KAISER Jakob

Par Jacques Droz

Né le 8 février 1888 à Hammelburg (Franconie), mort le 7 mai 1961 à Berlin-Ouest ; syndicaliste chrétien et militant antinazi.

Après des études de relieur, Jakob Kaiser s’établit à Nuremberg où il joua un rôle important parmi les associations de compagnonnages créées par Kolping* ; il devint en 1912 secrétaire du cartel colonais des syndicats chrétiens. De 1918 à 1920, il soutint la politique de Stegerwald* et de Brauns* en faveur de la création d’un parti et de syndicats interconfessionnels qu’il chercha à faire prévaloir auprès du Vorsîand des syndicats chrétiens et de la direction politique du Zentrum.
Après la prise du pouvoir par Hitler, auquel il refusa de voter au Reichstag les pleins pouvoirs, Kaiser s’engagea dans la Résistance catholique, dont le centre principal était le Keiteler-Haus de Cologne et à laquelle appartenaient de nombreux leaders des Arbeitervereine de l’Allemagne de l’Ouest, tels Josef Joos* et Samuel Gross, directeur de la Ketteîer-Wacht, ainsi que le syndicaliste Bernhard Letter- haus ; mais entre 1936 et 1938, la Gestapo réussit à démanteler tous les réseaux ca­tholiques. Au cours de la guerre, de plus en plus conscient que la division syndicale avait été l’une des causes majeures du succès du nazisme, Kaiser prit contact avec le social-démocrate Leuschner* et avec le nationaliste Max Habermann en vue de la création d’un syndicat unique. Des tentatives en ce sens furent poursuivies au sein des réseaux de résistance auxquels ils collaboraient et mirent Kaiser en étroite relation avec Gœrdeler. Il fut appelé à constituer, en juillet 1944, la dernière liste gouvernementale qui devait, sous Gœrdeler, prendre le pouvoir après le coup d’État. Il put échapper à la répression en se cachant dans une cave àBabelsberg, près de Berlin.
Après la guerre, tout en participant à la création des Freie deuîsche Gewerk- schafîen (FDGB), qui comprenaient des syndicats chrétiens, il s’intéressa particu­lièrement à Berlin à la création d’un Parti chrétien démocratique (CDU), que l’ad­ministration soviétique (Sowjetische Militâradministration, SMA) avait autorisé et dont il pensait qu’il pouvait constituer un pont entre l’Ouest et l’Est, ce qui d’ail­leurs le mit en conflit avec Adenauer. Il pensait organiser également une réunion des chefs des partis allemands comme point de départ d’une représentation de toute l’Allemagne, mais il se heurta sur ce point à Kurt Schumacher* qui ne voulait aucun contact avec les communistes et qu’il ne put convaincre. Mais bientôt Kaiser, en tant que leader du Parti chrétien, se trouva en opposition directe avec l’administration soviétique et les prétentions totalitaires du SED, dont il dénonça le marxisme dogmatique, auquel il opposa un « socialisme d’inspiration chrétienne » qui dépas­serait la lutte des classes. Son refus d’assister au Congrès du peuple allemand pour l’unité et une juste paix (décembre 1947) entraîna son éviction, ainsi que celle de son collègue Ernst Lemmer, ce qui ouvrit la voie à leur adversaire Otto Nuschke. Ayant émigré à l’Ouest, Kaiser prit la direction des commissions sociales du CDU/CSU et se fit élire député d’Essen en 1949.
Ministre des Affaires gesamtdeutsch dans les deux cabinets Adenauer, il n’ap­prouva la politique occidentale de celui-ci que dans la mesure où elle ne bloquait pas les relations avec l’Est et l’espoir de la réunification : c’est en ce sens qu’il in­tervint lors de la signature du Deutschlandvertrag en mai 1952. Il s’opposa égale­ment à Adenauer dans la question sarroise. Toujours préoccupé par les questions so­ciales et partisan de l’unité syndicale, il ne soutint pas, en 1955, la formation sou­haitée par certains milieux catholiques de la Christliche Gewerkschaftsbewegung Deutschlands (CGD) qui ne dépassa pas le chiffre de vingt mille adhérents. Alors qu’il était depuis longtemps en conflit avec Adenauer, une crise cardiaque, fin 1957, le contraignit à cesser son action.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article216365, notice KAISER Jakob par Jacques Droz, version mise en ligne le 23 juin 2020, dernière modification le 30 mars 2020.

Par Jacques Droz

SOURCES : Helga Grebing, Zentrum und katholische Arbeiterschaft 1918-1933, Thèse, Ber­lin, 1953. — W. Conze et alii., Jakob Kaiser, 4 vol., Stuttgart, Berlin, Cologne, Mayence, 1967- 1972. — Art. in Biographiscbes Wörterbuch zur deutschen Geschichte, t. II, Munich, 1974. — T, Mayer (êd.), Jakob Kaiser. Gewerkschafter und Patriot, Cologne, 1988. — C. Hacke, Jakob Kaiser. Wir haben Brückenzu sein, Cologne, 1988. — G. Badia, Histoire de l’Allemagne contemporaine, II, Paris, 1987.

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