DAUL Alfred

Par Françoise Olivier-Utard, Léon Strauss

Né le 6 mai 1893 à Roeschwoog (Basse-Alsace, Alsace-Lorraine), mort le 15 septembre 1973 à Schiltigheim (Bas-Rhin) ; ajusteur serrurier aux ateliers de chemins de fer de Bischheim ; militant communiste ; député (1936-1940) ; déporté.

[Assemblée nationale, Notices et portraits, 1936]

Fils de Louis Daul, charpentier, et de Thérèse Wilhelm, Alfred Daul naquit au bourg du Ried du Nord, à cinq kilomètres du Rhin, petit carrefour ferroviaire au croisement de la ligne Strasbourg-Lauterbourg et de celle de Haguenau-Rastatt. Comme beaucoup de garçons de cette région, il accomplit un apprentissage de serrurier-ajusteur (Schlosser) aux ateliers des chemins de fer à Bischheim, dans la banlieue nord de Strasbourg. Il allait y faire toute sa carrière de cheminot ; il résidait dans la commune voisine de Schiltigheim, où il épousa le 24 avril 1920 Louise Augustine Ory. En 1912, il adhéra au syndicat des ouvriers des chemins de fer d’obédience social-démocrate. Mobilisé en 1914 dans l’armée allemande, il fut grièvement blessé pendant la guerre. À la fin de 1918, il adhéra au Parti socialiste SFIO et il devint, en 1921, l’un des fondateurs de la cellule communiste des ateliers ferroviaires de Bischheim et fit partie du bureau régional du parti. Délégué du personnel des cheminots du réseau d’Alsace et de Lorraine de 1923 à 1936, à partir du 11 avril 1925 (congrès de Colmar), il fut l’un des secrétaires de l’Union des syndicats de cheminots d’Alsace et de Lorraine (CGTU jusqu’en 1935, CGT ensuite). En 1929, il accéda au poste de secrétaire général de cette Union. Conseiller municipal de Schiltigheim de 1925 à 1936, il resta fidèle au PC « ligniste » (SFIC) lors de la scission régionale de 1929. Déjà candidat aux élections législatives de 1924 et de 1932, c’est en 1936 qu’il battit au second tour à Strasbourg-Campagne, avec 11 808 voix, le maire « démocrate » de Strasbourg, Charles Frey, député sortant, qui n’obtenait que 10 867 voix. La conquête de cette circonscription qui comprenait la « ceinture rouge » de Strasbourg et des régions rurales fut rendue possible par le maintien du démocrate chrétien Jacques Fonlupt-Esperaber et par le désistement du socialiste Adolphe Sorgus. Alfred Daul fut ainsi le seul député du Front populaire dans les « départements recouvrés ». Dans sa profession de foi, il avait dénoncé « le traitement de Cendrillon » infligé au peuple alsacien-lorrain et réclamé que l’allemand, langue maternelle, soit reconnu comme langue officielle.
À la Chambre, membre de la commission des Affaires étrangères et du bureau du groupe communiste, Alfred Daul fut vice-président de la commission d’Alsace et de Lorraine. Malgré sa faible connaissance de la langue française, il devint le porte parole du groupe pour les affaires concernant cette région. Le 26 février 1938, il proclama à la tribune du Palais-Bourbon « la fidélité du peuple d’Alsace et de Lorraine à la République française et à ses institutions démocratiques » et il condamna « la barbarie du régime d’oppression hitlérien ». Le 13 janvier 1939, il adressa à Daladier une lettre ouverte protestant contre le transfert des entreprises d’Alsace vers l’intérieur de la France et exigeant un crédit d’un milliard de francs « pour relever la vie économique en Alsace et en Moselle » car « cette région ne sera bientôt plus qu’un vaste cimetière hanté par les ombres de caravanes de chômeurs » et il réitéra cette revendication lors de la discussion du budget de 1939.
Après la conclusion du Pacte germano-soviétique, il chercha dans les derniers numéros de l’Humanité de Strasbourg à justifier le geste de Staline. À la suite de la dissolution du PCF, il figura sur la liste du nouveau groupe parlementaire « ouvrier et paysan », ce qui provoqua, le 8 octobre 1939, son arrestation dans sa commune de repli, Saint-Julien (Haute-Vienne) et son transfert à la prison de la Santé à Paris. Dès le 9 octobre, il se désolidarisa de son ancien parti devant le capitaine de Moissac, juge d’instruction du Tribunal militaire de Paris en déclarant : « Je n’ai eu connaissance de la lettre adressée au Président Herriot qu’après qu’elle ait été envoyée parce que j’en ai reçu une copie. Je désapprouve cette lettre. Je me désolidarise des membres du Groupe et donne immédiatement ma démission ». Le 14, il aurait adressé sa démission au groupe ouvrier et paysan. Il fut mis en liberté provisoire le 25 octobre et bénéficia d’un non-lieu le 6 février 1940. Selon une autre source, il aurait été condamné en mars à quatre ans de prison avec sursis et 4 000 francs d’amende. Il avait probablement adhéré au « groupe d’unité populaire » et certains de ses collègues s’employèrent à le faire échapper à la déchéance prévue par la loi du 20 janvier 1940 pour les élus qui n’auraient pas rompu toute attache avec le Parti communiste avant le 26 octobre. Son cas fut réservé lors de la séance du 7 février. Le 13 février, la commission compétente proposa quand même par six voix contre deux sa déchéance, qui fut prononcée par la Chambre le 20 février. Vers la même époque, la cellule illégale des ateliers de Bischheim repliée à Périgueux (Dordogne), faisant fonction de « direction régionale », l’aurait exclu du Parti communiste. l’Humanité clandestine l’avait cité comme « traître » dès le mois d’octobre 1939. En mai ou juin 1940, il fut interné, avec d’autres communistes alsaciens, à Château-Sablou (Dordogne), où il resta jusqu’à son rapatriement par les Allemands en Alsace annexée (août 1940). Interné et d’ailleurs déchu, il ne participa donc pas au vote des pleins pouvoirs à Pétain le 10 juillet 1940. Du 6 septembre 1940 au 7 février 1941, il fut interné par la Gestapo au « camp de rééducation » de Schirmeck (Bas-Rhin). Libéré après s’être déclaré favorable au Pacte germano-soviétique, il retourna aux ateliers de Bischheim, mais il en fut licencié le 21 avril 1942, vraisemblablement à l’instigation du nazi alsacien Paul Schall. Il aurait tenté, pour faire reporter cette mesure, de collaborer avec le SD, ce qui lui valut d’être repris comme agent auxiliaire au dépôt de Strasbourg. Mais les exigences des services de renseignement augmentant, il cessa de leur prêter assistance. Le 20 août 1944, il fut à nouveau envoyé à Schirmeck. À l’évacuation de ce camp, il fut transféré au camp « Vulkan » de Haslach (Bade). En septembre 1945, après la publication de ses souvenirs de déportation dans un journal gaulliste, il fut arrêté, mais, traduit devant la Chambre civique de Strasbourg, il fut acquitté. Il ne fut jamais réintégré au Parti communiste. Il s’abstint désormais de toute activité politique. Après enquête des Renseignements généraux, le titre de déporté politique lui fut accordé en 1956. Il mourut le 15 septembre 1973 à Schiltigheim et il eut des obsèques religieuses, ce qui marquait clairement une rupture avec la culture athée des communistes alsaciens.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article21539, notice DAUL Alfred par Françoise Olivier-Utard, Léon Strauss, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 23 novembre 2008.

Par Françoise Olivier-Utard, Léon Strauss

[Assemblée nationale, Notices et portraits, 1936]

ŒUVRE : « Im Höllenlager Vulkan », L’Alsace libérée, août 1945.

SOURCES : Arch. Nat., F7/13130, 13669 et 13672. — Arch. Dép. Bas-Rhin, 102 AL 47, 544 D 1D. — Arch PPo. (non versées, communiquées par Jean Maitron). — Arch. de Moscou, 495-270-1935 (dossier presque vide). — Arch. Jean Maitron. — L’Humanité, Metz, Strasbourg, 1923-1939. — La Tribune des Cheminots, Strasbourg, 1925-1939. — Colmarer Neueste Nachrichten, 11 octobre 1939, 6 décembre 1939. — La Presse libre de Strasbourg, Périgueux, 18-19 novembre 1939, 16-17 décembre 1939, 24-25 février 1940. — Le Nouvel Alsacien, Strasbourg, 19 septembre 1973. — La Voix du peuple au Parlement, supplément au n° 12 des Cahiers du Bolchevisme. — Dictionnaire des Parlementaires français, t. 4. — Encyclopédie de l’Alsace, t. 4. — « Der Weg eines Schwächlings, Alfred Daul », L’Humanité d’Alsace et de Lorraine, 12 et 14 août 1945. — G. Walter, Histoire du PCF, Paris, 1948. — A. Rossi, Les Communistes français pendant la drôle de guerre, 1951. — François-Georges Dreyfus, La vie politique en Alsace 1919-1936, 1969. — G. Rossi-Landi, La drôle de guerre, 1971. — J. Fauvet, Histoire du Parti communiste français, 1977. — P. J. Schäffer, L’Alsace entre l’Allemagne et la France, Metz, 1977. — B. Reimeringer, Un communisme régionaliste ? Le communisme alsacien, Régions et régionalisme en France, 1977. — A. Wahl, Confession et comportement politique dans les campagnes d’Alsace et de Bade, t. 2, Strasbourg, 1980. — C. Baechler, Le parti catholique alsacien, 1982. — G. Bourgeois, thèse de troisième cycle. — P. Pélissier, « Diversité du communisme bas-rhinois dans l’entre-deux-guerres », Revue d’Alsace, 1984. — Nouveau Dictionnaire de Biographie alsacienne, n° 7, Strasbourg, 1985, p.586-587 (photo). — Notice DBMOF, par Jean Maitron et Claude Pennetier. — Léon Strauss, « L’Alsace-Lorraine », in : Jean-Pierre Rioux, Antoine Prost, Jean-Pierre Azéma (dir.), Les Communistes français de Munich à Châteaubriant, 1987, p. 369-387. — Olivier Wieviorka, Les Orphelins de la République. Destinées des députés et sénateurs français (1940-1945), 2001, p. 141, 161, 233. — État civil de Roeschwoog.

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