Par Jacques Droz
Né le 11 décembre 1835 à Halberstadt, mort le 7 février 1909 à Bolzen-Gries ; pasteur protestant d’inspiration sociale.
Fils d’un militaire et d’une couturière, la carrière d’Adolf Stœcker fut déterminée par ses études aux facultés de Halle et de Berlin qui étaient les bastions de la nouvelle théologie orthodoxe luthérienne et qui appuyaient la politique prussienne la plus réactionnaire. Pasteur depuis 1873, il fut appelé en 1874 aux fonctions de prédicateur à la Cour et à la cathédrale de Berlin : c’est à ce titre qu’il prit en 1877 la direction de la Mission protestante municipale, dans le but de ramener à l’Église et à la Monarchie les masses ouvrières de plus en plus déchristianisées et conquises par la propagande social-démocrate, œuvre où il déploya enthousiasme et efficacité. Il crut pouvoir en 1877 s’associer à l’Office central pour la réforme sociale (Zentralverein für Sozialreform) et créer en 1878 un Parti chrétien-social des travailleurs (Christlichsoziale Arbeiterpartei) qui s’appuyait sur un programme de réformes, notamment sur la création d’un impôt progressif sur le revenu et les héritages, ainsi que sur la suppression du travail des femmes et des enfants dans les fabriques ; mais ce faisant, outre qu’il mécontentait Bismarck qui pensa même étendre contre lui le Sozialistengesetz, il ne put atteindre le monde des travailleurs : le parti ne compta jamais plus de 250 ou 300 ouvriers. Conscient de son échec, il se tourna vers l’antisémitisme auquel il donna un tour d’abord essentiellement religieux (il excluait les convertis), mais bientôt de plus en plus raciste. Il groupa différents groupes hostiles aux juifs dans une Berliner Bewegung dont il fit l’alliée du Parti conservateur (Deutschkonservative Partei), ce qui lui permit en 1879 d’entrer dans la Chambre prussienne et deux ans plus tard au Reichstag. Cette orientation, qui reposait sur un ressentiment solide à l’égard de la bourgeoisie, s’opposa en 1886-1887 à la politique du « cartel » que poursuivait Bismarck. Ceci l’amena à rechercher l’appui de l’héritier au trône, le futur Guillaume II : d’accord avec Hammerstein et Waldersee, il publia en août 1888 le célèbre Scheiterhaufenbrief (Lettre du bûcher) dans lequel il développait les arguments qui rendaient impossible le maintien de Bismarck à la chancellerie. Ce fut en pure perte : en 1890, il devait abandonner ses fonctions de prédicateur à la Cour. Il remporta un dernier succès en faisant entrer l’antisémitisme qui avait une large audience chez les junkers et dans la petite-bourgeoisie, ainsi que parmi les étudiants, dans le programme de Tivoli (1892) du Parti conservateur. Mais en 1896, il dut quitter le parti avec Hammerstein, lorsqu’il apparut que ses tendances antibourgeoises étaient en contradiction avec l’alliance bourgeoisie capitaliste-junkers qu’exigeait le passage de l’Allemagne à une ère impérialiste.
Par Jacques Droz
ŒUVRE : Christlichsozia. Reden und Aufsätze, 1885.
SOURCES : W. Frank, Hofprediger Adolf Stœcker und die christlichsoziale Bewegung, Berlin, 1928. — T. Heuss, Friedrich Naumann. Der Mann, das Werk, die Zeit, Stuttgart, 1937. — D. Fricke (éd.), 1830-1945. Die bürgerlichen Parteien in Deutschland, 1.1, Leipzig, 1968. — K. Kupisch, Adolf Stœcker, Hofprediger und Volkstribun. Ein historisches Porträt, Berlin, 1970. — G. Brakelmann, M. Greschat, W. Jochmann, Protestantismus und Politik. Werk und Wirkung Adolf Stœckers, Hambourg, 1982.— E.I. Kouri, Der deutsche Protestantismus und die soziale Frage 1870-1918, Berlin, New York, 1984.