Par Jacques Droz
Né le 23 novembre 1906 à Berlin, mort le 4 mai 1975 à New York (États-Unis) ; théoricien du national-bolchevisme.
Issu d’une famille modeste de pêcheurs et de bateliers de La Marche, Karl Paetel put faire, grâce à une bourse (qu’il perdit à la suite d’une manifestation interdite contre le traité de Versailles, à laquelle il prit part) ses études à l’Université de Berlin. Après avoir participé à des mouvements de jeunesse d’inspiration protestante, il appartint au Cercle de travail Junge Front qui comprenait à côté de milieux bündisch et nationalistes des groupes d’extrême-gauche et auquel participa entre autres le professeur Wolfgang Abendroth. Tout en collaborant à diverses revues, notamment Die Kommenden de Emst Jünger et Wemer Lass, il affirma dans Das junge Volk sa volonté d’unir les valeurs völkisch à celles du communisme, ce qui le fît ouvrir ses colonnes aux nationalistes-bolcheviques de Hambourg. Hostile à la fois à Hitler et à Strasser, il créa en 1930 le groupe des Nationalistes social-révolutionnaires (GSRN) dont les quatorze thèmes annonçaient pour l’Allemagne une révolution purement spirituelle, mais reposant sur la révolte de classe de tous les opprimés, la dépossession de toutes les grandes et moyennes entreprises et la création d’une armée populaire révolutionnaire. En 1931, Karl Paetel lança la Sozialistische Nation qui envisagea de mener la lutte « côte à côte » avec le KPD, qui engageait en 1932 à voter pour Thälmann, mais qui demeurait fondamentalement hostile au matérialisme historique : il s’agissait, dans l’esprit de Paetel, de faire servir la force prolétarienne qui était derrière le KPD à faire triompher la révolution nationale reposant sur toutes les forces populaires, contre les exploiteurs nationaux et internationaux ; la nation demeurait pour lui la « valeur absolue ». Il allait faire paraître le Manifeste national-bolchevique où il présenta une liste électorale dirigée par Emst Niekisch et Claus Heim, au moment même où Hitler prit le pouvoir. Emprisonné en novembre 1934, il put s’enfuir à Prague où il écrivit dans Die Weltbühne et dans le Neues Tag-Buch. En octobre 1935, il se rendit en Suède où il publia les Schriften der Jungen Nation, mais d’où il fut exclu à la demande de l’ambassadeur d’Allemagne. On le retrouve à Paris en 1937, prenant des contacts dans les milieux les plus divers, avec Neu Beginnen, avec Münzenberg, avec les groupes bündisch et catholiques, participant à la tentative de Front populaire allemand, écrivant ensuite pour la revue Die Zukunft et Freies Deutschland de Max Sievers. Recherché sur le sol français par la Gestapo, il se rendit avec de faux papiers en 1941 aux États-Unis où, à côté de son activité sociale pour les étudiants et les artistes émigrés et une large collaboration aux journaux des deux Amérique, il soutint le Council for a Democratic Germany (CDG) de Paul Tillich. Il s’établit définitivement aux États-Unis dont il prit la nationalité en 1952, ne jugeant pas la situation en Allemagne satisfaisante. Il y écrivit divers ouvrages sur les mouvements de jeunesse, la République de Weimar et surtout sur Jünger qui était resté, en dépit des retournements de Ce « Wandervogel politique », son maître à penser.
Par Jacques Droz
ŒUVRE :Sozialrevolutionärer Nationalismes, 1930. — Das Nationalbolschewistische Manifest, 1933. —Deutsche innere Emigration, anti-nationalsozialistische Zeugnisse aus Deutschland, coll. et expi. par K. Paetel, 1946. — Emst Jünger, die Wandlungeines deutschen Dichters und Patrioten, 1946. — Ernst Jünger, eine Bibliographie, 1953. — Ernst Jünger in Selbstzeugnissen und Bilddokumenten, 1962. — Jugend in der Entscheidung 1913-1933-1945, 2e éd., 1963. — Versuchung oder Chance ? Zur Geschichte des deutschen Nationalbolchevismus, 1965. — Reise ohne Uhrzeit. Autobiographie, éd. par W.D. Elfe et J.M. Spalek, 1982.
SOURCES : O.E. Schüddekopf, Linke Leute von Rechts. Die national-revolutionären Minderheiten und der Kommunismus in der Weimarer Republik, Stuttgart, 1960. — L. Dupeux, National-bolchevisme, stratégie communiste et dynamique conservatrice, Paris, 1979. — Rœder et Strauss, op. cit.