Par Jacques Droz
Né le 18 avril 1896 à Berlin, mort le 31 mars 1977 à Londres (Grande-Bretagne) ; militant social-démocrate antinazi, théoricien du mouvement Neu Beginnen.
Issu d’une famille de commerçants israélites, Walther Löwenheim entra après la guerre dans le groupe Spartakus, puis dans la Freie Sozialistische Jugend, puis au KPD où il suivit la tendance Paul Levi et dont il sortit en 1924 pour entrer au SPD. Dès 1929, il fonda la Leninistische Organisation (LO) qui envisageait un renouvellement complet du mouvement ouvrier allemand : renonçant à la fusion des deux grands partis ouvriers, il se donnait pour objectif de les pénétrer (durchdringen), de s’y faire des partisans et de résoudre ainsi les éléments de discorde. Cette organisation devait être secrète et conspiratrice selon les directives fixées par Lénine dans Que faire ? et soumise à une formation intensive de ses membres, dans le but de constituer une nouvelle élite révolutionnaire. LO se trouva ainsi, après la prise du pouvoir par Hitler, déjà préparé à la lutte clandestine, ce qui n’empêcha pas Löwenheim de prendre des contacts avec l’étranger et de demander la reconnaissance par l’Internationale socialiste. En septembre 1933, sous le pseudonyme de Miles, il envoya à la maison d’édition Graphia de Karlsbad le programme de Neu Beginnen, répandu en Allemagne avec le titre falsifié (Tarnschrift) : Arthur Schopenhauer, über Religion. L’auteur y faisait la critique la plus sévère des deux grands partis qui n’avaient pas su, du fait de leurs divisions, s’opposer à Hitler et organiser une lutte illégale. Ils étaient l’un et l’autre victimes d’une interprétation fausse du marxisme qui leur faisait croire d’une part à la spontanéité révolutionnaire des masses, d’autre part à la victoire inéluctable du socialisme. L’erreur était d’autant plus grave que le national-socialisme, loin d’être, comme ils le pensaient, un événement sans lendemain, était une tendance fondamentale de l’époque et susceptible d’extension à tous les États européens. Tout en ridiculisant la thèse du « mandat » reçu que soutenait la SOPADE et en dénonçant dans le KPD une émanation du Komintern, Löwenheim avait l’espoir de grouper les éléments les plus clairvoyants du monde ouvrier dans une nouvelle Internationale. La « nouvelle gauche » dont Miles était le théoricien, se distinguait de l’« ancienne gauche », celle de Aufhäuser et de Bochel, par son rejet total des idéologies et des pratiques politiques des partis ouvriers.
Grâce à l’appui que lui donna de Prague Karl Frank, Neu Beginnen put remporter quelques succès de propagande ; le groupe échappa un certain temps aux recherches de la Gestapo. Mais la SOPADE ayant coupé à Neu Beginnen son appui financier fin 1934, Löwenheim, devant la résistance qu’il rencontra dans ses propres rangs de Richard Löwenthal et de Werner Peuke qui voulaient poursuivre la résistance en Allemagne même, considéra la réunion des forces marxistes en Allemagne comme impossible et déclara Neu Beginnen dissous, invitant ses membres à adhérer individuellement au Parti socialiste. Lui-même émigra en Tchécoslovaquie, puis en Angleterre où il choisit le métier d’ingénieur sans plus se soucier de politique active, mais gardait autour de lui un groupe de chauds partisans.
Par Jacques Droz
ŒUVRE : Die proletarische Revolution, 1931. — Neu Beginnen ! Faschismus oder Sozialismus als Diskussionsgrundlage der Sozialisten Deutschlands, 1933 (trad. franç. par A.M. Bracke-Desrousseaux : Nouveau départ, 1934) — Socialism’s New Start, 1934. — Miles, Eine Weit im Umbruch. Zur Auseinandersetzung um die Krise unserer Zeit, 1961.
SOURCES : LJ. Edinger, German Exile Politics, Berkeley, Los Angeles, 1956. — K. Kliem, Der sozialistische Widerstand gegen das Dritte Reich, dargestellt an der Gruppe « Neu Beginnen », Diss. Marburg, 1957. — H.J. Reichhardt, Neu Beginnen. Ein Beitrag zur Geschichte des Widerstandes der Arbeiter gegen den Nationalsozialismus, Berlin, 1963. — Rœder et Strauss, op. cit.