PIEDPREMIER Maurice alias Gilles dans la résistance 

Par Laurent Battut

Né le 6 décembre 1909 à Arlanc (Puy-de-Dôme), exécuté sommairement par fusillade par les Allemands le 15 juillet 1944 à Bourg-Lastic (Puy-de-Dôme) ; instituteur ; membre du SNI ; résistant, chef des sédentaires des Mouvements Unis de la Résistance (MUR) à Bourg-Lastic ; commandant de compagnie des forces françaises de l’intérieur (FFI).

Plaque nominative au collège de Bourg-Lastic

Maurice Piedpremier est né le 6 décembre 1909 à Arlanc dans le sud du Puy-de-Dôme. Son père, Antoine François Michel, était instituteur et sa mère, Marguerite Antoinette de Rus (nom francisé par l’état civil lors de sa naissance en France – à l’origine « Ruiz » d’origine espagnole), couturière. Il était l’ainé parmi quatre enfants, son frère Georges (né en 1911) et ses deux sœur Hélène et Yvonne. Il grandit à Saint-Genès-Champanelle à quelques kilomètres au sud-ouest de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Son père fut très investi dans le service civique au sein de cette commune puisque, y étant instituteur depuis le début des années 1910, il prit également la charge du secrétariat de la mairie à la fin des années 1920 lorsque Jean Toury y fut élu maire.

Maurice Piedpremier obtint son baccalauréat en sciences et en langues puis fit ses études à l’école normale d’instituteurs et à la faculté de Clermont-Ferrand de 1926 à 1929. Il obtint deux certificats d’anglais.

Il épousa Marie-Louise Coudert, originaire de Clermont-Ferrand, le 3 juin 1933 à Saint-Genès-Champanelle. Ils n’eurent pas d’enfant. Sa mère mourut en 1933.
La mobilisation puis la blessure de son père durant la Grande Guerre ne furent pas étrangères à la sensibilité de Maurice Piedpremier envers les soins des blessés et des mutilés de guerre puis à son affectation à la 13ème section d’infirmiers lorsqu’il fut appelé sous les drapeaux, à compter de novembre 1933. A la fin de son service militaire, il avait atteint le grade de sergent. Il réintégra la vie civile en octobre 1934 et fut confirmé dans son poste d’instituteur-adjoint à Charbonnier-les-Mines dans le sud-est du Puy-de-Dôme.

Son épouse, sans profession, et lui, s’installèrent à Bourg-Lastic vers 1935 lorsqu’il y fut nommé instituteur.

Mobilisé le 2 septembre 1939 lors de l’entrée en guerre de la France contre l’Allemagne, il fut de nouveau affecté à la 13ème section d’infirmiers avec la fonction de gestionnaire du train n°16 de blessés « couchés ». Il fut démobilisé après l’armistice de juin 1940 et de retour à Bourg-Lastic en août 1940 dans son poste d’instituteur et de directeur du cours complémentaire. Comme la plupart de ses confrères, il avait été adhérent au Syndicat National des Instituteurs (SNI). A son retour, il refusa d’adhérer à la Légion française des combattants, continuant de tenir des propos patriotiques.

En lien avec le docteur « Willy » (Léon Wilhem) Mabrut alias le tonton, il adhéra au mouvement Combat puis aux Mouvements Unis de la Résistance sous le pseudo Gilles. En 1941, il hébergea deux jeunes juifs allemands recherchés par la Gestapo. Nommé capitaine le 11 novembre 1942, il fut chargé par Mabrut de former pour le combat l’équivalent d’une compagnie de sédentaires armés et instruits à Bourg-Lastic. Elle finit par atteindre un effectif proche de cent hommes au printemps 1944. Son collègue et instituteur au cours complémentaire, Louis Beaulaton, était sous ses ordres dans la Résistance en tant que chef de section de sédentaires à Bourg-Lastic puis au camp de Saint-Genès-Champespe.

Le 21 mai 1944, Maurice Piedpremier se rendit avec tous les sédentaires et maquisards du secteur de Bourg-Lastic et de Messeix, localité voisine, au réduit de Saint-Genès-Champespe dans le sud-ouest du Puy-de-Dôme. Il répondait en cela à l’appel de l’état-major des FFI d’Auvergne dans la perspective de combats ouverts avec les armées allemandes. Le « maquis de Saint-Genès » avait, selon le témoignage de Willy Mabrut, rassemblé 5000 maquisards en quelques semaines venus de toute l’Auvergne, un chiffre sans doute surévalué par rapport à la réalité des effectifs disponibles. Le maquis fut toutefois dispersé à partir de mi-juin sans avoir été confronté à l’ennemi. En effet, les combats du Mont-Mouchet venaient de causer des pertes importantes dans les rangs des FFI auvergnats. Le réduit de Saint-Genès-Champespe apparaissait alors bien vulnérable du fait de sa situation en terrain découvert et de la moitié de ses effectifs pas ou trop peu armés. Le capitaine Piedpremier, ayant eu jusqu’à 192 hommes sous ses ordres, regagna alors le secteur de Bourg-Lastic, maintenu dans ses responsabilités de chef de la 2ème compagnie de la zone 3 des FFI d’Auvergne, laquelle était chargée de harceler les convois allemands circulant sur la RN89. La compagnie s’installa dans des baraques du camp militaire de Bourg-Lastic à quelques kilomètres du centre du village.

Des éléments motorisés de la Wehrmacht (brigade Jesser) bouclèrent Bourg-Lastic le dimanche 9 juillet 1944 vers 20h00. Aussitôt ils chargèrent le maire de Bourg-Lastic, Pierre Chassagny, de faire rassembler la population masculine sur la place du village. A l’issue, ils enfermèrent plus de quarante otages dans la salle du conseil municipal de la mairie dont Maurice Piedpremier.

L’arrivée de troupes de répression allemandes à Bourg-Lastic était une conséquence directe de l’embuscade menée le vendredi 7 juillet contre un convoi de ravitaillement du 95ème régiment de sécurité, composé d’une petite trentaine de soldats allemands se rendant de Clermont-Ferrand à Ussel, leur ville de garnison. Cette attaque, opérée par des résistants corréziens et auvergnats dont des membres des 2ème et 3ème compagnies de la zone 3, respectivement emmenés par le capitaine Maurice Piedpremier et le lieutenant Jean Llado, s’était déroulée à cinq kilomètres à l’ouest de Bourg-Lastic dans les gorges de la rivière Chavanon matérialisant la limite des départements de la Corrèze et du Puy-de-Dôme. Le bilan de l’attaque fut très lourd pour l’ennemi : 22 (ou 23) soldats tués, des prisonniers, des véhicules et le ravitaillement du convoi récupérés par les assaillants.

Les enquêtes et arrestations opérées par les troupes allemandes dans le but d’établir la participation « d’éléments réfractaires » à l’embuscade du 7 juillet se déroulèrent du lundi 10 au jeudi soir 13 juillet à Bourg-Lastic et Messeix essentiellement. Les interrogatoires et le tri des otages furent menés à la mairie de Bourg-Lastic par des membres du Sicherheitsdienst à partir du 10 juillet, dont Martin Hector, de nationalité allemande.
Les enquêtes établirent dès le lundi 10 juillet que la 2ème compagnie des FFI commandée par Piedpremier avait participé à une cérémonie patriotique le premier jour de la fête patronale de Bourg-Lastic, soit le samedi 8 juillet, lendemain de l’embuscade du Chavanon. Cette cérémonie, à laquelle participait le maire de Bourg-Lastic, avait consisté en un dépôt de gerbe au monument aux morts, une levée des couleurs, et un défilé en armes des FFI au sein de Bourg-Lastic.
Par ailleurs, le milieu enseignant de Bourg-Lastic et Messeix fut particulièrement visé par les enquêtes des Allemands. En effet, outre l’arrestation de Maurice Piedpremier et de Louis Beaulaton le dimanche 9 juillet au soir, un autre instituteur de Bourg-Lastic, Flahou fut recherché par les troupes allemandes occupant Bourg-Lastic, sans succès. Par ailleurs, Mesdames Pabiot et Jaubert, institutrices à Messeix, et dont le mari respectif appartenait à la Résistance, furent également arrêtées puis relâchées, la seconde n’ayant pas avoué ses activités clandestines.

Mme Piedpremier fut arrêtée le 11 juillet au matin à la mairie de Bourg-Lastic lorsqu’elle apportait de la nourriture à son mari retenu en otage. Les deux époux furent gardés ensemble dans une pièce attenante à la salle où étaient retenus les autres otages. Par ailleurs, alors que Martin Hector avait pris ses quartiers dans la maison de la famille Monfil dont le fils fut au rang des fusillés, les autres membres du Sicherheitsdienst séjournèrent dans les appartements du couple Piedpremier qu’ils eurent loisir de fouiller et piller en son absence. Des éléments compromettant y furent probablement découverts.
Mme Piedpremier fut emmenée de Bourg-Lastic à Clermont-Ferrand le 14 juillet 1944. Elle fut ensuite déportée « politique » via un convoi parti de Paris le 11 août 1944 qui la mena à Ravensbrück puis Holleischen-Flossenbürg. Elle se retira à Saint-Genès-Champanelle à son retour d’Allemagne et trouva rapidement un emploi à la Préfecture à Clermont-Ferrand où elle s’établit définitivement. Médaillée de la Résistance et homologuée membre des Forces Française Combattantes, il fut établi son appartenance au réseau de Résistance intérieure Marco-Polo après-guerre.

Maurice Piedpremier fut fusillé le dimanche 15 juillet au camp militaire de Bourg-Lastic entre six et sept heures du matin avec 22 autres otages dont la plupart étaient Résistants. Selon des témoins allemands de l’exécution, Maurice Piedpremier fut fusillé dans la dernière série de condamnés. Il entonnait la Marseillaise en attendant son tour et aurait refusé qu’on lui bande les yeux lorsqu’il fut venu. Ses dernières paroles furent « Vive la France ! ». Il avait 34 ans.

En début d’après-midi du 15 juillet, Martin Hector donna publiquement lecture du nom des otages qui venaient d’être fusillés. Lors de leur énumération, qui avait principalement pour but de passer les consignes au sujet de l’inhumation des otages exécutés, Martin Hector ajouta la mention « assassin » après avoir prononcé le nom de Maurice Piedpremier, probablement en raison de sa participation à l’attaque du Chavanon le 7 juillet précédant. Une seconde victime eut droit à cette « distinction » : le maire, Pierre Chassagny.
Maurice Piedpremier a été déclaré mort pour la France. Il a reçu la médaille de la Résistance à titre posthume, la croix de guerre avec palme et fut fait chevalier dans l’ordre de la légion d’honneur à titre posthume. Il a été homologué à compter du 1er juin 1944 comme FFI au grade de capitaine par décret du 19 janvier 1946 (journal officiel du 31 janvier 1946) et a reçu le titre d’Interné Résistant pour la période du 9 au 15 juillet 1944 par décision du Ministre des Anciens Combattants et Victimes de Guerre du 5 octobre 1953 (carte n°1.211.05191). Son nom est inscrit sur une pierre de la stèle du monument érigé en hommage aux otages fusillés en 1945 au camp militaire de Bourg-Lastic, sur le monument aux Morts de Bourg-Lastic, sur le monument commémoratif de l’ancienne École Normale de Chamalières (Puy-de-Dôme) ainsi que sur une plaque commémorative à Saint-Genès-Champelle. Une plaque commémorative a également été réalisée en son honneur après-guerre, portant la mention « classe Maurice Piedpremier, Directeur du CC chef de la Résistance fusillé par les Allemands le 15 juillet 1944 ». Elle est aujourd’hui toujours visible au collège Willy Mabrut de Bourg-Lastic. Inhumé à Saint-Genès-Champanelle en 1945, ses cendres furent transférées le 8 juin 1982 dans la tombe de sa belle-famille (Coudert) sur initiative de sa femme au cimetière de Montferrand où elles demeurent toujours (carré 12, allée 11).

Lors de la constitution de son dossier d’homologation FFI, il obtint l’attestation suivante signée par le lieutenant-colonel Noli (qui croisa Maurice Piedpremier au camp de Saint-Genès-Champespe en juin 1944) le 25 juin 1945 : « le capitaine Piedpremier Maurice a fait preuve des plus belles vertus militaires et civiques. Estimé par ses chefs, aimé de ses hommes, le capitaine Piedpremier savait allier, dans son commandement, l’esprit d’initiative, le courage, la psychologie des hommes. Il prêchait toujours par l’exemple ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article216600, notice PIEDPREMIER Maurice alias Gilles dans la résistance par Laurent Battut, version mise en ligne le 6 juin 2019, dernière modification le 19 février 2022.

Par Laurent Battut

Plaque nominative au collège de Bourg-Lastic
Portrait de Maurice Piedpremier

SOURCES : SHD Vincennes, GR 16 P 476357, dossier d’homologation FFI de Maurice Piedpremier .— AVCC Caen, AC 21 P 660805, dossier Maurice Piedpremier .— SHD Vincennes, GR 16 P 145676 : dossier d’homologation de Marie-Louise Coudert .— Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 908 W 414 : Déposition de Marie-Louise Coudert . — Le Mur d’Auvergne, janvier 1949. Article de Robert Gayton .— Les institutrices et les Instituteurs du Puy-de-Dôme en hommage à leurs Collègues “Morts pour la France” : Guerre de 1939-1945, 8 p. — Renseignements de Jacques Message recueillis au cimetière de Montferrand — Renseignements par Mme Péroz et Mme Podlyski ses nièces .— MémorialGenweb .— État civil.

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