Par Gilbert Badia
Né le 3 janvier 1876 à Guben (Basse Lusace), mort le 7 septembre 1960 à Berlin ; militant communiste sous la République de Weimar, président du KPD après la mort de Thälmann, président de la RDA de 1949 jusqu’à sa mort.
Fils d’un cocher, Wilhelm Pieck apprit le métier de menuisier qu’il exerça à partir de 1894. Après son tour d’Allemagne, il se fixa à Brême (1896-1906) où il se maria (1898). De 1894 à 1910, il fut permanent du parti à Brême. D’octobre 1907 à mars 1908, il fut délégué à l’École centrale du parti où il suivit notamment les cours de Rosa Luxemburg et de Franz Mehring. A l’issue de ces cours, il fut chargé du secrétariat de l’école.
Pendant la guerre, il participa aux conférences constitutives du groupe Internationale et du mouvement spartakiste. Il fut mobilisé en 1915, passa dans la clandestinité en octobre 1917 et émigra en Hollande en février 1918. Rentré à Berlin à la fin octobre, Pieck participa à la préparation du soulèvement du 9 novembre. Deux jours plus tard, il fut élu à la direction de la Ligue spartakiste (Spartakusbund), Il présida à la fin du mois de décembre une séance de la conférence où se constitua le Parti communiste allemand. Arrêté pendant la semaine sanglante de janvier à Berlin, il échappa à ses ravisseurs. A l’occasion de ces événements, des bruits sans fondement se répandirent selon lesquels il aurait trahi Liebknecht et Rosa Luxemburg en voulant sauver sa tête.
De 1920 à février 1924, Pieck fut responsable à l’organisation dans la direction du Parti communiste allemand. Au lendemain du putsch de Kapp, il se prononça pour une politique d’unité d’action et, en 1924-1925, il s’opposa à la direction gauchiste (Ultralinke) du parti. De 1921 à 1928, puis en 1932, Wilhelm Pieck fut député à la Diète prussienne ; il fut élu au Reichstag en 1928.
Président du Secours rouge d’Allemagne à partir de mai 1925, Pieck retrouva à la fin de l’année sa fonction de responsable à l’organisation dans le Comité central du KPD. De 1926 à 1929, il fut en même temps secrétaire politique du parti pour la région de Berlin-Brandebourg.
Il entra au Bureau politique en juin 1929. L’année suivante, le VIe congrès de l’IC l’élut au Comité exécutif de l’Intemationale où il représenta le KPD de 1930 à 1932. En 1931, il devint membre du présidium et du secrétariat politique du Comité exécutif.
Partisan du rassemblement des forces antifascistes, Pieck participa avec Schehr et Thälmann à la discussion avec vingt responsables sociaux-démocrates (8 juillet 1932) et semble s’être opposé aux conceptions sectaires de Heinz Neumann. En 1932, il succéda à Léopold Flieg au secrétariat du Bureau politique.
Quand Thälmann fut arrêté le 3 mars 1933, Pieck assura l’intérim à la direction du KPD. A la mi-mai 1933, il émigra en France et constitua avec Franz Dahlem et Wilhelm Florin la direction du KPD à l’étranger (Auslandsleitung). Au VIIe congrès, il présenta le rapport du Comité exécutif de l’Internationale. A cette occasion, il critiqua la politique du KPD dans les années 1932-1933 et se prononça pour la tactique du Front populaire qu’il contribua à faire triompher dans les instances dirigeantes du Parti communiste allemand, en particulier à la conférence « de Bruxelles » du KPD (1935) qui l’élut à la présidence du parti. Revenu à Paris en 1939, Pieck présenta le rapport du Bureau politique à la conférence dite « de Berne » (Draveil, 1939) du KPD et exposa le programme de la future République démocratique qui serait instaurée en Allemagne après l’effondrement du fascisme. Il rencontra Heinrich Mann et confirma que le KPD voulait poursuivre sa stratégie d’union avec toutes les forces antifascistes : Dahlem venait de remplacer Ulbricht, dont le comportement sectaire avait altéré les rapports du parti avec Heinrich Mann, à la tête du KPD en France.
Rentré à Moscou, Pieck adopta et propagea, après la signature du Pacte germano-soviétique et le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale, l’interprétation de l’Internationale communiste qui voyait dans le conflit une guerre inter-impérialiste, sans pour autant cesser de dénoncer le fascisme hitlérien. Cofondateur du Comité national de l’Allemagne libre, W. Pieck participa à l’élaboration des programmes successifs (1944-1945) qui fixaient la tactique du KPD pour l’immédiat après-guerre. Pendant la répression stalinienne, ses interventions auprès de la police soviétique firent relâcher quelques-uns des communistes allemands persécutés.
Rentré en Allemagne le 1er juillet 1945, Pieck prit part à la constitution du Bloc des partis antifascistes-démocratiques (14 juillet). Le 2 septembre, il exposa à Kyritz les conditions de mise en application de la réforme agraire. Il participa activement à la conférence des Soixante (20-21 décembre 1945) au cours de laquelle des responsables du KPD et du SPD préparèrent la fusion des deux partis ouvriers que scellait symboliquement, au congrès d’unification (1946), sa poignée de main avec Otto Grotewohl. Avec celui-ci il participa en 1946-1947 à plusieurs meetings dans les zones occidentales d’occupation pour y prôner l’unité du mouvement ouvrier. En même temps, en zone soviétique, il s’efforça de développer l’amitié avec l’Union soviétique (il accepta la présidence d’honneur de la Société d’amitié avec l’URSS en 1949).
Le 11 octobre 1949, la Chambre du peuple provisoire l’élut à l’unanimité président de la République démocratique allemande qui venait de se constituer en réponse à la formation de la RFA. Le 12 novembre 1952, W. Pieck déclara, à l’adresse des Français notamment, que jamais plus une guerre ne devait partir du sol allemand.
Réélu président de la République en 1953 et en 1957, Pieck cessa, en raison de la maladie qui le frappait, de jouer quelque rôle que ce soit dans les dernières années de sa vie. Dès lors Walter Ulbricht concentra sur sa personne l’essentiel du pouvoir. En 1960, Pieck fut inhumé au cimetière de Berlin-Friedrichsfelde aux côtés des dirigeants spartakistes Liebknecht et Rosa Luxemburg.
Par Gilbert Badia
ŒUVRE : Reden und Aufsätze, 4 vol., 1950-1956. — Gesammelte Reden und Schriften (œuvres complètes), 6 vol., 1959-1979. ; — Zur Bildungspolitik der Arbeiterbewegung. Reden und Schriften, 1981. — En français : La marche au socialisme, 1935.
SOURCES : F. Erpenbeck, Wilhelm Pieck. Ein Lebensbild, Leipzig, 1956. — H, Vosske, G. Nitzsche, Wilhelm Pieck. Biographischer Abriss, Francfort, 1975. — L. Caracciolo, Alba di guerra fredda : all’origine delle due Germanie, Rome, 1986. — G. Badia, Histoire de l’Allemagne contemporaine, 2 vol., Paris, 1987. — Lexikon, op. cit. — Rœder et Strauss, op. cit. — Benz et Graml, op. cit.