DEBAUGES Paul, Albert

Par Philippe Foro, Gilles Morin

Né le 11 février 1903 à Panissage (Isère), mort le 17 juillet 2002 à Saint-Gaudens (Haute-Garonne) ; professeur agrégé de mathématiques ; résistant ; militant socialiste de Haute-Garonne ; conseiller général (1945-1951) ; résistant, membre du mouvement Libérer et Fédérer et du réseau Brutus.

Son père, François Debauges, né en 1862, instituteur anticlérical, était proche des radicaux combistes. Sa mère Eugénie, institutrice catholique, était attachée à la laïcité. Sa sœur aînée, née en 1889, fut aussi institutrice. Son frère aîné, qui naquit en 1892, trouva la mort au front, aux environs de Colmar, en août 1914. Paul Debauges reçut les premiers sacrements catholiques. Après sa scolarité primaire à Panissage, élève du collège de Bourgoin (Isère), il obtint une licence de mathématiques à la Faculté des sciences de Lyon où il avait été membre de la Jeunesse étudiante et républicaine, proche des socialistes. Il réussit à l’agrégation de mathématiques en 1927. Il se maria religieusement en septembre 1927 à Doussard (Haute-Savoie) avec une titulaire d’une licence d’histoire. Le couple fit seulement baptiser ses deux enfants. Son épouse Marcelle, née le 5 mai 1902, participa au même itinéraire.
Debauges enseigna comme professeur aux lycées de Saint-Étienne (Loire) en 1927 et de Macon (Saône-et-Loire) en 1928 avant d’être nommé, en 1931-1932, au lycée de Toulouse (Haute-Garonne), devenu dans les années 1950 lycée Pierre-de-Fermat. Chargé de la classe de mathématiques élémentaires en 1935, il obtint en 1938-1939 la classe de préparation à l’Institut national agronomique avant d’être nommé professeur de mathématiques spéciales en 1959, poste qu’il occupa jusqu’à sa retraite en 1968 tout en continuant à faire passer des « colles » aux élèves. Il enseignait aussi les mathématiques à l’école régionale d’architecture (école des Beaux-Arts) de 1936 à 1970.
« Anticlérical convaincu » et « profondément laïque », bien que réformé, Debauges s’engagea au début de la guerre à Montpellier avant d’être démobilisé peu après. Il était en 1942, sous le pseudonyme de Ducarre, membre du réseau Brutus avec lequel il participa à l’organisation des passages clandestins en Espagne pour rejoindre la France libre. Il n’appartenait pas au Parti socialiste SFIO avant 1939, « se méfiant un peu des habitudes et des positions du PS toulousain ». Il entra « seulement mais fermement en 1942 au Comité d’action socialiste, amené, si je puis dire, par mon ami Léon Achiary et par Raymond Naves ». Proche de Jean-Pierre Vernant, son collègue, professeur de philosophie au lycée, et de Silvio Trentin, il appartenait aussi à « Libérer et fédérer ». À partir de mars 1944, membre du « noyau actif » de cinq membres du Comité départemental de Libération de la Haute-Garonne au titre de la SFIO en remplacement de Lucien Cassagne, mis à la disposition du CDL (septembre 1944-septembre 1945), il prononça l’allocution de bienvenue au général de Gaulle dans la cour de la préfecture en septembre 1944. Vice-président du CDL en 1945, il présida sa commission économique. Après l’arrestation de Raymond Naves en février 1944, il joua un rôle important pour la désignation de Raymond Badiou* comme maire de Toulouse. Son épouse ne fut pas une véritable militante, mais participa à la Résistance à Toulouse. Il fut titulaire de la médaille de la Résistance en 1945.
Debauges, responsable du Parti socialiste SFIO, participa à l’atmosphère unitaire de la période de l’immédiat après-guerre et, directeur politique du quotidien L’Espoir socialiste, il intervint au congrès national extraordinaire qui reconstitua la SFIO en novembre 1944, proposant de modifier la structure du parti en créant des régions.
Après avoir refusé de participer au conseil municipal, Debauges fut le candidat socialiste SFIO aux élections cantonales des 23 et 30 septembre 1945. Il arriva en tête avec 9 361 voix sur 41 389 inscrits et 23 523 votants au premier tour et resta seul candidat au 2e tour. Il devint ainsi l’élu du canton de Toulouse-sud (ancien canton de Bedouce*). Au cours de son mandat, président de la commission économique, il participa aux aides aux coopératives agricoles, s’occupa de l’aménagement du réseau de chemins de fer dans le Sud-Ouest, présida le conseil d’administration des chemins de fer du Sud-Ouest et le conseil d’administration de la société d’électricité de la ville de Toulouse. Il fut mis en minorité par le congrès cantonal de 1951, au profit de Camy (dont l’élection fut contestée). Le préfet le présentait comme une « personnalité éminente de l’Assemblée départementale ».
Debauges participa au congrès socialiste d’août 1946 qui vit l’opposition Mayer-Mollet*. Ayant voté pour ce dernier, il le regretta rapidement. Il fut membre du RDR en 1948-1949. Signataire de la motion d’Action socialiste avec Alexandre Montariol* en novembre 1951, il fit, de manière symbolique, acte de candidature aux élections sénatoriales de mai 1952, obtenant 110 voix. En désaccord avec la ligne politique de la SFIO et lassé par les querelles locales, en particulier avec André Méric*, il quitta le Parti socialiste en 1954, dont il fut peut-être exclu, pour désaccord avec la politique de Guy Mollet au moment de la guerre d’Indochine.
Debauges devint alors l’un des principaux animateurs des « nouvelles gauches » dans la région toulousaine Il milita au Comité d’action des gauches indépendantes (CAGI) et intervint aux journées d’études de celles-ci les 29-30 mai 1954. Il assurait la direction d’Unité, organe du Mouvement socialiste révolutionnaire. Il fut secrétaire général dans la Haute-Garonne de la Nouvelle Gauche en août 1955, puis rejoignit en 1957 l’Union de la gauche socialiste (UGS) de Claude Bourdet*, enfin fit partie du premier groupe de fondateurs du PSU en 1960 où il retrouva Raymond Badiou et Achille Auban*. Il fut candidat de l’UGS aux élections cantonales de 1958, candidat de l’Union des forces démocratiques au Sénat en 1959, du PSU au Sénat en 1962, puis aux élections en 1964 dans le canton de Toulouse-Sud. Il se retira progressivement des activités politiques pendant les années 1960 mais était membre de la commission exécutive fédérale du PSU de la Haute-Garonne en 1967. Il adhéra au Parti socialiste en 1994.
Membre du Syndicat national de l’enseignement secondaire, Debauges se montrait en désaccord lors des grèves enseignantes.
Debauges enregistra ses souvenirs sur cette période pour le Centre de recherche et de représentation audiovisuelle de l’histoire de Blagnac au milieu des années 1990. En 1999, dans un entretien, il restait d’une grande activité intellectuelle, se passionnant pour la Grèce antique, Spinoza et Bayle. Cet honnête homme gardait un regard lucide sur une existence de presque un siècle.
Debauges fut enterré civilement.
À la demande de résistants, le conseil municipal de Toulouse, le 28 mars 2002, donna son nom à une rue dans le quartier Saint-Simon. Lors de l’inauguration, le 22 novembre 2004, Jean-Pierre Vernant lui rendit hommage.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article21660, notice DEBAUGES Paul, Albert par Philippe Foro, Gilles Morin, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 7 avril 2021.

Par Philippe Foro, Gilles Morin

ŒUVRE : Histoire de la Résistance de la Haute-Garonne (avec Michel Goubet), Toulouse, Milan, 1995, 250 p.

SOURCES : Arch. Nat., F/1a/3228, 3240 ; F/1cII/290, 320, 734 ; F/1cIV/152 ; CAC, 19830172, art. 85, 87. — Arch. Com. Toulouse (notes de Magda Combes, dossier transmis par Daniel Latapie et communiqué à Jacques Girault, avec notamment un témoignage écrit de Jean-Pierre Vernant). — Arch. OURS, dossiers Haute-Garonne. — Le Libérateur, n° 11, 6 juin 1954. — Bulletin intérieur n° 4 de la Nouvelle gauche, juillet 1955. — Tribune du Peuple, 12 avril 1958, 25 avril 1959, 6 juin 1959. — Tribune socialiste, 25 juin 1960, 14 mars 1964. — Fichiers des adhérents du PSU. — Lettre de Paul Debauges, 28 septembre 1999. — La Dépêche du Midi, 15 janvier 1970. — Entretiens de Philippe Foro avec Paul Debauges, 1999. — Renseignements fournis par la famille de l’intéressé à J. Girault.

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