RÜHLE Otto

Par Serge Cosseron

Né le 23 octobre 1874 à Grossvogtberg, près de Dresde (Saxe), mort le 24 juin 1943 à Mexico-City (Mexique) ; député social-démocrate, homme politique marxiste, pédagogue et publiciste.

Fils d’un fonctionnaire des chemins de fer, Otto Rühle prit contact avec les libres penseurs à l’École normale, puis avec la social-démocratie en envoyant au Vorwärts quelques articles décrivant les méthodes d’enseignement. Le Parti so­cial-démocrate le chargea alors de traiter les questions scolaires et il publia deux brochures en 1903 : la première sur la réalité de l’école primaire et la seconde sur ce que serait l’éducation socialiste. De plus en plus influent en Saxe, il fut élu dé­puté au Landtag en 1911, où il représenta la ville de Pirna, puis au Reichstag en 1912. En août 1914, minoritaire, il s’opposa à la fraction social-démocrate au Par­lement qui décida de voter les crédits de guerre. Après Karl Liebknecht, il s’oppo­sa publiquement, le 5 mars 1915, au vote des nouveaux crédits. En contact avec le groupe Spartakus, il fonda à Dresde le groupe local des Communistes internationalistes d’Allemagne (IKD), qui fusionna avec les spartakistes en décembre 1918 pour fonder le Parti communiste d’Allemagne. Il y prit position contre la participa­tion au Parlement et aux syndicats. Bien que ces thèses fussent adoptées, il refusa d’être élu à la Centrale pour rester conforme aux conceptions décentralisatrices qui devaient présider à l’organisation d’un nouveau parti révolutionnaire. Aussi ne s’opposa-t-il pas à la reconquête du parti effectuée par Paul Levi en 1919 et 1920. Fondateur du KAPD en avril 1920, il en fut exclu dès novembre, à la suite de son voyage en Russie dont il critiqua durement le nouveau régime, dénonçant la dicta­ture exercée par le parti bolchevique aux dépens des organisations ouvrières. Ennemi de la bureaucratisation du communisme, favorable au système des conseils, il pensait que seul l’homme « anti-autoritaire » pouvait promouvoir la révolution so­ciale. Désormais hostile à tout parti, il fonda l’AAU-E (Allgemeine Arbeiterunion- Einheitsorganisation). Cette organisation considérait qu’à l’époque révolution­naire, la distinction classique dans le mouvement ouvrier entre lutte économique (syndicats) et lutte politique (partis) n’avait pas de raison de subsister, une situation révolutionnaire exigeant le dépassement des formes d’organisation anciennes du mouvement ouvrier. Après 1923, à la suite de la faillite des organisations commu­nistes de gauche, Rühle se consacra à de nombreux travaux de vulgarisation poli­tiques et pédagogiques. Marié depuis 1920, en secondes noces, avec la psychologue Alice Gerstel, il popularisa les thèses de la psychologie des profondeurs de Jung qui lui attira de vives critiques de la part de ses anciens camarades. En 1932, sous le pseudonyme de Carl Steuermann, parut en France son analyse de la crise, La crise mondiale ou vers le capitalisme d’État puis, en 1933, sa biographie de Karl Marx à laquelle fut parfois reprochée son approche psychologique. Émigré à Prague en 1933, il se rendit en 1936 à Mexico où le gouvernement le chargea de réfléchir sur la politique scolaire. Malgré son hostilité fondamentale au parti bolchevik, il se prit d’amitié avec Léon Trotsky qu’il défendit en compagnie de John Dewey en 1937, en participant à la commission d’enquête sur les procès de Moscou. Avec sa femme, il se suicida en 1943. A ses multiples talents il faut ajouter celui de peintre, qu’il pra­tiqua sous le nom de Carlos Timonero.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article216549, notice RÜHLE Otto par Serge Cosseron, version mise en ligne le 23 juin 2020, dernière modification le 14 mai 2020.

Par Serge Cosseron

ŒUVRE : Arbeit and Erziehung, 1904. — Das proletarische Kind, 1911. — Erziehung zum Sozialismus : ein Manifest, 1919. — Die Sozialisierung der Frau, 2e éd., 1922. — Die Revolutionen Europas, 3 vol., 1927. — Karl Marx, Leben and Werk, 1928 (trad. franç., 1933). — Sexualanalyse ; Psychologie des Liesbes- and Ehelebens, 1929. — Illustrierte Kultur- und Sittengeschichte des Proletariats, 1930. — Weltkrise - Weltwende, Kurs auf Staatskapitalismus, 1931. — Der Mensch auf der Flucht, 1932. — Arzt und Nation, 1952. — Für ein gesundes Volk ; ein Abriss über die Gesundheitspolitik der DDR, 1952. — En français : La Gauche allemande, textes du KAPD, de l’AAUD, de l’AAUE et de la KAI ; Pour l’histoire du mouvement ouvrier communiste en Alle­magne de 1918 à 1921, Naples, Brignoles, Paris, 1973. — Fascisme brun, fascisme rouge : 1939, (trad. du manuscrit allemand), suivi de P. Mattick, Otto Rühle et le mouvement ouvrier allemand, 1975.

SOURCES : S. Franck, Soziologie der Freiheit. Otto Rühles Auffassung des Sozialismus, Ulm, 1952. — G. Mergner, Arbeiterbewegung und Intelligenz, Starnberg, 1973. — D. Authier, J. Bar­rot, La Gauche communiste en Allemagne 1919-1921, Paris, 1976. — A. Wald, « La commission Dewey quarante ans après », in Cahiers Léon Trotsky, no. spécial sur les Procès de Moscou dans le monde, 1979 (photo de O. Rühle). — H. Jacoby, Otto Rühle zur Einführung, Hambourg, 1985. — Bock, Syndikalismus, op. cit. — Rceder et Strauss, op. cit. — Lexikon, op. cit.

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