Par Jacques Droz
Né le 25 octobre 1806 à Bayreuth, mort le 26 juin 1856 à Berlin ; philosophe anarchiste.
Fils d’un fabricant d’instruments de musique, de son vrai nom Johann Kaspar Schmidt, surnommé Stirner à cause de la hauteur de son front, Max Stirner étudia la théologie et les langues anciennes à Berlin, Erlangen et Königsberg. Il était depuis 1830 enseignant dans un gymnase de Berlin, puis dans une école privée de filles, fréquentant assidûment le cercle des Affranchis et en particulier Bruno Bauer dont il devait reprendre les doctrines en les orientant vers l’anarchisme. Déjà en 1842, dans des articles de la Rheinische Zeitung sur « le principe factice de notre éducation », il s’était tourné contre la doctrine romantique de l’« amour », fondement de l’État chrétién, et avait rejeté l’autorité de l’Église et de l’État comme contraires à l’autonomie de l’individu. Dans son livre Der Einzige und sein Eigentum (L’Unique, et sa propriété, 1845), Stirner célébrait l’irréductible exigence du « moi » qui se situait en dehors et au-dessus de toutes les valeurs considérées comme universelles. Ce n’était que par un vaste travail de « désacralisation », en se débarrassant des préjugés moraux dont il avait été abreuvé, en s’ouvrant aux appels de la chair, que l’individu serait sauvé. Ce n’était que quand le « moi » comprenait que lui seul existait que disparaîtraient toutes les formes d’aliénation et que pourraient se reproduire les « réappropriations » politiques et sociales nécessaires. Stirner préconisait en fin de compte une société d’égoïstes dont les besoins d’ailleurs seraient réduits par la pratique de l’ascétisme. Il ne niait pas que les individus dussent avoir des rapports avec leurs semblables, mais ceux-ci seraient volontaires et libres et constamment résiliables. Sur le plan politique, il était hostile au libéralisme parce qu’il favorisait la domination tyrannique de l’État, mais défenseur de la doctrine selon laquelle l’individu avait un droit absolu sur la propriété et la pratique de la libre concurrence, il regardait le communisme comme une doctrine plus oppressante encore que le capitalisme.
Alors que la pensée de Stirner fut vivement attaquée dans L’Idéologie allemande par Marx, elle ne semble avoir exercé aucune influence sur ses contemporains. Ayant échoué dans une entreprise laitière montée grâce aux capitaux de sa femme, il vécut le reste de sa vie dans la pauvreté et l’obscurité. Deux fois même il fut emprisonné pour dettes. Son livre Geschichte der Revolution in Berlin (1852) n’eut aucun succès.
Par Jacques Droz
ŒUVRE : J.H. Mackay, Max Stirners kleinere Schriften und seine Entgegnungen auf die Kritik seines Werkes « Der Einzige... ». Aus den Jahren 1842-1847, 1898. — En français : De l’éducation, introd. par J. Barrué, 1974. — L’Unique et sa propriété, et autres écrits, 1972.
SOURCES : J.H. Mackay, Max Stirner. Sein Leben und sein Werk, Berlin, 1898. — H. Arvon, Aux sources de l’existentialisme : Max Stirner, Paris, 1954. — R.W.K. Paterson, The nihilistic egoist : Max Stirner, Londres, New York, 1971. — A.R. Carlson, Anarchism in Germany, 1, Metuchen NJ., 1972.— C. Menghi, Individualismo, collettivismo, autonomia : dall’estinzione del diritto alla politica dei desideri, Milan, 1984. — J.H. Barker, Individualism and community : the State in Marx and early anarchism, New York, Londres, 1986.