LEBER Julius

Par Jacques Droz

Né le 16 novembre 1891 à Bliesheim (Alsace), mort le 3 janvier 1945 à Berlin-Plötzensee ; parlementaire social-démocrate antinazi.

Fils de pauvres cultivateurs, ayant pu, grâce à la générosité d’un prêtre de pa­roisse, entrer à l’École technique de Brisach, mais ayant dû subvenir par son travail personnel à ses études universitaires à Fribourg et à Strasbourg, Julius Leber entra en 1913 dans le parti des « compagnons sans patrie », fit la guerre comme volontaire dans l’armée allemande où il fut plusieurs fois blessé, resta dans la Reichswehr après 1918 et participa en Poméranie où son régiment était cantonné, à la répression du putsch de Kapp. Il prit ses grades universitaires à Fribourg et fut envoyé par le SPD à Lübeck où, rédacteur du journal socialiste local, Der Lübecker Volksbote, il conquit la confiance de la classe ouvrière, entra au conseil municipal et fut élu au Reichstag en 1924. Spécialiste des questions militaires, il y eut pour principal ob­jectif de réconcilier la Reichswehr avec la République, en amenant la social-démocratie à abandonner ses positions antimilitaristes et l’Armée son alliance avec les forces réactionnaires ; il fallait, disait-il, que l’Armée sente qu’elle avait les travail­leurs derrière elle ; lui-même adopta dans la question de la construction d’un cui­rassé une position différente de celle de son parti. Il combattit l’orientation prosoviétique de la Reichswehr et fut un adepte enthousiaste de Locamo, qui signifiait une orientation occidentale de la politique allemande. Profondément bouleversé par la chute du cabinet Hermann Müller, il fut l’un des socialistes qui se préoccu­pèrent le plus de la montée du nazisme qu’il combattit dans le Reichsbanner, faisant de Lübeck une place-forte de l’idéologie républicaine où Hitler n’osait s’aventurer.
Brutalisé par des nazis lübeckois dans la nuit du 31 janvier 1933, il fut libéré à la suite d’une manifestation populaire. Réélu au Reichstag, il fut arrêté au moment où il entrait à la Krolloper le 23 mars, placé sous la protection de la police, puis en­fermé après jugement dans la prison de Wolfenbüttel (où il écrivit un mémoire très sévère sur les capitulations de la social-démocratie) et transporté de camp en camp, pour n’être libéré qu’en 1937. Grâce à l’amitié de Dahrendorf, il put monter une affaire de vente de charbon à Berlin-Schöneberg dont le siège, malgré la surveillance dont il était l’objet, devint un centre de résistance au nazisme. Convaincu de bonne heure que la délivrance de l’Allemagne ne pouvait venir que des militaires, il étendit ses relations au-delà des milieux socialistes, rencontrant le général Falkenhausen qui passait pour un adversaire d’Hitler, à son retour de Chine. Par Mierendorff, il entra dans le cercle de Kreisau et, malgré les difficultés qu’il eut à s’en­tendre avec le comte de Moltke, il y prit une place considérable, se liant étroitement avec le comte Schulenburg et Adam Trott zu Solz. Ses relations avec Stauffenberg datent de la fin de l’année 1943 ; il était entendu qu’après l’assassinat d’Hitler, un gouvernement provisoire serait constitué dans lequel Leber serait ministre de l’In­térieur, Il voulut avoir alors le sentiment des communistes, eut des entretiens avec Saefkow et Jacob au cours desquels il fut dénoncé avec Reichwein par un espion de la Gestapo. Pour essayer de le sauver, Stauffenberg déclencha prématurément, le 20 juillet, le mécanisme de la conspiration. Leber fut l’objet d’affreuses tortures, fut menacé à travers sa femme et ses enfants sans que l’on pût l’obliger à parler. Pendu à Plötzensee, il avait écrit quelques jours auparavant à ses amis : « Pour une cause bonne et juste, le sacrifice de sa propre vie est un juste prix. »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article216434, notice LEBER Julius par Jacques Droz, version mise en ligne le 23 juin 2020, dernière modification le 7 avril 2020.

Par Jacques Droz

ŒUVRE : Ein Mann geht seinen Weg, 1952. — Schriften, Reden, Briefe, éd. par Dorothea Beck et W.F. Schœller, 1976.

SOURCES : Anadore Leber, Das Gewissen stehtauf, Berlin, 1954. — G. van Roon, Neuordnung im Widerstand, Munich, 1967. — Dorothea Beck, Julius Leber. Sozialdemokrat zwischen Reform und Widerstand, Berlin, 1983. — K.D. Bracher et alii., « Julius Leber », in Widerstand im Dritten Reich. Probleme, Ereignisse, Gestalten, Francfort, 1984. — Osterroth, op. cit. — Benz et Graml, op. cit.

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