Par Jacques Girault
Né le 3 juillet 1901 à Aullène (Corse), mort le 24 février 1985 à Ajaccio (Corse) ; professeur ; syndicaliste et militant socialiste SFIO.
Le père d’Antoine Dary était un propriétaire décédé à la naissance de son fils, sa famille était républicaine, opposée au système des clans et à certaines traditions locales. Sa mère, anticléricale, ne lui fit pas faire la communion. Sous la IVe République, elle votait toujours socialiste.
Dary fréquenta le cours complémentaire de Sartène où il obtint le brevet élémentaire (1917), puis les lycées Fesch à Ajaccio et Thiers à Marseille. Il obtint le baccalauréat « Mathématiques élémentaires » (1921) et devint maître d’internat à l’école primaire supérieure d’Epernay (1921-1922) puis au lycée Lakanal (Sceaux, 1922-1928). Il fut en 1923, trésorier du syndicat des maîtres d’internat. Il obtint une licence d’enseignement de mathématiques (1925-1927). Réformé (il avait perdu un œil lors d’un accident à l’âge de six ans), il débuta à l’école primaire supérieure de Sartène (1928-1933) et fut nommé professeur à l’EPS de Brignoles (Var) en 1933 à la suite d’une intervention de Renaudel, député socialiste du Var.
Membre du Parti socialiste SFIO depuis octobre 1928, Dary avait été initié à la franc-maçonnerie (loge Voltaire à Paris) en 1923. Il avait participé à la naissance de la section socialiste SFIO de Sartène et en devint le secrétaire. Parallèlement, il assurait le secrétariat de la section de la Ligue des droits de l’Homme. Il participa le 3 décembre 1933 au congrès fédéral où se reconstitua l’organisation socialiste SFIO dans le Var après la scission. Il se maria en juillet 1936 avec une institutrice. Le couple eut une fille.
À Brignoles, Dary, secrétaire de la section de la Ligue des droits de l’Homme, militait dans les organisations laïques notamment comme secrétaire fédéral de la Ligue de l’Enseignement (colonies de vacances, groupements d’action laïque, présidence des coopératives scolaires). Il participa aux réunions du conseil général de la ligue sous le Front populaire. Il fut désigné par le conseil municipal de Brignoles en mai 1935 pour la commission du patronage laïque qu’il avait contribué à créer et en 1937 comme directeur de la cantine municipale dont il s’occupait avec sa femme. S’ajoutait la création de l’œuvre de la colonie scolaire intercommunale de la région (40 municipalités) dont il assurait le secrétariat bénévolement depuis 1936. Alors qu’il préparait, avec son épouse, pour l’été 1940, l’ouverture d’une colonie scolaire à Fréjus-plage, il fut félicité par l’inspecteur d’Académie. En 1938-1939, il fut membre du conseil général de la Ligue de l’enseignement.
Selon le principal de l’EPS en 1938, Dary était le « secrétaire de plusieurs groupements » et le rapport concluait : « J’aimerais que ce professeur cessât de s’occuper des relations entre l’école et les familles. » Il était en conflit ouvert avec ce directeur. De violents affrontements se déroulèrent entre le professeur, le directeur, les inspecteurs. On lui reprochait « ses manières frustes et souvent brutales ». On lui donnait un service comprenant des classes de chimie et d’atelier, disciplines auxquelles il n’était pas préparé. Son enseignement était jugé insuffisant ou maladroit alors que tous reconnaissaient ses qualités pédagogiques pour l’enseignement des mathématiques. Il avait notamment participé au succès de l’ouverture d’une classe de préparation à l’école des mines d’Alès.
La police, à plusieurs reprises, le mentionnait comme franc-maçon. En juillet 1941, Dary déclara avoir fait partie de la franc-maçonnerie (Grand Orient de France) jusqu’en juin 1928 : « J’ai quitté Paris en 1928 où j’étais adhérent puis nommé à Sartène où il n’y avait aucune filiale, ensuite à Brignoles où j’ai refusé d’en faire partie. » Cette version fut confirmée une lettre du 1er décembre 1940 du Vénérable Adrien Boyer* de la loge « L’École de la Sagesse » qui affirmait qu’il « n’avait jamais figuré sur les listes de la loge ». Une brochure antimaçonnique le faisait figurer par les dirigeants francs-maçons de la Ligue de l’enseignement.
Non mobilisable, Dary, à la demande du ministère, en septembre 1940, fut proposé pour un déplacement d’office. Le 25 novembre 1940, un arrêté ministériel le releva de ses fonctions. Le 28 novembre, sa mère écrivit plusieurs longues lettres au Maréchal Pétain où elle prenait la défense de son fils. La presse annonça sa révocation le 12 décembre 1940. Il protesta par divers moyens tandis que l’inspecteur d’Académie multipliait les informations justifiant cette révocation. Des élus et des parents d’élèves se louaient de son enseignement. Il fut invité à remplir son dossier de mise à la retraite, ce qui provoqua de nouvelles protestations. Le 14 décembre, par lettre, il demandait sa réintégration, s’estimant « victime de délation » pour des « motifs politiques » de la part de son directeur et de l’inspecteur. Le chef de l’État demanda un réexamen de l’ensemble du dossier et Dary obtint sa réintégration dans le cadre des professeurs d’écoles primaires supérieures le 31 décembre 1940.
Tandis que sa femme restait institutrice à Brignoles puis à Saint-Maximin, nommé à l’EPS de Crest (Drôme) en janvier 1941, puis en surnombre à l’EPS de L’Isle-sur-la-Sorgue (Vaucluse), Dary demanda une régularisation de sa situation familiale. Il fut affecté au collège Martini de La Seyne (Var) en octobre 1942 et y enseigna les mathématiques jusqu’en 1956 et l’Italien seulement en 1946. Son épouse devint institutrice à La Seyne puis directrice de l’école de Lagoubran à Toulon. À partir du printemps 1944, en raison des bombardements, il résida à Salernes, corrigeant les devoirs que lui envoyaient les élèves. À la Libération, il demanda une indemnisation estimant avoir été lésé. En juillet 1945, la sous-commission des collèges modernes du Comité consultatif temporaire accepta.
Après la guerre, Dary, membre du secrétariat de la section socialiste SFIO, candidat aux élections municipales sur la liste socialiste, obtint le 29 avril 1945, 2 648 voix sur 11 638 inscrits. Par la suite, demeurant à Toulon où son épouse était directrice d’école maternelle, il militait toujours dans les organisations laïques, Fédération varoise des œuvres laïques dont il avait été secrétaire général à la Libération, à la Ligue française de l’enseignement (participation au conseil général de la ligue en 1946), à la Ligue des droits de l’Homme, à la franc-maçonnerie (Grand Orient). En février 1947, responsable du syndicat des collèges modernes dans le département, il reçut la circulaire annonçant la création de la Mutuelle générale de l’éducation nationale, et le 13 mars 1947, il fit partie de son premier conseil d’administration. Membre du Syndicat national de l’enseignement secondaire, il était suppléant au conseil d’administration de la section départementale de la Fédération de l’éducation nationale.
Dary, veuf en octobre 1956, exerça de 1956 à 1962 aux lycées Saint-Charles (1956-1957) puis Victor Hugo à Marseille jusqu’à sa retraite en 1963. Remarié en juillet 1963 à Nice (Alpes-maritimes), il cessa d’appartenir au Parti socialiste SFIO en 1958 à la suite du ralliement de Guy Mollet au général de Gaulle. Il réadhéra au Parti socialiste après le congrès d’Épinay et militait dans la section d’Ajaccio où il habitait.
Par Jacques Girault
SOURCES : Arch. Nat., F/17 28117. — Arch. Dép. Var, 4M50, 1459W9. — Arch. Com. Brignoles. — Presse locale. — Renseignements fournis par l’intéressé.