BECKER August

Par Jacques Grandjonc

Né en 1814 à Hochweisel (Hesse), mort à Cincinnati (Ohio) ; premier permanent ouvrier allemand ; journaliste communiste, puis démocrate.

Élevé à Biedenkopf en Haute-Hesse où son père avait été muté comme pasteur en 1817, August Becker était étudiant en théologie à Giessen au début des armées 1830. Il faisait partie de l’entourage du « recteur » Weidig, chef reconnu des opposants hessois, puis se lia d’amitié avec Georg Büchner, sans doute à l’automne 1833. Becker fut l’un des premiers membres et des principaux propagandistes de la Société des droits de l’homme, néo-babouviste, fondée par Büchner à Giessen au printemps 1834, pour laquelle il diffusait Der hessische Landbote (Le messager de campagne hessois). Arrêté début avril 1835 pour conspiration, il fut mis au secret, torturé et condamné à neuf ans de forteresse sévère. Libéré en février 1839 lors d’une amnistie dans le Grand-duché, il quitta l’Allemagne à l’automne pour la Suisse, Genève d’abord, puis Lausanne où il s’intégra aux associations ouvrières qui se fondaient alors parmi les artisans et les ouvriers allemands de l’étranger.
Il devint ainsi, de l’automne 1839 à l’été 1845, une sorte d’instituteur et de permanent politico-syndical de l’Association ouvrière allemande de la place Saint-Pierre à Lausanne, où il fît en novembre 1841 la connaissance de Weitling, dont il embrassa le communisme et soutint l’effort de propagande dans les revues de ce dernier, Der Hülferuf der deutschen Jugend (Le cri au secours de la jeunesse allemande) et Die junge Generation (La jeune génération), de 1841 à 1843. Il diffusait, contre l’athéisme néo-hégélien et anti-communiste de la Jeune Allemagne, les théories de Weitling, en particulier dans une brochure intitulée Die Volksphilosophie unserer Tage (La philosophie populaire de nos jours), parue en 1843. Il collaborait aussi à divers périodiques de l’opposition allemande, le Telegraph für Deutschland de Gutzkow à Hambourg, la Rheinische Zeitung de Cologne, la Mannheimer Abendzeitung que rédigea un certain temps Karl Grün puis Carl L. Bernays, le Vorwärts ! de Heinrich Börnstein à Paris, etc.
Après l’arrestation de Weitling à Zurich début juin 1843, Becker fut amené, avec Simon Schmidt, à le remplacer dans le rôle d’organisateur et de propagandiste de la Ligue des justes en Suisse. Il manquait malheureusement aux deux hommes les dons de théoricien de Weitling tandis que l’importance de la Ligue se déplaçait de la Suisse vers Paris et Londres. Ainsi Becker s’enthousiasma-t-il en 1844 pour le « prophète » Georg Kuhlmann, qui joignait à son communisme mystique l’activité plus lucrative d’agent infiltré à la solde du Bureau central d’information de Metternich à Mayence. Becker publia encore à Lausanne, d’avril à septembre 1845, une feuille périodique, Die fröhliche Botschaft von der religiösen und sozialen Bewegung (La bonne nouvelle du mouvement religieux et social) dont le titre dit assez la tendance de communisme religieux, avant d’être expulsé du canton de Vaud. Il poursuivit son travail de propagandiste en devenant rédacteur, à Zurich puis à Bâle, du journal de l’Association de secours mutuel des ouvriers allemands et suisses de Zurich, l’Allgemeines Noth- und Hülfsbîatt (Feuille générale de secours et d’entraide). Indésirable dans les principaux cantons suisses, il se rendit en Alsace en août 1846 et y séjourna dix-huit mois, jusqu’ à ce que la révolution de mars 1848 le ramène à Giessen où il fonda dès le 23 mars, entre autres avec deux frères cadets de Georg Büchner, Louis et Alexandre, une Association républicaine en vue de l’établissement de la « République démocratique et sociale », selon le modèle préconisé en France par Louis Blanc. Il fonda aussitôt dans ce but, avec Alexandre Büchner, un journal, Der jüngste Tag (Le jour du jugement dernier), qui devint Wehr dich ! (Défends-toi !) en 1849. Becker, élu au Parlement hessois, n’en fut pas moins en butte pendant ces deux années aux poursuites et emprisonnements que lui valut son activité journalistique et révolutionnaire. Même si l’ensemble s’acheva fin janvier 1850 par un non-lieu, la réaction l’avait emporté et après diverses tentatives journalistiques, Becker émigra définitivement aux États-Unis en 1852.
Désormais et jusqu’à la fin de ses jours Becker vécut en journaliste engagé, mais apparemment sans plus de lien avec le mouvement ouvrier. Après un bref séjour à Staten Island près de New York, il s’établit en 1853 comme rédacteur du Baltimore Wecker (Réveil de Baltimore) auquel il imprima une tendance anti-esclavagiste marquée et qu’il dirigea encore quelque temps après la guerre de Sécession. En 1857, il prit la rédaction du Cincinnati Republikaner, puis édita en 1859 Der Hochwächter (La sentinelle) avec un autre quarante-huitard, Cari Christian Otto, dit Otto Reventlow. L’année suivante, il fut rédacteur de l’Abend-Zeitung avec son cousin Godfried Becker, puis du New Yorker Demokrat. En 1861, pour effectuer un travail de journaliste anti-esclavagiste militant et rémunéré, Becker, en esprit pratique, se fit engager comme aumônier du 7e régiment new-yorkais et fournit à ce titre des reportages aux Westliche Blätter de Cincinnati où, après deux brefs séjours à Washington et Baltimore, il fut de retour en 1865 et travailla jusqu’au début de 1871 successivement au Cincinnati Volksblatt (Feuille populaire de Cincinnati) et au Cincinnati Courier. Il était resté en relation avec un des acteurs républicains en vue des soulèvements de 1848, Friedrich Hecker, établi dans l’Illinois. Une activité’ de saltimbanque ou d’acrobate de cirque aux États-Unis, qu’on lui prête parfois, est à mettre au rang des légendes.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article215953, notice BECKER August par Jacques Grandjonc, version mise en ligne le 23 juin 2020, dernière modification le 1er août 2019.

Par Jacques Grandjonc

SOURCES : « August Becker », in Der deutsche Pionier, Cincinnati, vol. 3, no. 61, p. 290- 294. — G.M. Bravo, « II comunismo tedesco in Svizzera : August Becker 1843-1846 », in Annali, Milano, vol. 6,1964 ; « Auguste Becker », in Les socialistes avant Marx, vol. 3, Paris, 1970 ; « August Becker am Vorabend der Revolution (August 1846 bis Ende 1847) », in International Review of Social History, vol. 26, Amsterdam, 1981 ; « Die Revolution in Hessen. August Becker 1848/49 », in Jahrbuch für Geschichte, vol. 33, Berlin-RDA, 1986. — H.J. Ruckhäberle, Bildung und Organisation in den deutschen Handwerksgesellen- und Arbeitervereinen in der Schweiz, Tübingen, 1983. — W. Kowalski, Zeitschriften aus der Frühzeit der deutschen Arbeiterbewegung (1834-1847), Berlin-RDA, 1967. — R.E. Cazden, A Sociat History of the German Book Trade in America to the Civil War, Columbia S.C., 1984. — Lexikon, op. cit. — Voir également les indications bibliographiques à Georg Büchner, F.L. Weidig et Wilhelm Weitling.

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