Par Jacques Grandjonc
Né le 14 juillet 1808 à Kniestadt, près de Salzgitter (Hanovre), mort le 2 août 1874 à Leipzig ; professeur de droit naturel.
Après des études de droit, Heinrich Ahrens fut maître de conférences à l’Université de Göttingen en 1830. Il y prit part, le 8 janvier 1831, à la tentative de soulèvement républicain, aussitôt écrasé, organisé par Theodor Schuster, Hermann von Rauschenplatt, etc. Il se réfugia à Bruxelles où il fréquenta Louis De Potter, puis à Paris où il enseigna la philosophie, la psychologie et le droit naturel de 1831 à 1834. Il prit part aux activités du Deutscher Volksverein/Association Patriotique Allemande de 1832 à 1834 ; les documents de police de l’époque et les études postérieures le confondent souvent avec Heinrich Arends de Riga, un ouvrier proche de Wilhelm Weitling->217153. Lors de la création, par des démocrates et des francs-maçons belges, de l’Université libre de Bruxelles à l’automne 1834, il y fut appelé comme professeur de droit. Membre du Parlement de Francfort en 1848, il reprit dès 1850 un poste d’enseignement à l’Université de Graz (Autriche), à partir de 1860 à Leipzig.
Son Cours de droit naturel ou Philosophie du droit, paru en 1838 à Paris et plusieurs fois réédité, fut traduit entre autres en espagnol (1841) et en allemand (1846). Il y qualifia, à la suite des théoriciens et des historiens allemands du droit naturel de la dernière décennie du XVIIIe siècle, Grotius, Pufendorf et leurs disciples de « socialistes » parce que partisans d’un droit « social » et humain et non plus divin. Ahrens lui-même, vigoureusement anti-hégélien, fut le principal représentant de la théorie sociale de Cari Christian Friedrich Krause (1782-1832), un disciple « panthéiste » de Kant, qui développa une forme de socialisme utopique de tendance religieuse voire mystique, visant à l’établissement de l’harmonie totale et universelle. Parmi les socialistes français, Pierre Leroux fut suffisamment marqué par Ahrens et Krause pour annoncer son intention de traduire l’œuvre de ce dernier, bien qu’il ignorât l’allemand. Cependant, cette tendance du socialisme se développera particulièrement en Espagne à partir des années cinquante et de là en Amérique du Sud grâce au philosophe madrilène Sanz del Rio (1814-1869) qui vint prendre contact avec Ahrens à Bruxelles en 1843.
Par Jacques Grandjonc
SOURCES : L. Vanderkindere, 1834-1884. L’Université de Bruxelles, Bruxelles, 1884. — H. Wouters, Documenten betreffende de gescfiiedenis der Arbeidersbeweging (1831-1853), 2 vol., Louvain, Paris, 1963. — W. Schieder, Anfänge derdeutschen Arbeiterbewegung, Stuttgart, 1963 ; « Sozialismus », in Geschichtliche Grundbegriffe, éd. par O. Brunner, vol. 5, Stuttgart, 1984. — G. Klaus, M. Buhr, Philosophisches Wörterbuch, Leipzig, 1970, article « Krausismus ». — J. Grandjonc, « Les rapports des socialistes et néo-hégéliens allemands de l’émigration avec les socialistes français 1840-1847 », in Aspects des relations franco-allemandes 1830-1848, Metz, 1979.