BAUER Bruno

Par Jacques Droz

Né le 6 septembre 1809 à Eisenberg (Thuringe), mort le 13 avril 1882 à Bixdorf (Berlin) ; philosophe radical, chef du groupe des Jeunes hégéliens.

Fils d’un peintre sur porcelaine, Bruno Bauer étudia la théologie à Berlin, où il devint disciple de Hegel. Nommé Privatdozent (maître de conférences) à l’Université, il se lia avec [Marx- 216465] dans le Doktorclub, mais partit en 1839 pour Bonn, dans l’espoir d’y être nommé professeur. Dans son œuvre de théologien, Kritik der Geschichte der Offenbarung (Critique de l’histoire des révélations, 1838) ; Kritik der evangelischen Geschichte des Johannes (Critique de l’Évangile selon Saint-Jean, 1840) il avait représenté les Évangiles comme un simple moment de la conscience universelle et, en élargissant cette thèse en doctrine générale, soutenu que la tâche qui s’imposait maintenant à la critique, instrument essentiel du progrès de l’humanité, était de libérer l’homme de la religion chrétienne. Il ne visait d’ailleurs qu’une libération intellectuelle, qui seule avait à ses yeux une valeur réelle et, curieusement, il comptait à l’origine sur l’État prussien, attaché aux valeurs rationnelles, pour défendre contre l’Église les droits de la critique. Bauer perdit ses illusions quand il fut révoqué de l’Université de Bonn et dut se replier en 1842 sur Berlin où, à la tête du groupe des Affranchis (Freien), il entreprit une lutte acharnée contre l’État monarchique, tandis que son frère Edgar (1820-1886) condamnait, dans son livre Die liberalen Bestrebungen in Deutschland (Les tendances libérales en Allemagne, 1843), l’État constitutionnel et la pratique du « juste milieu ». Cette orientation devait provoquer au sein de la Rheinische Zeitung à laquelle les Affranchis s’étaient intéressés, une première divergence avec Marx, qui jugeait dangereuse une rupture avec la bourgeoisie et qui estimait nécessaire de ménager la censure. Les choses s’aggravèrent lorsqu’à la fin de l’année 1843, au lieu de collaborer avec Arnold Ruge et Marx aux Annales franco-prussiennes comme il l’avait promis, il publia à Berlin la revue Allgemeine Literaturzeitung. Il s’y attaqua aux options politiques de la bourgeoisie, fussent-elles libérales ou socialistes, parce qu’elles avaient mis leur confiance dans les « masses » incapables de comprendre les idées qui constituaient la substance de l’histoire ; le salut résidait, selon lui, dans le retour à la « critique pure », à la critique « critique », « libre et humaine » dans le domaine de laquelle il était possible à l’esprit d’exercer sa puissance souveraine et d’organiser le cours des choses : thèse à laquelle Marx et Engels répondirent dans La Sainte Famille, où ils n’eurent pas de peine à démontrer qu’une pensée ne devient efficace qu’en pénétrant la masse pour guider son action. Le succès de Bauer ne fut que très limité ; il ne convainquit même pas tous les Freien. Quant au monde ouvrier, il ne l’atteignit qu’occasionnellement, comme le maître relieur Cari Reichardt, auteur d’un ouvrage agressif contre la bourgeoisie allemande, d’orientation monarchiste. Bauer lui-même évolua vers la réaction : inactif au cours de la révolution de 1848, dans l’échec de laquelle il vit la confirmation de sa théorie de la « masse », il devint le collaborateur de la Kreuzzeitung (Gazette de la Croix). Plus tard il continua son œuvre critique en matière religieuse, tout en envoyant des articles politiques aux revues conservatrices et en collaborant activement avec Hermann Wagener. En 1866, il adhéra au parti national-libéral.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article215948, notice BAUER Bruno par Jacques Droz, version mise en ligne le 23 juin 2020, dernière modification le 28 avril 2020.

Par Jacques Droz

ŒUVRE : Outre les ouvrages cités dans le texte : E. Barnikol, B. Bauer : Studien und Materialien, Aus dem Nachlass ausgewählt und zusammengesetzt von P. Reimer und H.M. Sass, Bonn, Bad Godesberg, Assen, 1972. — Die Posaune des Jüngsten Gerichts über Hegel, den Atheisten und Antichristen, 1983 (reprod. de Ted. de 1841, parue sans nom d’auteur).

SOURCES : A. Cornu, Karl Marx et Friedrich Engels, 4 vol., Paris, 1955-1970, — D. Hertz-Eichenrode, Der Junghegelianer Bruno Bauer im Vormärz, Berlin, 1959. — W.J. Brazill, The Young Hegelians, New Haven, 1970. — Z. Rosen, Bruno Bauer and Karl Marx. The influence of Bruno Bauer on Marx’s Thought, La Haye, 1977. — H. Mah, The End of philosophy, the origin of « ideology » : Karl Marx and the crisis of the young Hegelians, Londres, 1987. — BLDG, op. cit.

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