Par Jacques Droz
Né le 15 juillet 1886 à Tostedt (Hambourg), mort le 21 octobre 1961 à Belmont (États-Unis) ; philosophe communiste puis oppositionnel, rénovateur du marxisme.
Karl Korsch appartenait à une famille de paysans qui exploitaient un domaine en Prusse orientale, mais son père s’établit à Tostedt, puis à Meiningen (Thuringe), où il devint directeur de banque. Korsch fit ses études au collège de Meiningen, puis dans diverses universités allemandes ou suisses ; celle de Iéna lui fournit une bourse pour Londres, où il termina ses études juridiques et appartint à la Société fabienne. Au retour en Allemagne, il s’exprima avec une telle hostilité contre la guerre qui se profilait à l’horizon qu’il fut rétrogradé du grade de lieutenant de réserve à celui d’adjudant ; pourtant, deux fois grièvement blessé, il termina la guerre comme lieutenant, avec la croix de fer de Ire et 2e classe. En 1919, après son habilitation, il fut nommé Privatdozent à la faculté de droit de Iéna.
Entré en 1917 à l’USPD, il opta lors de sa scission fin 1920 pour le KPD (Parti communiste d’Allemagne), bien qu’il eût formulé des réserves à l’égard des vingt-et-une conditions imposées par le parti dont il devint un brillant journaliste. Nommé professeur à l’Université de Iéna, il entra comme ministre de la Justice dans le cabinet socialo-communiste de la Thuringe, en 1923 ; lors de la réaction qui suivit, il réussit à gagner contre le Land de Thuringe, qui l’avait démis de ses fonctions, un procès qui lui restitua ses titres universitaires. Devenu membre du Reichstag, rédacteur de la revue Die Internationale, il était passé à l’ultra-gauche du Parti communiste aux côtés de Scholem, Katz, Rosenberg et Schwarz, ce qui le plaça en opposition avec le Komintern et entraîna en avril 1926 son exclusion. Il constitua alors avec Schwarz le groupe Kommunistische Politik qui, contre le bureaucratisme soviétique, voulait réhabiliter l’idée de la spontanéité révolutionnaire des masses et la notion de République des conseils et forma à Berlin un cercle politique que fréquentaient Brecht et Döblin. L’entente ne s’étant pas maintenue avec Schwarz, dont la ligne Entschiedene Linke se rapprocha du KAPD, Korsch adopta une attitude de plus en plus antistalinienne, qui lui fit désigner l’Union soviétique comme une « dictature contre le prolétariat », une « dictature des koulaks » ou un « État de classe capitaliste », et alla même au Reichstag jusqu’à s’élever seul contre le traité de commerce germano-russe. A partir de 1928 où il quitta la scène politique, il se consacra à des travaux de philosophie qu’il résuma dans une seconde édition de Marxisme et Philosophie (1930) et où il mit en cause le matérialisme qui inspirait la pensée de Lénine, peu conforme, selon lui, aux besoins du socialisme occidental.
Au début des années 1930, il envoya des articles à la revue La Critique sociale de Boris Souvarine.
En 1933, Korsch émigra au Danemark, puis en Angleterre, puis aux États-Unis où il écrivit ses Thesen über den heutigen Marxismus (Thèses sur le marxisme d’aujourd’hui, 1950), dans lesquelles il dit que vouloir « restaurer la doctrine marxiste comme un tout et dans sa fonction initiale comme théorie de la révolution sociale de la classe ouvrière » serait une « utopie réactionnaire ». Aux États-Unis, il collabora à plusieurs revues marxistes, dont l’International Council correspondence et Living marxism de Paul Mattick.
Il fit deux voyages en Europe après la guerre, en 1950 et en 1956, mais passa les dernières années de sa vie dans un sanatorium américain.
Par Jacques Droz
ŒUVRE : Politische Texte, éd. par E. Gerlach et J. Seifert, s.d. — « Schriften Karl Korschs », in Arbeiterbewegung, Theorie und Geschichte, 1.1,1979. — En français : Karl Marx, 1971. — Marxisme et philosophie, 1972 (avec une présentation bio-bibliographique de Korsch par K. Axelos). — L’Anti-Kautsky (la conception matérialiste de l’histoire), 1973. — La contre-révolution bureaucratique, 1973. — Marxisme et contre-révolution dans la première moitié du XXe siècle (trad. et présentation par S. Bricianer), 1975. — Au cœur de la conception matérialiste de l’histoire, 1979. — Notes sur l’histoire, 2011.
SOURCES : O. Langels, Die ultralinke Opposition der KPD in der Weimarer Republik, Francfort, Berne, New York, Nancy, 1984. — P. Goode, Karl Korsch, a study in Western marxism, Londres, 1979. — R.A. Gorman, « Karl Korsch », in Biographical Dictionary of Neo-Marxism, Greenwood Press, 1985. — Weber, Wandlung, op. cit. — Roeder et Strauss, op. cit. — Lexikon, op. cit. — M. Prat a soutenu en 1989 une thèse d’État : Karl Korsch, de « Marxisme et philosophie » à « Crise du marxisme » 1930-1939.