RODBERTUS Karl

Par Jacques Droz

Né le 13 août 1805 à Greifswald, mort le 5 décembre 1875 à Jagetzow ; économiste proche du socialisme d’État, puis conservateur.

Né sur un territoire de juridiction suédoise dans une famille de juristes — son grand-père était un physiocrate allemand et son père professeur de droit romain — Karl Rodbertus était entré en 1826 au service de l’État prussien comme magistrat, mais s’établit définitivement en 1835 dans sa propriété de Jagetzow où il fut nommé d’abord comme représentant de la Ritterschaft, député à la diète de Poméranie puis, en 1848, à l’Assemblée nationale de Prusse. Bien que siégeant à gauche, il s’y opposa à l’établissement du suffrage universel, prétextant que les paysans et les ouvriers n’étaient pas capables d’utiliser celui-ci dans un sens démocratique.
Dans les très nombreux écrits qu’il consacra aux questions économiques, Rod­bertus montrait que la question ouvrière — qui était aussi une question nationale — était dominée par le fait que les travailleurs ne recevaient pas intégralement le prix de leur labeur et qu’une partie en était détournée au profit du capital foncier ou industriel, sous la forme d’une rente qui se faisait de plus en plus considérable à mesure qu’augmentait la production. De cet état de choses résultait le paupérisme, la surproduction et les crises cycliques qui ruinaient l’économie. Comme remède, Rodbertus préconisa l’intervention de l’État, qui avait le pouvoir de réglementer les questions de propriétés et de rentes selon l’intérêt de tous : il devait en particulier fixer les salaires, de telle sorte que ceux-ci ne fussent pas déterminés par la loi de l’offre et de la demande, mais par le temps et la peine qu’exigeait le travail ac­compli ; il lui revenait également de limiter la durée du travail journalier selon « la puissance intellectuelle et musculaire » de chacun. Ces réformes, Rodbertus souhaitait qu’elles ne soient pas accomplies par la voie révolutionnaire et il rejeta entièrement la lutte des classes et même l’existence de syndicats et de coopératives ouvrières. Il demandait d’autre part que les transformations ne soient pas faites d’un coup : il fallait, dit-il, établir un compromis entre les détenteurs de la rente et les exi­gences socialistes. Partisan du socialisme d’État, sans appartenir toutefois aux Kathedersozialisten, Rodbertus insistait sur l’idée que les pouvoirs publics n’étaient pas au service des intérêts individuels, mais que toutes les Classes sociales devaient être contraintes à servir le bien de la communauté. Sur ce terrain, il faisait confiance à la Monarchie qui saurait établir le lien nécessaire entre « prussianisme » et « socialisme ».
Dans les années soixante-dix, les idées émises par Rodbertus furent utilisées par le mouvement du « conservatisme social agraire » autour de Rudolf Mayer et de la Berliner Revue. Cependant, l’hostilité de Rodbertus à l’égard de toute idéologie religieuse l’éloignait de ce groupement qui faisait du respect de la foi protestante la garantie de la paix sociale. Bien que rallié au système bismarckien, il combattit sa politique intérieure à partir de 1872 et songea en 1874 à se présenter aux élections comme « socialiste ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article216537, notice RODBERTUS Karl par Jacques Droz, version mise en ligne le 23 juin 2020, dernière modification le 14 mai 2020.

Par Jacques Droz

ŒUVRE : Das Kapital. Vierter socialer Brief an von Kirchmann, 1884. — Aus dem literarischen Nachlass von Cari Rodbertus-Jagetzow, 1878-1889. — Zur Beleuchtung der socialen Frage, 2 vol., 1872-1885. — Schriften von Dr. Carl Rodbertus, 4 vol., 1899. — Neue Briefe über Grundrente, Rentenprinzip und sociale Frage an Schumacher, éd. par R. Michels, 1926. — Die Forderungen der arbeitenden Klasse, éd. par A. Skalweit, (= Sozialökonomische Texte, n° 5), 1946.

SOURCES : R. Muziol, Karl Rodbertus als Begründer der sozialrechtlichen Anschauungsweise, Iéna, 1927. — W.O. Shanahan, German Protestants face to the social question, 1.1, No­tre-Dame Indiana, 1954. — Article de S. Wendt dans Handwörterbuch der Sozialwissenschaften, t. 9, Stuttgart, Tübingen, Göttingen, 1956. — G. Rudolph, Karl Rodbertus, 1805-1875, und die Grundrententheorie : politische ökonomie aus dem deutschen Vormärz, Berlin-Est, 1984. — BLDG, op. cit.

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