DAUCROS Frédéric, Marius

Par Jacques Girault

Né le 1er juillet 1898 à La Londe-les-Maures (Var), mort le 2 janvier 1987 à Aups (Var) ; ouvrier agricole puis employé de commerce ; mutin de la mer Noire ; candidat communiste aux élections législatives de 1936 dans le Var ; conseiller municipal d’Hyères (Var).

Fils d’ouvriers agricoles de grandes propriétés de la région hyéroise, Frédéric Daucros avait deux sœurs dont l’une mourut en 1915. Son père, sympathisant socialiste, adhéra au Parti communiste en 1921. Il fit suivre les cours de catéchisme à ses enfants pour respecter les volontés de ses employeurs. Il quitta l’école primaire à dix ans pour travailler comme ouvrier agricole.

Daucros fut mobilisé en août 1914 dans l’infanterie et son père lui conseilla, pour éviter le front, de s’engager dans la marine. Le 6 novembre 1916, il s’engagea pour trois ans et fut affecté sur le cuirassé “Diderot“, puis sur le cuirassé “Voltaire“ en Méditerranée orientale. Breveté canonnier, il embarqua à bord du “Condorcet“, le 3 juin 1917. Il se maria en février 1918 avec Célestine Isnard (voir Célestine Daucros->108248), fille d’ouvriers agricoles, lors d’une permission. Le jour de l’armistice, envoyé à Fiume avec son navire, il fut débarqué par mesure disciplinaire (protestations contre une corvée de munitions et pour une amélioration de la nourriture) et affecté sur le cuirassé “France“ qui se trouvait en mer Noire, le 1er janvier 1919. Dans l’attente de son navire, à Odessa, Daucros rencontra des militants français dont Jeanne Labourbe et adhéra au « mouvement ouvrier et paysan ». Sur le “France“, en rade de Sébastopol, Daucros participa à la mutinerie (19-23 avril 1919) qui toucha les navires français. L’équipage imposa le retour du cuirassé à Bizerte où vingt-trois mutins, dont Daucros, furent arrêtés le 11 mai 1919, puis transférés à la prison maritime de Toulon en juillet 1919. Le Conseil de guerre de Toulon (29 septembre-8 octobre 1919) acquitta sept marins dont Daucros qui était père de deux enfants et qui n’avait joué qu’un « rôle épisodique » (selon le compte rendu du Petit Var du 30 septembre 1919).

La région hyéroise comprenait un bon noyau de militants communistes. Daucros et son épouse, Célestine, adhérèrent au Parti communiste le 1er mars 1921. Il devint secrétaire de la cellule en 1923 puis son trésorier de 1926 à 1930. En 1925, trésorier adjoint de la fédération communiste du Var, il devint secrétaire du sous-rayon en 1932. Ouvrier agricole à la fin de 1921, il participa à la fondation d’un syndicat agricole affilié à la CGTU qui connut une vie difficile.

Pour l’élection au Conseil général de 1922, les forces de gauche regroupées dans un Comité d’amnistie lui préférèrent comme candidat un autre mutin varois, Henri Alquier qui était emprisonné. Il participa activement aux luttes du Comité de défense des mutins de la mer Noire dont il assumait la présidence d’honneur à Hyères et aux campagnes des élections cantonales où tour à tour Alquier, puis, André Marty, furent élus.

Le 3 mai 1925, Frédéric Daucros figurait sur la liste communiste pour les élections municipales d’Hyères et recueillit 146 voix sur 3 537 inscrits.

En 1928, Daucros entra comme employé de commerce à la succursale hyéroise des Dames de France et occupa cet emploi jusqu’en 1954. Le syndicat CGTU des employés de commerce qu’il avait contribué à fonder le 20 janvier 1928, se rallia à la CGT ; Daucros continua à adhérer à la CGTU et fut secrétaire de l’Union locale entre 1932 et 1934. Le sous-préfet de Toulon, en juin 1934, lors d’une grève du bâtiment à Hyères le signalait comme « dangereux ». Après la réunification syndicale, Daucros fut délégué au congrès national de la Fédération des employés en 1938 à Clermont-Ferrand.

Frédéric Daucros ne figurait pas sur la liste du Bloc ouvrier et paysan pour les élections municipales de 1929. Trésorier de la cellule communiste d’Hyères en 1930, il en devint secrétaire en 1932. Il fut nommé secrétaire du rayon d’Hyères à sa création en 1935. Spécialisé dans le travail antimilitariste en raison de la forte présence militaire dans la ville, il était aussi responsable du Comité de défense de l’Humanité créé en 1930. Il animait aussi le Comité antifasciste d’Hyères et le représenta au congrès de la salle Pleyel à Paris, les 4 et 5 juin 1933.

Frédéric Daucros était donc au cœur de la vie du Parti communiste dans la région hyéroise. En octobre 1934, il fut choisi pour être candidat communiste au Conseil général. Sa profession de foi, tournée uniquement contre le candidat de droite affirmait notamment : « Les récentes décisions de notre parti au sujet du Front unique font baver de rage tous les ennemis des travailleurs » et « Le temps d’apitoiement est passé. Les travailleurs, petits-commerçants et autres en ont assez d’être dupés par de belles paroles ». Curieusement Le Petit Provençal présentait cette candidature, le 27 septembre 1934, comme « socialiste-communiste ». Le 7 octobre, sur 6 883 inscrits, Daucros, « candidat communiste » dont le bulletin portait aussi la mention « ex-mutin de la mer Noire » recueillait 448 voix. Il se désista pour le candidat SFIO pour « barrer la route au candidat du gouvernement d’union nationale, des décrets-lois de misère, du fascisme et de guerre. Pour la défense des lois démocratiques et pour de meilleures conditions de vie ». Il ne participa pas à la campagne électorale du deuxième tour à l’issue de laquelle le candidat de droite fut élu.

Aux élections municipales du 5 mai 1935, Daucros arrivait en deuxième position sur la liste communiste avec 390 voix sur 4 657 inscrits. Elle se désista au profit de la liste conduite par le docteur Jaubert* qui fut élue. Mais, l’élection fut annulée. Aux nouvelles consultations, le 19 janvier 1936, Daucros arrivait en tête avec 306 voix de la liste communiste qui se désista à nouveau ; mais la liste Jaubert n’obtint pas la majorité des sièges. Il s’ensuivit une grave crise municipale. De nouvelles élections eurent lieu le 19 septembre 1937. Deux communistes, dont Daucros, figuraient cette fois sur la liste Jaubert de « Front populaire », Daucros arrivait en dernière position avec 1 518 voix sur 4 834 inscrits. Aussi ne fut-il pas maintenu pour le scrutin de ballottage qui assura le succès de la gauche.

Daucros, enfin et surtout, fut désigné comme candidat communiste aux élections législatives de 1936 dans la troisième circonscription de Toulon (région hyéroise). Victor Étienne - l’habituel candidat communiste, ne fut pas désigné (conséquence sans doute de son exclusion temporaire) mais participa à la campagne. La profession de foi du candidat se terminait ainsi « Pour le gouvernement ouvrier et paysan qui donnera l’usine à l’ouvrier, la terre à celui qui la travaille ». Aux termes d’une campagne heurtée (Hyères était en effet une ville où les groupes fascisants étaient assez forts), Daucros obtenait 2 351 voix sur 16 983 inscrits le 26 avril 1936, se désistait pour le candidat SFIO, et aux côtés de l’ancien maire de la ville, Jaubert, qui, comme lui s’était désisté, participa à la campagne victorieuse qui suivit.

Secrétaire du syndicat des employés de commerce d’Hyères, secrétaire adjoint de l’Union locale de la CGT en 1937, Frédéric Daucros participa au congrès de la Fédération CGT des employés à Clermont-Ferrand en 1938.

Après 1934, secrétaire de la section d’Hyères et membre du comité régional, Frédéric Daucros fut responsable de la presse. Il fut délégué aux conférences régionales de Marseille en 1935, de La Seyne en 1937 et au congrès national d’Arles du Parti communiste (25-29 décembre 1937). Dans son autobiographie, il affirmait avoir « toujours lutté contre la trotskysme ». Il militait aussi au Secours rouge international, au Secours ouvrier international, à la Ligue anti-impérialiste et aux Amis de l’Union soviétique.

Mobilisé le 26 août 1939 à Hyères, démobilisé le 8 novembre à Privas (Ardèche), Daucros figurait sur la liste des trente « individus dangereux pour la défense nationale à interner au centre de surveillance de Saint-Maximin » (décret du 18 novembre 1939). Il ne fut pas interné. Arrêté le 20 février 1940, pour activité communiste clandestine, détenu à la prison de Toulon, il fut libéré après non-lieu le 28 mars suivant. Puis, sur ordre préfectoral du 14 mai 1940, il fut des treize « individus dangereux pour la sécurité publique et la défense nationale » à interner au centre de surveillance de Chabanet (Ardèche) où il arrivait le 26 mai. Le 30 janvier 1941, il devait être transféré au camp de Nexon (Haute-Vienne) où il fit partie d’un des « trios » de la direction clandestine du Parti communiste comme « doublure » de Lucien Thomazo. Transféré à nouveau le 12 août 1942, au camp de Saint-Paul d’Eyjeaux (Haute-Vienne), puis, le 23 octobre 1943, au camp de Saint-Sulpice (Tarn), il fut déporté à Buchenwald, le 30 juillet 1944. Libéré le 23 avril 1945 en Bavière où la colonne d’extermination dont il faisait partie était arrivée, il regagna Hyères, très affaibli, le 18 mai 1945. Sa famille avait été très touchée par la guerre (épouse en résidence surveillée, fils aîné dans le maquis du Haut-Var, gendre prisonnier en Allemagne, etc.).

Dans le Parti communiste français, Frédéric Daucros redevint, dès son retour, membre du comité fédéral et y resta pendant un an environ. Proposé pour être candidat aux élections pour le Conseil général dans le canton d’Hyères, Frédéric Daucros obtint 3 869 voix sur 12 683 inscrits et fut battu, le 30 septembre 1945, par le candidat socialiste SFIO alors qu’il obtenait 4 363 voix. Son désistement était annoncé par Rouge-Midi le 25 septembre. Mais sa candidature fut confirmée à la suite du maintien de tous les candidats socialistes SFIO.

Appartenant à de nombreuses organisations d’internés et d’anciens combattants, redevenu secrétaire de sa cellule dès son retour d’Allemagne, secrétaire du syndicat des employés de commerce jusqu’à sa retraite, Frédéric Daucros assura le secrétariat de la section communiste d’Hyères de 1948 à 1954. Non candidat aux élections municipales d’Hyères de 1947, il figurait sur la « liste d’Union ouvrière et démocratique » en 1953. Le 26 avril, il était élu avec quatre colistiers (1 972 voix et 686 votes préférentiels) sur 12 955 inscrits. Le 8 mars 1959, candidat sur la « liste d’union démocratique », il ne fut pas élu avec 2 281 (premier de la liste) sur 16 120 inscrits. Il ne fut pas candidat pour le siège en ballottage, laissant la place au chef de file de la liste, Louis Blanc. En 1965, Daucros figurait sur la « liste d’Union républicaine et laïque ». Le 14 mars, sur 17 820 inscrits, il arrivait en deuxième position de cette liste avec 2 612 suffrages ; au deuxième tour, il obtenait 2 922 voix. À la suite d’une dissolution du conseil municipal, une liste de gauche à direction communiste fut constituée comprenant Daucros. La « liste de la gauche unie » obtenait 4 256 voix sur 18 533 inscrits le 18 février 1968 et était élue, le dimanche suivant, avec 5 623 voix. Il redevenait ainsi conseiller municipal et le resta pendant une année. Doyen de l’assemblée communale, il reçut une délégation aux œuvres sociales ; l’année suivante, il ne faisait pas partie de la liste sortante qui fut battue.
Depuis 1972, Frédéric Daucros, retiré à Aups, dans le Haut-Var, adhérent de la cellule communiste du village, faisait partie du comité de la section de Salernes.
Daucros fut décoré de « l’ordre de l’étoile rouge », le 10 novembre 1968 par l’ambassadeur soviétique à Paris « pour services rendus à la cause de la Révolution soviétique à Odessa et Sébastopol ». Il confiait au Petit Varois en avril 1969 ses souvenirs sur les mutineries, écrivait en 1971 à l’Institut Maurice Thorez sur ce même sujet et participait au rassemblement de la documentation pour l’ouvrage de J. Le Ramey et P. Vottero, Mutins de la mer Noire. En 1970, il évoquait quelques souvenirs pour une plaquette éditée par les soins de la Fédération du Var du PCF.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article21526, notice DAUCROS Frédéric, Marius par Jacques Girault, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 5 février 2018.

Par Jacques Girault

SOURCES : Arch. Nat., F7/13165. —Arch. Dép. Var, 2 M 3 52 ; 5 285, 287, 292 ; 2 M 7 30 3, 35 2 ; 4 M 47, 55.2, 56.9, 59.4.3,4 ; 7 M 12.2 ; 16 M 19 ; 18 M 13 ; 3 Z 2.9,12, 23. — RGASPI, 495 270 1708, autobiographie du 9 mai 1933, A1, une autre début 1938, A.— Presse locale. — Renseignements fournis par l’intéressé. — A. Marty, La Révolte de la mer Noire, Maspero, réédition, 1970. — J. Le Ramey et P. Vottero, Mutins de la mer Noire, Éditions sociales, 1973 (ouvrage qui comprend une photographie de Daucros et sa lettre déjà publiée dans les Cahiers de l’Institut Maurice Thorez, 1er trimestre 1971). — 1920-1970. PCF Souvenirs de vétérans varois du Parti communiste français, Toulon, 1970. — M. Puccini, Les réactions des populations varoises face à « l’affaire de la mer Noire », mémoire de maîtrise, Nice, 1973. — Sources orales.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable