Par Pierre Broué
Né le 25 décembre 1910 à Remscheid, exécuté le 28 décembre 1942 en prison en URSS ; dirigeant trotskyste.
Fils d’un petit entrepreneur de peinture, Heinz Epe fît, après le lycée, des études de droit à Cologne et à Vienne. En novembre 1931, il était membre des étudiants rouges, puis fonda un groupe d’étudiants du SAP. En janvier 1932, il rejoignit à la fois le KPD et l’Opposition de gauche à Remscheid et construisit une organisation de défense ouvrière contre les nazis. Exclu du KPD en octobre 1932 pour ses positions politiques, il fiat en décembre appelé à Berlin par Ackerknecht pour l’aider dans la lutte contre le groupe Well. Coopté à la Reichsleitung de la VLO en janvier 1933, désigné comme responsable du travail en direction du SAPD, ce tout jeune homme fut l’un des premiers à être désigné pour l’émigration, du fait de l’acharnement de la Gestapo à se saisir de lui. Arrivé à Prague à la mi-mars, il y édita les premiers numéros du journal du groupe allemand en exil, Unser Wort et soutint les positions de Trotsky sur la faillite du KPD contre la critique d’Ackerknecht. Fin septembre à Paris, il rendit visite à Trotsky à Saint-Palais et s’établit à Amsterdam où il assura la liaison avec Sneevliet pour la préparation de la conférence des jeunes de février 1934. Membre du bureau de l’organisation des jeunes socialistes révolutionnaires avec Willi Brandt et Kurt Forslund, il se fixa à Oslo en juin 1934. D’abord adversaire du « tournant français », il en assura la victoire dans la section allemande par son retournement. Il rencontra souvent Trotsky, du fait de son domicile norvégien et réussit même à le voir en tant que secrétaire de l’avocat Punitervold. Il participa à la conférence dite de Genève, en juillet 1936 et Trotsky envisagea de le faire venir à Paris puis aux États-Unis pour les tâches internationales. Proche des positions défendues en Amérique par Shachtman, en 1939, il se prononça nettement contre la scission du SWP. Ami de la diplomate américaine Florence Jaffray (Mrs. Harriman), il se lança, avec son aide, dans l’aventure d’un voyage de Norvège aux États-Unis. Naturalisé, titulaire d’un passeport norvégien, il obtint en mars 1941 un visa de transit soviétique et partit de Suède le 17 mai avec sa femme et son fils, après avoir fait une déclaration à publier en cas de disparition. On ignore où il fut pris exactement — sans doute le fut-il à Moscou ou entre Moscou et Odessa —, les soviétiques démentant l’avoir arrêté. On eut pourtant confirmation de sa détention à Saratov par le dirigeant bundiste polonais Henryk Erlich, qui avait partagé sa cellule. Ce n’est qu’en janvier 1956 que les autorités soviétiques informèrent les autorités norvégiennes, qui n’avaient cessé de faire des démarches, que Heinz Epe était mort le 28 décembre 1942, peu après sa femme (31 août) et son jeune fils (4 septembre 1941). On peut imaginer le chantage auquel il avait été soumis.
Par Pierre Broué
SOURCES : IIHS, Amsterdam. — P. Broué, « Quelques collaborateurs de Trotsky », in Cahiers Léon Trotsky, no. 1,1979. — P. Broué, Trotsky, Paris, 1989. — Rœder et Strauss, op. cit. — Informations communiquées par M. Harrison Salisbury.