DAWIDOWICZ Joseph [DAWIDOWICZ Josek, Leib, dit]

Par Lynda Khayat

Né le 5 février 1906 à Szczerców (Pologne), exécuté le 28 décembre 1943 à Bourg-la-Reine (Seine, Hauts-de-Seine) pour trahison ; tailleur à façon ; syndicaliste et militant communiste de la sous-section juive de la MOI du PCF ; résistant, responsable politique du 2e détachement des FTP-MOI, puis à la direction parisienne de ce mouvement.

Né dans une famille juive de Pologne, Joseph Dawidowicz fut contraint, en 1922, de fuir très jeune son pays natal, poursuivi en raison de son activité politique. Il se rendit alors en Allemagne, où il demeura pendant trois ans. Considéré comme un immigré économique, il ne se fit pas, semble-t-il, remarquer pour son militantisme durant cette période. En juin 1925, il gagna la France. Dépourvu de passeport, il déclara son arrivée à la commune de Noyers-Pont-Maugis (Ardennes). Il se fit délivrer une carte d’identité d’étranger et s’installa d’abord à Strasbourg (Bas-Rhin), puis à partir d’avril 1927 à Metz (Moselle), 7 rue Serpenoise, où il exerçait à son domicile et à façon, le métier de tailleur ; il était militant du syndicat local de sa profession.
Secrétaire de la Kultur Liga de Metz, organisation liée à la sous-section juive de la MOE du PCF, Joseph Dawidowicz se livrait à une active propagande communiste en prenant la parole au cours des réunions organisées par cette association, tentant de recruter de nouveaux adhérents. En avril 1930, lors d’une grève des ouvriers tailleurs de la ville, il se montra, semble-t-il, l’un des plus acharnés à recommander l’intransigeance envers les patrons. Il passait une partie de ses journées à chercher et à identifier les briseurs de grèves et se rendait au domicile de ceux ayant cessé le travail pour les encourager à la résistance. Considéré par la police comme un meneur très écouté, pouvant devenir dangereux pour le maintien de l’ordre public, il fut frappé d’une mesure de refoulement, comme tous les adhérents étrangers du syndicat des tailleurs de Metz, du fait de l’orientation jugée « politique » de cette organisation affiliée à la CGTU. Militant communiste étroitement surveillé par la police, en contacts suivis avec les dirigeants du PC de la Moselle, il se rendait très souvent au siège de ce parti. Un arrêté d’expulsion fut pris à son égard, notifié le 21 octobre 1930 ; il demeura cependant en France, autorisé à y résider par voie de sursis de départ bi-mensuels.
Sur instructions du PCF, Joseph Dawidowicz partit pour le territoire de la Sarre, sans que l’on sache quelle fut là-bas la nature exacte de son activité politique. Il y resta jusqu’aux résultats du plébiscite de 1935, puis regagna la France. Arrêté dépourvu de papiers d’identité, il fut condamné, le 6 février de la même année, par le tribunal de Sarreguemines (Moselle) à quinze jours de prison pour infraction à un arrêté d’expulsion. Il se rendit ensuite à Paris, demeura d’abord 5 passage Julien-Lacroix (XXe arr.) et fut pris en charge par le Secours rouge.
En 1937, il reçut un récépissé de demande de carte d’identité d’étranger au titre de « non salarié » à la suite de l’intervention en sa faveur du Secours populaire de France, qui attestait sa qualité de réfugié politique, l’exécution de l’arrêté d’expulsion fut suspendue et un sursis de départ lui fut délivré. Vivant alors 12 rue des Lilas (XIXe arr.) avec Joséphine Jung, giletière travaillant pour un grand magasin parisien, il avait repris son métier de tailleur à façon et son activité syndicale au sein de cette profession. Ainsi, le 23 mars 1937, il fut arrêté au cours d’une manifestation de tailleurs en grève devant les magasins Sigrand, boulevard de Sébastopol (IIIe arr.). Jacques Gresa*, député communiste, intervint en sa faveur, afin qu’il fût relâché. Dépourvu de pièce d’identité et trouvé en infraction à un arrêté d’expulsion, il fut déféré au Parquet, condamné le 25 mars à quatre mois de prison par la XVIIe chambre du Tribunal correctionnel de la Seine et incarcéré à la prison de la Santé. Ayant fait appel, Joseph Dawidowicz fut rejugé devant la Cour de Paris, le 28 mai, et sa condamnation fut portée à deux mois de prison ; il fut libéré après avoir été incarcéré dix semaines. En juillet, il déménagea 9 rue de l’Égalité (XIXe arr.).
Grâce à une intervention de Marcel Cachin*, sénateur communiste, il obtint un sursis de départ de trois mois. À l’expiration de celui-ci, il sollicita, en février 1938, son renouvellement et fit l’objet d’une nouvelle enquête qui révéla qu’il avait hébergé le militant polonais Symcha Fracht, entré clandestinement en France. Son arrêté d’expulsion fut alors remis en vigueur, tandis qu’un mois plus tard, un sursis de départ lui était accordé, grâce à une nouvelle intervention de Marcel Cachin, qui invoqua la qualité de réfugié politique de Joseph Dawidowicz. Le Centre de liaison des comités pour le statut des immigrés et le secrétaire de l’Union des syndicats ouvriers de la région parisienne CGT, Marcel Brenot*, tentèrent sans succès d’obtenir pour lui une autorisation de résider en France. Installé en ménage avec Renée Girard, dactylographe, demeurant 166 avenue de Clichy (XVIIe arr.), il ne semblait plus travailler à l’époque. Le décret-loi Daladier du 2 mai 1938 rendant impossible tout nouveau sursis à exécution de son arrêté d’expulsion, Joseph Dawidowicz, appuyé dans sa démarche par une nouvelle intervention de Marcel Brenot, réclama, en septembre 1938, une mesure d’astreinte à résidence plutôt qu’une nouvelle incarcération et se vit accorder un nouveau sursis de départ en janvier 1939. À partir du mois de mai, il ne répondit plus aux convocations de la police, qui, à plusieurs reprises, à des heures différentes, tenta de l’appréhender à son domicile. Son dernier sursis bi-mensuel venant à expiration en juin 1939, le député communiste Prosper Môquet* intervint en sa faveur, mais sans succès.
Déchu de la nationalité polonaise, de nationalité indéterminée, engagé dans l’armée française pour la durée de la guerre en septembre 1939, il fut affecté au 23e régiment de marche des volontaires étrangers et rejoignit son corps d’armée au camp de la Valbonne (Ain). Monté en ligne le 1er juin 1940, il fut fait prisonnier le 7, aux environs de Soissons. Peu après, libéré, il fut démobilisé à la gendarmerie des Minimes le 31 juin de la même année.
Titulaire d’un récépissé de demande de carte d’identité d’étranger, périmé depuis le 25 avril 1941, il fut convoqué en tant que Juif, le 14 mai, par la police française pour un « examen de situation ». Craignant d’être arrêté, il ne répondit pas à la convocation et quitta son domicile situé alors 5 passage des Fours-à-Chaux (XIXe arr.) pour s’installer tout près avenue Simon-Bolivar. Sollicité par « Czarny » (Édouard Kowalski) pour militer au sein de Solidarité, organisation clandestine de secours liée à la sous-section juive de la MOI du PCF, affecté à un comité du XIXe arr., il visitait ses coreligionnaires afin de réunir des fonds, des vêtements et du ravitaillement, destinés à être distribués, soit aux juifs internés, soit à leur famille dans le besoin.
En juin 1942, il rejoignit les FTP-MOI (matricule 10151, alias « Albert »). Permanent appointé, muni d’une fausse carte d’identité, d’une carte d’alimentation et d’une feuille de démobilisation établies au nom de Lang, il devint le responsable politique du deuxième détachement (« détachement juif »). Le 29 avril 1943, Joseph Dawidowicz fut repéré par la police au cours d’un rendez-vous avec Mayer List (responsable militaire du détachement) qui avait été pris en filature par la brigade spéciale. Se sentant l’objet d’une surveillance, il quitta son domicile de l’avenue Simon Bolivar, début juin, pour louer, en meublé, une chambre, 27 rue Auguste Blanqui à Choisy-le-Roi et une autre avec cuisine, 2 rue Lafontaine, à Clamart, alors qu’il venait de remplacer Boris Milev comme commissaire politique et trésorier au sein du triangle de direction des FTP-MOI parisiens. En août, il proposa à la place de Boris Holban, démis de ses fonctions de responsable militaire, Missak Manouchian. Joseph Dawidowicz fut remarqué à nouveau par la police, le 18 octobre, au cours de la surveillance établie contre Joseph Boczor, chef du détachement des dérailleurs ; pris en filature, il conduisit les inspecteurs de la brigade spéciale jusqu’à son domicile clandestin à Clamart. Le 26 octobre 1943, il se rendit en train à Conflans-Sainte-Honorine où il avait un rendez-vous, notamment au cours duquel des cartes d’alimentation et de l’argent devaient lui être remis. Sur place, il aurait, semble-t-il, remarqué qu’un agent les surveillait. Les inspecteurs de la brigade spéciale décidèrent alors de procéder à son interpellation au moment où il s’apprêtait à reprendre le train, craignant qu’il ne leur échappât à nouveau. Il fut emmené au service des brigades spéciales, pour interrogatoire. La perquisition, effectuée 27 rue Auguste Blanqui à Choisy-le-Roi, amena notamment la découverte de tracts, de listes d’effectifs, d’un état numérique, de comptes rendus d’activité des divers détachements, d’un rapport financier, d’ordres du jour des FTP, de notes adressées aux Comités militaires régionaux, aux Comités militaires inter-régionaux et aux Commandants de subdivisions, qui établissaient clairement l’importance de ses responsabilités dans l’organisation clandestine. Il indiqua alors, au cours de son interrogatoire, sa fonction exacte au sein du triangle de direction. Les inspecteurs de la brigade spéciale continuèrent les surveillances et les filatures des militants de la MOI et procédèrent au total à l’arrestation de 67 d’entre eux, laissant exsangue à la mi-novembre 1943 les FTP-MOI parisiens. Joseph Dawidowicz et ses camarades furent inculpés dans cette affaire de détention d’armes, d’assassinats et de tentatives d’assassinats, d’associations de malfaiteurs et d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939, conduits au dépôt à la disposition des autorités occupantes, puis transférés au quartier allemand de la prison de Fresnes.
Début décembre, Joseph Dawidowicz qui se serait, selon ses dires, échappé au cours d’un transfert à Paris, se réfugia passage des Fours-à-Chaux (XIXe arr.). Une information de source policière parvenue à la direction de la MOI précisant que l’un des résistants arrêtés avait parlé, les circonstances de son évasion paraissant suspectes, la direction de la MOI décida de le convoquer à une rencontre dirigée par Boris Holban, assisté d’Alfredo Terragni alias Secondo, l’un des seuls responsables des FTP-MOI parisiens rescapé de la vague d’arrestations de novembre, et d’une équipe de quatre combattants de province. Par Cristina Boïco, chef du service de renseignements, il fut conduit dans un pavillon de Bourg-la-Reine (Seine, Hauts-de-Seine), le soir du 28 décembre 1943. Après avoir été interrogé pendant plusieurs heures, Joseph Dawidowicz fut exécuté. En pleine nuit, durant le couvre-feu, son corps fut abandonné sur un terrain vague.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article21626, notice DAWIDOWICZ Joseph [DAWIDOWICZ Josek, Leib, dit] par Lynda Khayat, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 6 février 2022.

Par Lynda Khayat

SOURCES : Arch. Nat. Dir. de la Sûr. Nat. 19940440 art. 56 dos. 4726 Davidovitch Joseph, art. 64 dos. 5283 Dawidowicz Joseph ; 19940508 art. 621 Fich. centr. de la Sûr. nat. — Arch. PPo. BS 2 GB 93 Aff. Manouchian, GB 137 Aff. Dawidowitz (novembre 1943). — L’Humanité d’Alsace et de Lorraine, 1er nov. 1930. — Boris Holban, Testament, Calmann-Lévy, 1989, p. 195-206. — Adam Rayski, Nos illusions perdues, Ed. Balland, 1985. — Annette Wieviorka, Ils étaient juifs, résistants, communistes, Denoël, 1986. — Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Raski, Le Sang de l’étranger, Éd. Fayard, 1989.

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