SCHULZE-BOYSEN Harro

Par Jacques Droz

Né le 29 septembre 1909, assassiné le 22 décembre 1942 à Berlin ; leader d’un réseau de résistance et d’espionnage antinazi.

Petit-neveu du grand-amiral von Tirpitz, fils d’un capitaine de vaisseau, Harro Schulze-Boysen avait été étudiant en droit à l’Université de Berlin. S’intéressant jeune à la politique dans l’entourage de Fritz von Salomon, il devint membre du Jungdo et avait été le principal auteur de la revue Der Gegner, d’inspiration national-bolchevique. Il y développa une doctrine élitiste, la volonté de créer un « Ordre de la révolution socialiste » dont les bases idéologiques étaient fournies par Marx et Nietzsche et qui, s’inspirant du modèle de l’Union soviétique, fournirait les élé­ments à la création d’une « troisième Prusse » détournée des valeurs occidentales. Cette orientation ne l’empêcha pas d’entretenir des rapports étroits avec les rédac­teurs planistes de l’Ordre nouveau en France et en particulier avec Philippe Lamour. Schulze-Boysen conserva son optimisme après l’avènement de Hitler, croyant pouvoir faire de son journal l’« avant-garde » du socialisme national. Les sévices que lui infligea une bande de SA en avril 1933, firent de lui un ennemi for­cené du régime. Pourtant il déguisa ses sentiments : devenu officier d’aviation, il épousa en 1936 une petite-fille de Philipp von Eulenburg, Libertas Haas-Heye, avec pour témoin Göring qui l’engagea dans ses services techniques. Entre temps, il s’était rapproché du KPD, non en vertu de convictions marxistes, mais parce qu’il voyait en lui le parti le plus opposé au régime. Il créa une ébauche de mouvement de résistance dans lequel entrèrent plusieurs communistes, dont l’étudiant Horst Heilmann et le sculpteur Kurt Schumacher et qui fît paraître un journal clandestin, Der Vortrupp. Le groupe Schulze-Boysen fusionna en 1939 avec celui d’Arvid von Harnack (neveu du célèbre théologien et fils de l’historien Otto von Harnack) qui avait une expérience plus poussée du mouvement ouvrier et de la pensée marxiste. Après l’entrée en guerre de la Russie, le groupe Schulze-Boysen-Harnack transmit, par le moyen d’émetteurs-radio, des renseignements d’ordre économique et mili­taire à l’ennemi : il s’agissait donc d’une entreprise d’espionnage qui se doublait d’un réseau de résistance clandestine, publiant une revue, Die lnnere Front et des ouvrages camouflés comme La Vie de Napoléon de Schulze-Boysen, annonciatrice du déclin d’Hitler. Dans la pensée du groupe, l’Allemagne avait besoin de l’alliance de l’Union soviétique pour lutter contre l’Occident capitaliste, mais devait être pourvue d’une ligne marxiste autonome, afin de ne pas tomber sous la coupe de son alliée. La Gestapo frappa en août 1942 et arrêta cent-dix-huit personnes, parmi les­quelles dominaient les hauts fonctionnaires, les militaires, les écrivains et les uni­versitaires, beaucoup plus nombreux que les ouvrière. Furieux, Hitler amalgama les accusés avec des communistes (l’Orchestre rouge) ; en fait, si beaucoup d’accusés avaient eu, même au cours des années trente, des relations avec des Soviétiques, le groupe ne dépendait pas de la direction du KPD ; et si Schulze-Boysen et Harnack avaient pu se faire des illusions sur le caractère du régime soviétique, ils pensaient que l’URSS était l’instrument nécessaire de la libération /le leur pays du national- socialisme. Accusé de trahison par les nazis, Schulze-Boysen fut pendu en décem­bre 1942, après d’atroces tortures, avec Harnack et sa femme Mildred ; sur cin­quante-cinq condamnés à mort, il y avait dix-neuf femmes.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article216880, notice SCHULZE-BOYSEN Harro par Jacques Droz, version mise en ligne le 23 juin 2020, dernière modification le 20 mai 2020.

Par Jacques Droz

SOURCES : Elsa Boysen, Harro Schulze-Boysen. Das Bild eines Freiheits kämpfers, Düssel­dorf, 1947. — G. Perrault, L’orchestre rouge, Paris, 1967. — K.H. Biernat, Luise Kraushaar, Die Schulze-Boysen/Harnack-Organisation im antifaschistischen Kampf, 2e éd., Berlin-Est, 1972. — P. Heider et alii., Lebendige Tradition. Lebensbil der deutscher Kommunisten und Antifaschisten, II, Berlin-Est, 1974. — L. Dupeux, Le National-bolchevisme. Stratégie communiste et dynamique conservatrice, Paris, 1979. — Luise Kraushaar, Berliner Kommunisten im Kampf gegen den Faschismus 1936-1942. Robert Uhrig und Genossen, Berlin-Est, 1981. — Duhnke, KPD, op. cit.

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