BRANDLER Heinrich

Par Pierre Broué

Né le 3 juillet 1881 à Warnsdori (Bohême du Nord), mort le 26 septembre 1967 à Hambourg ; dirigeant communiste et oppositionnel.

Né dans l’empire austro-hongrois, d’un père maçon militant socialiste au temps des lois antisocialistes, Heinrich Brandler apprit le métier de maçon et devint carreleur. Il commença à travailler à l’âge de quatorze ans, mais consacra beaucoup de temps à étudier, tout seul, en véritable autodidacte, dans les institutions ouvrières de formation auxquelles il allait consacrer, dans ses premières années de vie active, la majeure partie de ses loisirs. Syndiqué en 1900, il quitta son pays à la suite de difficultés avec les employeurs et il commença à travailler en itinérant. En 1901, il était à Hambourg où il adhéra au SPD puis travailla, de 1904 à 1909, à Brême où il se situa dans l’aile extrême-gauche du parti. Il militait dans les Jeunesses, se lia à Liebknecht, se heurta, dans la commission des jeunes du congrès de Nuremberg en 1908, à Ebert et Legien. En 1909, il se rendit en Suisse où il vécut presque cinq ans, travaillant pendant l’été, se consacrant toujours à des tâches de formation pendant l’hiver. Il revint en Allemagne en 1914, appelé à Chemnitz par Friedrich Heckert. En décembre de cette année, il prit paît à sa première réunion du noyau autour de Liebknecht, Rosa Luxemburg, Mehring et devint un pilier du groupe Internationale, puis Spartakus. Dirigeant du syndicat des travailleurs de la construction à Chemnitz, il était un militant ouvrier connu et aimé qui étendait l’influence de Spartakus dans la région. Exclu du SPD pour avoir défendu Liebknecht, il fut expulsé d’Allemagne en Autriche en octobre 1918, mais put, peu de temps après, obtenir là nationalité allemande en servant comme sous-secrétaire d’État dans le gouvernement Eisner.
Il revint alors à Chemnitz où il fonda Der Kämpfer et continua, même après sa cooptation à la Centrale, la construction du bastion du parti. Au moment du putsch de Kapp, il fut le président du conseil des ouvriers et soldats de Chemnitz qui opposa une résistance déterminée aux putschistes. Désigné comme coprésident du parti en février 1921, après la démission de Paul Levi, il eut à endosser la responsabilité de l’« action de mars » sous la forme d’un procès en haute trahison et fut condamné, le 6 juin 1921, à cinq ans de forteresse. Enfermé à Gollnow, il s’évada en novembre et réussit à rejoindre l’Union soviétique. Il y fut secrétaire général adjoint du Comité exécutif de l’Internationale syndicale rouge. Puis il travailla quelque temps dans le Parti communiste de Tchécoslovaquie avant de revenir, amnistié, en Allemagne en septembre 1922. Secrétaire du bureau politique, il redevint président du KPD au congrès de Leipzig en 1923. Il y développa une politique toute de prudence de « conquête des masses », lorsque, convoqué à Moscou après la grève qui fit tomber le gouvernement Cuno, il découvrit que la révolution allemande était à l’ordre du jour. Il joua le jeu, participant aux préparatifs techniques, sous l’autorité de Trotsky dont il demanda vainement l’envoi en Allemagne pour diriger l’insurrection d’Octobre.
Du 10 au 29 octobre, il dirigea la chancellerie du « gouvernement ouvrier » présidé par le docteur Zeigner dans le Land de Saxe. A la conférence de Chemnitz, il ne réussit pas à convaincre les sociaux-démocrates de gauche à s’engager dans l’appel à la grève générale et dut donc se résigner à décommander l’insurrection d’Octobre. Il devint le bouc émissaire de la défaite allemande et fut relevé de ses fonctions à la tête du KPD par le Comité central en février 1924. E fut littéralement écrasé au IXe congrès, refusa d’enfreindre la discipline internationale et accepta de s’exiler à Moscou où il travailla à la Direction des coopératives, puis au Conseil économique. Partiellement réhabilité en 1926, il fut nommé second vice-président de l’Internationale paysanne. Il revint en Allemagne de sa propre initiative en octobre 1928, après le début de l’affaire Wittorf et y reprit la tête de l’Opposition de droite. Il fut exclu en janvier 1929 du PCUS — auquel il appartenait depuis 1924 — et de l’IC. Il organisa alors sa propre tendance sur le plan national, avec la KPO fondée en décembre 1929 et international, avec l’IVKO fondée en décembre 1930. Il émigra en France en 1933 et poursuivit son activité politique après avoir surmonté une grave crise internationale et s’être solidarisé, au passage, avec l’accusation lors du premier procès de Moscou, Interné en France en 1939 puis libéré, il obtint en 1940 un visa pour Cuba d’où il revint, via l’Angleterre, en Allemagne de l’Ouest en 1949. H anima un groupe dans la tradition de la KPO, qui publiait le périodique Arbeiterpolitik, et vivait à Hambourg.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article215979, notice BRANDLER Heinrich par Pierre Broué, version mise en ligne le 23 juin 2020, dernière modification le 14 février 2020.

Par Pierre Broué

ŒUVRE : Lettres et souvenirs dans H. Weber (éd.), Unabhângige Kommunisten. Der Briefwechsel zwischen Heinrich Brandler und Isaac Deutscher 1949 bis 1967,1981.

SOURCES : Angress, Stiliborn, op. cit. — Broué, Révolution, op. cit. — Fischer, Stalin, op. cit. — Tjaden, KPD-O, op. cit. — Weber, Wandlung, op. cit. — Rœder et Strauss, op. cit. — Lexikon, op. cit.

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