Par Jacques Droz
Né le 26 juillet 1855 à Holdenort (Schleswig), mort le 11 avril 1936 à Kiel ; sociologue, théoricien de l’idéal communautaire.
Né dans une famille de petits propriétaires, Ferdinand Tönnies était, par sa mère, lié au milieu pastoral protestant ; son père était un paysan indépendant dont les ancêtres n’avaient pas connu le régime féodal. Mais dans sa province natale commençait à se développer une agriculture capitaliste. Après son habilitation à l’Université de Kiel, Tönnies publia en 1887 son livre Gemeinschaft und Gesellschaft (Communauté et société, 1887) qui eut huit éditions successives et qui exerça une forte influence jusque dans les années trente. Il distinguait entre deux types de rapports socio-culturels, la « Communauté », déterminée par des coutumes et des rites, où les rapports sociaux se caractérisent par l’entr’aide et la confiance mutuelle, où règne la Kultur, et la « société », fondée sur la spéculation et le profit, domaine de la Zivilisation. L’une correspond chez l’homme à une volonté d’agir conformément à l’essence des choses (Wesenswille), l’autre à un choix arbitraire (Kürwille). Ce livre lui valut la nomination comme professeur à l’Université de Kiel, et en 1909, il y fonda la Société allemande de sociologie dont il devint plus tard président. Il fut également un membre actif du groupe de Heidelberg autour de Max Weber, ouvert aux conceptions romantiques dont se nourrissait l’anticapitalisme de Tönnies, qui voyait dans la communauté un organisme vivant, dans la société un agrégat mécanique et artificiel. Cependant Tönnies n’était pas sans se rendre compte du caractère irréversible d’une évolution qui excluait le retour à un passé « organique ». Dans ses dernières œuvres, il exprimait l’espoir de maintenir dans la société moderne les structures de type communautaire, grâce aux syndicats et aux coopératives de consommation. D’où ses affinités avec l’aile réformatrice de la social-démocratie, à laquelle il finit par adhérer en 1932, acte de protestation contre la montée du nazisme et la tolérance dont celui-ci fut l’objet.
Par Jacques Droz
ŒUVRE : Cf. l’article « Ferdinand Tönnies », in Handwörterbuch der Sozialwissenschaften, vol. 10,1961.
SOURCES : E.G. Jacoby, Die moderne Gesellschaft im sozialwissenschaftlichen Denken von Ferdinand Tönnies. Eine biographische Einführung, Stuttgart, 1971. — M. Lowy, Pour une sociologie des intellectuels révolutionnaires. L’évolution politique de Lukacs, 1909-1929, Paris, 1976. — E. Stölting, Akademische Soziologie in der Weimarer Republik, Berlin, 1986.