951, il fut sollicité par Jacques Bégassat pour devenir permanent de la province jociste du Centre. Sa mère, très croyante, accepta tandis que son père, anticlérical, fit part de son opposition. Malgré cela, Fausto Da Roit prit ses nouvelles fonctions en octobre de la même année. Au sein de cette province, dont le siège était situé à Montluçon (Allier), deux permanents se partageaient la responsabilité de dix départements. Il fit successivement équipe avec Pierre Viallefond*, Alfred Martinache* et Marcel Simonnin* (les périodes d’intérim étant assurées par Jacques Bégassat) et avait la responsabilité du Cantal, de la Corrèze, de la Haute-Vienne, de l’Allier, du Puy-de-Dôme et de la vallée de l’Allier. Sur le plan national, il participait à la rédaction de La Jeunesse ouvrière et était rattaché à la branche « apprentis ».
Après son départ de la JOC en avril 1955, Fausto Da Roit décida de suivre le conseil de ses amis qui lui recommandaient de rejoindre la région parisienne, d’apprendre un métier, puis de se faire « blanchir de [s]on temps passé à la JOC » en travaillant dans une petite entreprise. Il suivit ainsi, d’avril à octobre 1955, une formation de fraiseur au centre de FPA Yves-Bodiguel, à Issy-les-Moulineaux (Seine, Hauts-de-Seine), géré par la CFTC. Malgré plusieurs propositions qui lui étaient faites d’entrer dans des organismes sociaux (foyer de jeunes travailleurs, organisme de formation...), il tenait à entrer dans l’industrie pour y militer. Il se fit d’abord embaucher dans une entreprise de métallurgie comptant trente salariés à Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne), où il tenta vainement de démarrer une section syndicale CFTC, puis, en 1957, passa un essai concluant à la CSF et fut embauché comme fraiseur P3. Il fut affecté à la fabrication des radars aéroportés, à l’usine de Malakoff qui comptait 1 500 salariés et monta jusqu’à 2 500 après la fusion de la CSF avec Thomson. Il s’efforça d’implanter la CFTC dans cette entreprise - où seule la CGT était présente - et près de deux ans furent nécessaires avant d’être en mesure de déclarer une section d’entreprise et de présenter des délégués du personnel. Ces démarches accomplies, la CFTC recueillit 25 % au premier collège et bien davantage au deuxième. Dix ans plus tard, le syndicat, devenu CFDT, était majoritaire. Fausto Da Roit fut plusieurs années délégué syndical, délégué du personnel et représenta la CFTC puis la CFDT au comité d’entreprise de l’usine de Malakoff. Il fut aussi membre de l’intersyndicale Thomson-CSF jusqu’à son départ de l’entreprise.
Parallèlement à son engagement syndical, Fausto Da Roit éait membre du conseil d’administration de l’association « Joie par la santé », dont la JOC avait participé à la création et qui avait ouvert une maison de santé, destinée notamment aux jeunes de retour d’Allemagne après la guerre. Par la suite, cette association avait ouvert un centre de rééducation professionnelle (CRP) de 120 places à Sablé-sur-Sarthe (Sarthe), dirigé par André Guinfoleau*, un ancien permanent jociste. En juin 1975, ce dernier, à la recherche d’un économe fiable, proposa le poste à Fausto Da Roit. La situation syndicale dans son entreprise étant positive, lui-même n’y ayant plus de responsabilités militantes importantes et aspirant à autre chose, il accepta, non sans avoir préalablement obtenu du chef du personnel de la CSF un congé sans solde d’un an, avec promesse de réintégrer son poste si sa situation à Sablé-sur-Sarthe ne lui convenait pas. Ce ne fut pas le cas, puisqu’il travailla pour le CRP jusque fin 1983, date à laquelle il signa un contrat de solidarité et partit en pré-retraite. La famille quitta son logement de fonction mais resta dans la Sarthe, à Solesmes, jusqu’en juillet 1987, avant de retourner en région parisienne, à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), où elle avait déjà vécu de 1963 à 1975. Fausto Da Roit fut rapidement sollicité par l’Union locale des retraités CFTC de cette commune, puis par l’Union départementale des retraités des Hauts-de-Seine dont il fut membre du conseil de 1988 à 1997 puis secrétaire général de 1998 à 2003. En septembre 2007, il continuait d’animer l’Union locale des retraités d’Issy-les-Moulineaux et assurait l’intérim de celle de Boulogne.
Fausto Da Roit s’était marié le 20 mai 1961 avec Bernadette Pommier*, permanente de la JOCF de 1954 à 1959, et trois filles naquirent de cette union (Véronique en 1964, Laurence en 1968 et Anne en 1971). Le couple vécut à Courbevoie (Seine, Hauts-de-Seine) jusqu’en 1963, puis à Issy-les-Moulineaux jusqu’à son départ dans la Sarthe, et fut membre de l’ACO où Fausto Da Roit fut responsable du secteur Seine-Sud-Ouest avant la réorganisation des départements de l’Île-de-France (1968). Son épouse, elle aussi, travailla à la CSF (comme secrétaire sténodactylo à l’usine de la rue du Maroc, à Paris, puis à celle de Malakoff) et y milita à la CFTC puis à la CFDT. « Nous restons reconnaissants à la JOC et au syndicalisme pour tout ce qu’ils nous ont apporté sur le plan humain et ne regrettons pas notre cheminement. Nous espérons que la JOC, qui a tant fait pour le Mouvement ouvrier et l’Église depuis 1927, continuera encore longtemps sa formation de militants », écrivait-il en septembre 2007.
Par Éric Belouet
SOURCES : Arch. JOC (SG), fichier des anciens permanents. — Témoignage de l’intéressé, septembre 2007 et mars 2008.