MEHRING Franz

Par Irène Petit

Né le 27 février 1846 à Schlawe (Poméranie), mort le 27 janvier 1919 à Berlin ; journaliste et publiciste radical-démocrate, puis libéral, enfin social-démocrate de gauche, théoricien et historien du SPD.

Fils d’un officier prussien, Franz Mehring fut élevé dans une stricte tradition prussienne et protestante. Adolescent, il pensa étudier la théologie mais y renonça pour se consacrer à l’étude de la philologie classique. Étudiant, il fit partie du petit cercle de démocrates bourgeois d’Allemagne du Nord réunis autour de Johann Jacoby et de Guido Weiss ; ce dernier, journaliste à la revue Zukunft, fut son pro­fesseur et l’initia au journalisme. Mehring fut ainsi du petit nombre de gens qui pro­testèrent dans la Zukunft contre l’annexion de l’Alsace-Lorraine par la Prusse en 1870.
Dans la première moitié des années soixante-dix, Mehring fut correspondant auprès du Parlement et correspondant berlinois à la rédaction de la Frankfurter Zeitung. En 1875, il publia dans la Waage une série d’articles contre l’historien officiel de la cour, Treitschke : Herr von Treitschke der Sozialistentöter und die Endziele des Liberalismus (Monsieur Treitschke le tueur de socialistes et les buts finaux du libéralisme). Il mena une campagne acharnée contre la corruption de la presse bourgeoise (entre autres de la Frankfurter Zeitung) mais, déçu par l’absence de soutien de la part de la social-démocratie, il écrivit en 1877 un livre polémique, Die deutsche Sozialdemokratie - ihre Geschichte und ihre Lehre où s’exprimait son amer­tume. Ce livre valut à Mehring d’être nommé, en 1882, docteur en philosophie de l’Université de Leipzig.
La conversion de Mehring au socialisme fut accélérée par la politique antiso­cialiste de Bismarck. Dès 1882, il revendiqua dans des journaux démocrates l’abo­lition des lois d’exception et à partir de 1883, il se fit l’avocat de la social-démocra­tie persécutée dans des journaux tels que la Volkszeitung de Berlin, qui était le jour­nal le plus avancé des journaux bourgeois et dont il devint le rédacteur en chef en 1889.
Il lut les œuvres de Marx et d’Engels et se rapprocha théoriquement et per­sonnellement de la social-démocratie, prenant contact avec Bebel et Wilhelm Liebknecht. Dans la série d’articles Die Hohenzollern und die Reformation, il fit en 1889 profession de foi de matérialisme historique.
Mis à pied de la Volkszeitung en 1890, il entra en 1891 à Die Neue Zeit, l’organe théorique officiel de la social-démocratie dirigé par Kautsky et en devint l’un des collaborateurs les plus réguliers et les plus brillants, spécialisé dans l’his­toire et l’histoire de la littérature. En 1892, il y publia par livraisons sa Lessing-Legende où il retraçait une histoire polémique de l’État prussien. Entre 1892 et 1895, il dirigea l’association Freie Volksbühne à Berlin, à la direction de laquelle il suc­céda à Bruno Wille et qui constituait l’une des premières grandes initiatives en vue d’un théâtre populaire. En 1898, il fit paraître son grand ouvrage Geschichte der deutschen Sozialdemokratie où il se révéla être un très grand historien marxiste. En 1902, il publia trois volumes d’œuvres de jeunesse de Marx et d’Engels, ainsi qu’un volume de correspondance de Lassalle avec Marx.
De 1902 à 1907, Mehring fut rédacteur en chef de la Leipziger Volkszeitung ; le journal devint sous sa direction le meilleur journal socialiste d’Allemagne et fut au centre de la lutte contre le révisionnisme. En 1903, Mehring fut l’objet de vio­lentes attaques des révisionnistes au congrès de Dresde. De 1906 à 1911, il enseigna l’histoire à l’École du parti qui venait d’être créée. Il tirades réflexions de son enseignement dans un livre intitulé Deutsche Geschichte vom Ausgang des Mittelalters, paru en 1910 et réédité un grand nombre de fois.
Il entra en conflit avec la direction du parti à cause d’un article contre un révi­sionniste du Sud de l’Allemagne, Ludwig Frank et aussi parce qu’il attaqua en 1912 les accords secrets conclus par la direction avec le parti du Centre, concernant les ballottages aux élections. Kautsky se soumit à la pression des instances diri­geantes et retira à Mehring toute fonction importante à Die Neue Zeit, notamment celle d’éditorialiste. Mehring se vit contraint, après que les centristes eussent évin­cé Rosa Luxemburg et Karski, de fonder avec ses amis un journal exprimant le point de vue de l’aile gauche du parti, la Sozialistische Korrespondenz qui parut de décembre 1913 à décembre 1914.
Dès le mois d’août 1914, Mehring se retrouva dans le groupe des adversaires de la guerre. En septembre 1914, il publia dans le Vorwärts et la Bremer Bürgerzeitung une protestation contre la falsification, par la social-démocratie officielle, de certaines déclarations d’Engels à propos du tsarisme. En avril 1915, il édita avec Rosa Luxemburg le premier numéro de la revue Die Internationale.
Il prit part à la conférence du groupe Internationale à Berlin, le 1er janvier 1916, conférence au cours de laquelle fut fondé le groupe Spartakus ; Mehring par­ticipa aux activités de ce groupe. Le 15 août 1916, il fut arrêté et placé en « déten­tion militaire » pour quatre mois. En mars 1917, il fut candidat au Landtag pour remplacer Liebknecht incarcéré et il fut élu. Il publia en 1918 sa grande biographie de Marx, Karl Marx. Geschichte seines Lebens (trad. franç., 1983). Il salua la révo­lution russe dès la fin de l’année 1917 dans la Leipziger Volkszeitung et dans le Sozialdemokrat de Stuttgart. Il prit part à la préparation du congrès de fondation du Parti communiste d’Allemagne, mais ne put participer au congrès parce qu’il était déjà gravement malade.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article216470, notice MEHRING Franz par Irène Petit, version mise en ligne le 23 juin 2020, dernière modification le 15 juin 2022.

Par Irène Petit

ŒUVRE : Gesammelte Schriften, éd. par Th. Hohle, Koch, J. Schleifstein, vol. 1-15, Berlin, 1960-1967.

SOURCES : J. Schleifstein, « Préface » à Franz Mehring. Politische Publizistik, Francfort, 1977. — Helga Grebing, Deutsche Historiker, t. IV, 1972. — Monika Kramme, Franz Mehring - Theorie und Alltagsarbeit, Francfort, New York, 1980.

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