BERNAYS Lazarus, puis Carl, Ludwig (Charles-Louis en France et aux États-Unis)

Par Jacques Grandjonc

Né le 16 novembre 1815 à Mayence, mort le 22 juin 1879 à Saint-Louis (Missouri) ; journaliste.

Fils d’un commerçant israélite, baptisé avec le reste de la famille, alors qu’il avait dix ans, sous les prénoms de Carl Ludwig, le jeune Bernays fit des études de droit à Munich, Heidelberg et Göttingen. Après deux ans de stage comme avocat à Frankenthal, il abandonna le barreau pour le journalisme en 1840, année où il entra en contact avec les socialistes français (V. Considérant) lors d’une assemblée fouriériste à Strasbourg. Il devint rapidement l’un des journalistes les plus doués et les plus mordants du Vormärz : en 1842, il collabora à la Rheinische Zeitung dont Marx était rédacteur politique, il dirigea un temps, à la suite de Karl Grün, en 1842-1843, la Mannheimer Abendzeitung puis, écœuré des conditions d’exercice du métier de journaliste sous le régime de la censure, il s’exila à Paris, comme Arnold Rüge, K. Marx et (provisoirement) Moses Hess, à l’automne 1843. Il collabora aux Deutsch-französische Jahrbücher (Annales franco-allemandes) publiés par Marx et Ruge en février 1844 à Paris. Lui revient dans cet unique numéro double une analyse critique de l’Acte final secret de la conférence interministérielle tenue à Vienne du 13 janvier au 12 juin 1834, qui mettait les États prétendus souverains de la Confédération germanique en situation permanente de coup d’État, au profit de la politique de Sainte-Alliance pratiquée par l’Autriche et la Prusse. L’article était signé Ferdinand Cœlestin Bernays, qui joignait au goût de la satire celui de la mystification. Peu de temps après, il entra, à la suite de Heine, à la rédaction du Vorwärts ! de Heinrich Börnstein, dont il prit la direction à partir de fin juin. La transformation du journal fut radicale, les collaborateurs s’appelant désormais H. Heine, F. Mäurer, A. Becker, H. Ewerbeck, K. Marx, F. Engels, M. Hess, A. Ruge, K. Schapper, G. Weber, W. Weitling, etc. Au bureau de la rédaction logea même Bakounine. Le journal représentait alors le courant dit « humaniste », c’est-à-dire socialiste et communiste, allemand naissant. Il s’ensuivit une campagne de presse orchestrée par Ad. von Bornstedt pour le compte de la légation de Prusse à Paris, qui demanda la condamnation et l’expulsion des collaborateurs du Vorwärts ! Bemays fut condamné en police correctionnelle le 13 décembre 1844 à deux mois de prison et trois cents francs d’amende pour défaut de cautionnement, publication d’un journal politique sans autorisation et apologie du meurtre contre les princes allemands (affaire de la tentative d’assassinat de Frédéric-Guillaume IV par Tschech). Oublié à sa sortie de prison, fin février 1845, Bemays resta en relation avec Marx, Engels, Hess, Ewerbeck et, le moment venu, collabora à la Deutsche- Brüsseler-Zeitung, fondée en 1847 par Ad. von Bornstedt et investie à son tour par les communistes allemands en exil. La même année, parlant de l’œuvre en gestation de Marx et Engels, il annonçait l’apparition d’un « communisme scientifique et sérieux, dépourvu de toute exaltation » (Berliner Zeitungshalle, 30 janvier 1847), tandis qu’il analysait, dans une brochure parue en Suisse, le meurtre de la duchesse de Praslin par le duc comme événement avant-coureur de bouleversements politiques et sociaux en France. La révolution de février 1848 ne le surprit donc guère ; le 20 avril, il fut naturalisé français et aussitôt envoyé comme commissaire extraordinaire de la République à Francfort et à Vienne (avril-octobre). L’on peut suivre son périple, entre autre, grâce à ses articles publiés dans la Deutsche Londoner Zeitung, autre journal de l’émigration. Il quitta Vienne précipitamment, lors de la reconquête de la ville par Windisch-Grätz et l’Europe à la fin décembre 1848 pour les États-Unis. Avec Heinrich Börnstein il publia, de 1850 à 1863, le grand journal de langue allemande de Saint-Louis (Missouri), Der Anzeiger des Westens, qui soutenait la lutte anti-esclavagiste de Lincoln, avec une interruption en 1861-1862 où il vint représenter les États-Unis à Zurich et Helsingor pendant la guerre de Sécession. Il avait participé auparavant à la levée de plus de la moitié des soixante compagnies allemandes engagées dans les forces nordistes.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article215958, notice BERNAYS Lazarus, puis Carl, Ludwig (Charles-Louis en France et aux États-Unis) par Jacques Grandjonc, version mise en ligne le 23 juin 2020, dernière modification le 1er août 2019.

Par Jacques Grandjonc

SOURCES : Article insuffisant et inexact dans Neue Deutsche Biographie. — J. Grandjonc, Marx et les communistes allemands à Paris. Vorwärts 1844, Paris, 1974 ; « Du Vorwärts à Lutezia : à propos des rapports entre Heine, Marx et Bernays en 1844 et 1848 », in Heinrich Heine. 1797-1856 (Schriften aus dem Karl-Marx-Haus 26), Trêves, 1981. — H. Hirsch, « K.L. Bernays. Heines Kampfgefährte aus den vierziger Jahren », in Heine-Jahrbuch, Hambourg, 1974 ; « K.L. Bernays : ein emigrierter demokratischer Schriftsteller als US-Konsul in der Schweiz », in Jahrbuch des Instituts für deutsche Geschichte, Tel Aviv, 1975 ; Karl Ludwig Bemays und die Re oolutionserwartung vor 1848, dargestellt am Mordfall Praslin (Schriften aus dem Karl-Marx-Haus 17), Trêves, 1976. — H. Pelger, « Das Schlussprotokoll der Wiener Ministerialkonferenzen von 1834 und seine Veröffentlichungen 1843-1848 », in Archiv für Sozialgeschichte, vol. XXIII, Bonn, 1983. — B. Andréas, J. Grandjonc, H. Pelger, Deutsche-Brüsseler- Zeitung. 1. Januar 1847-27. Februar 1848, Beiheft, Bruxelles, 1981.

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