Par Jacques Droz
Né le 25 septembre 1896 à Langstrobnitz (Bohème), mort le 27 novembre 1966 à Wiesbaden, victime d’un accident de voiture ; homme politique social-démocrate.
Fils de maçon, maçon lui-même en apprentissage à Vienne, militant syndicaliste, Wenzel Jaksch entra de bonne heure dans le Parti social-démocrate allemand de Tchécoslovaquie (DSAP) dont il dirigea l’organe central Der Sozialdemokrat et qui le fit élire, de 1929 à 1938, à l’Assemblée nationale tchécoslovaque. A ce titre, il rendit de grands services à la SOPADE, lorsque celle-ci se réunit à Prague en 1933. H adopta une attitude d’hostilité au marxisme, auquel il opposa dans son livre Volk und Arbeiter (1936), inspiré par Otto Strasser, un socialisme d’orientation völkisch, qui s’adressait surtout aux classes moyennes et à la paysannerie et qui s’inspirait du culte de la communauté populaire et d’une éthique du travail proche de celle du national-socialisme (Volkssozialismus). Bien qu’il affirmât son loyalisme à l’égard de l’État tchécoslovaque, Jaksch avait constitué avec son ami, le sociologue Emil Franzel, un groupe de « jeunes activistes » sudètes, blâmant Beneg pour avoir contribué au démembrement de la monarchie des Habsbourg et souhaitait que la Bohème allemande fût reconnue comme « second État populaire » parla Tchécoslovaquie, au sein d’une Europe centrale organisée sur une base fédérale (Donauföderation). Les conversations qu’il eut avec l’un des membres du parti de Henlein, l’historieri Paul Pfîtzner, montrent à quel point il avait pris ses distances à l’égard de l’État tchécoslovaque, auquel il reprochait de retarder la solution du problème national.
Ayant cessé toute activité après Munich, il fut obligé, lors de l’entrée des troupes allemandes à Prague, de demander asile à l’ambassade de la Grande-Bretagne, puis d’émigrer à Londres où il se trouva à la tête de la Treugemeinschaft sudetendeutscher Sozialdemokraten (Association de fidélité des sociaux-démocrates sudètes-allemands, TG), délégation à l’étranger de la DSAP. Dans son livre Was kommt nach Hitler ? (Qu’y aura-t-il après Hitler ?), qu’il publia à Londres en 1939, il répétait son exigence de voir la Tchécoslovaquie reconstituée sur la base de l’autonomie de la nationalité allemande, dans le cadre d’une Europe fédérale. Pendant les discussions qu’il eut pendant la guerre avec le gouvernement de Prague en exil, il s’en tint au caractère immuable des divisions territoriales créées à Munich, ce qui rendit tout accord impossible. A la fin de la guerre, avec des éléments non-socialistes, il mit sur pied comme instrument de pression le Democratic Sudeten Committee et tenta d’organiser contre Hitler un soulèvement des Allemands de Bohème qui se heurta à la surveillance de la Gestapo et à l’indifférence de la population. Malgré de nombreux appels à l’opinion, il ne put empêcher que soixante-dix mille sociaux-démocrates de langue allemande fussent expatriés de leur patrie après la fin des hostilités. Lui-même, de nationalité allemande depuis Munich, se vit interdire par les Alliés le retour en Allemagne. Ce ne fut qu’en 1949 qu’il put s’établir à Wiesbaden, d’où il se consacra à l’installation des populations sudètes dans le Land de Hesse. Dans son livre Europas Weg nach Potsdam (1948), il avait repris ses attaques contre la politique de Benes qui avait, selon lui, conduit l’Europe centrale à sa guise. Il ne put dissiper chez certains sociaux-démocrates la méfiance que suscitaient ses compromis avec les milieux proches du national-socialisme. Il entra pourtant dans le Parteivorstand du SPD en 1950, fut élu au Bundestag en 1957, prit la vice-présidence puis la présidence du Bund der Vertriebenen (BdV) en 1964, ce qui lui conféra une position considérable parmi les expulsés et amena Willy Brandt à l’introduire dans son groupe politique.
Par Jacques Droz
ŒUVRE : Outre les ouvrages cités : England and the last free Germans, 1941. — Sozialistische Môglichkeiten in unserer Zeit, 1944. — Hans Vogel : Gedenkblätter, 1946. — Benesch war gewamt, 1949.
SOURCES : E. Jauernig, Sozialdemokratie und Revanchismus. Zur Geschichte und Potitik Wenzel Jakschs und der Seliger-Gemeinde, Berlin, 1968. — M.K. Bachstein, Wenzel Jaksch und die Sudetendeutsche Sozialdemokratie, Munich, Vienne, 1974. — F. Prinz, BeneS, Jaksch und die Sudetendeutschen, Munich, 1975. — H. Bodensieck, « Jaksch’ Exil aus ein andersetzung mit Benes », in Zeitschrift für Ostforschung, 25,1976. — Rœder et Strauss, op. cit.