Par Claudie Weill
Né le 19 décembre 1889 à Berlin, mort le 7 février 1943 à New York (États-Unis) ; historien de l’antiquité, puis de l’époque contemporaine ; dirigeant communiste, antistalinien.
Né dans la bourgeoisie juive aisée de Berlin, Arthur Rosenberg fit des études de philosophe, d’archéologie et d’histoire ancienne à l’Université de Berlin. Nommé maître de conférences en 1914, il fut mobilisé dans le service de presse des armées. Pendant la guerre, il se rapprocha de Franz Mehring dont il admirait la biographie de Karl Marx. Hostile à la démocratie parlementaire de type occidental, favorable au système des conseils, il adhéra à l’USPD en novembre 1918 et découvrit le Lénine de L’État et la révolution, à partir duquel il envisageait une renaissance du marxisme, tout comme Karl Korsch qu’il considérait au milieu des années vingt comme son « frère spirituel », ou Georg Lukacs. Il rejoignit le KPD avec l’aile gauche de l’USPD en 1920 et milita — comme propagandiste, agitateur et publiciste — dans l’organisation berlinoise du KPD. Il collabora aussi à la rubrique théorique de l’hebdomadaire de l’Internationale communiste, Correspondance internationale.
Élu député communiste au Reichstag en 1924, il y siégea jusqu’en 1928, mais comme député non inscrit à partir de sa démission du parti en avril 1927. 1921 constitua pour lui un tournant — qu’il perçut plus tard — dans son appréciation de la révolution bolchevique et de l’Internationale : dès lors l’Internationale abandonna selon lui la révolution mondiale et ne défendit plus que les intérêts de l’État soviétique, à l’égard duquel il déplorait l’obédience du KPD. Au début de 1921, il fit partie avec Ruth Fischer, Arkadi Maslow et Wemer Scholem de l’opposition de gauche au sein du KPD. L’échec de la tentative révolutionnaire de 1923 — qui constitua pour Rosenberg un nouveau palier dans sa désaffection par rapport à l’Internationale — créa une conjoncture favorable à la gauche : elle monnaya son soutien à Zinoviev contre la reprise de la direction du KPD ; Rosenberg entra au Comité central en 1924 et devint membre du Comité exécutif de l’Internationale. En 1925, il était avec Wemer Scholem à la tête de l’opposition d’ultra-gauche qui crut aux chances d’une révolution, se réclama de Rosa Luxemburg et continua à refuser la politique de bloc. En été, malgré l’opposition de l’Internationale communiste, il fut élu au Bureau politique puis, éliminé avec la gauche du KPD, il fut exclu du Comité central à la demande de Staline. A la réunion élargie du Comité exécutif de l’Internationale communiste en février 1926, l’ultra-gauche dont Rosenberg, présent, défendit les positions, fut la cible de toutes les attaques. Contrairement à Scholem, il fut épargné et rejoignit la direction loyaliste de Thälmann au nom de l’unité du parti. Mais, bien que persuadé désormais du bien fondé du Front uni, il condamna la politique de l’Internationale communiste dont il demanda la dissolution dans sa lettre de démission du KPD le 26 avril 1927. Il resta ensuite sourd aux appels des divers groupes de gauche qui voulaient le « récupérer » et devint un « socialiste sans parti », mais collabora aux revues marxistes Die Gesellschaft et Der Klassenkampf (de Paul Levi).
L’Université, où il dénonça la montée du fascisme, voulut se défaire de lui : dès 1930, il enseigna dans un lycée à Cologne. Il abandonna ses études sur l’histoire sociale de l’antiquité pour se consacrer à l’histoire contemporaine et rédigea les importants ouvrages qui firent autorité, telle son Histoire de la République de Weimar (1928). À partir de 1925, il avait fait partie de la commission parlementaire d’enquête sur les causes de la défaite de 1918. En juin 1933, il quitta l’Allemagne pour Zurich, puis Liverpool où il enseigna jusqu’en 1937, puis il fut nommé professeur à Brooklyn University College à New York.
Par Claudie Weill
ŒUVRE : Demokratie und Klassenkampf im Altertum, 1921. —Einleitung and Quellenkunde zur römischen Geschichte, 1921. — Die Entstehung der deutschen Republik 1871-1918, 1928. — Geschichte des Bolchewismus von Marx bis zur Gegenwart, 1932 (trad. franç., 1936, rééd., 1967). — Demokratie und Sozialismus, 1938 (en français : « Démocratie et socialisme ? Contribution à l’histoire politique des 150 dernières années », in Faschismus und Kapitalismus. Theorien über die sozialen Ursprünge und die Funktion des Faschismus (recueil composé par W. Abendroth), 1967) — Autriche (guide), 1951. — Entstehung und Geschichte der Weimarer Republik, 1955.
SOURCES : H. Schachenmayer, Arthur Rosenberg als Vertreter des historischen Materialismus, Wiesbaden, 1964. — Préface de G. Haupt à A. Rosenberg, Histoire du Bolchevisme, Paris, 1967 (rééd.). — L. Riberi, « Arthur Rosenberg tra politica e storia », in Passato e Presente, no. 9, septembre-décembre 1985. — R.W. Müller, G. Schäfer, Klassische Antike und moderne Demokratie : Arthur Rosenberg zwischen Aller Geschichte und Zeitgeschichte, Politik und politischer Bildung. Mit einer Bibliographie der Schriften A. Rosenbergs, Gottingen, 1986. — Weber, Wandlung, op. cit. — Rœder et Strauss, op. cit.