VOGEL Hans

Par Jacques Droz

Né le 16 février 1881 à Oberartelshofen (Franconie), mort le 6 octobre 1945 à Londres (grande-Bretagne) ; leader social-démocrate antinazi.

Fils d’un cordonnier dont la famille s’établit à Fürth, lui-même sculpteur sur bois, Hans Vogel fut secrétaire du district SPD de Franconie en 1908 et membre du Landtag de Bavière en 1912. Après avoir participé au conseil d’ouvriers et de sol­dats en 1919, il se fît élire à l’Assemblée nationale où par patriotisme il refusa de s’associer à la reconnaissance du traité de Versailles, puis au Reichstag où il repré­senta la tendance parlementaire favorable à l’entente avec les partis bourgeois. A partir de 1927, il appartint au Comité directeur du SPD. Réélu lors de la conférence du parti le 26 avril 1933, il partagea la destinée de Stampfer pendant la crise de 1933, fît partie de la délégation envoyée à Sarrebruck, se rendit à Berlin à la mi-mai pour tenter d’empêcher les députés sociaux-démocrates de voter la « résolution de paix » présentée par Hitler et s’établit en juin à Prague où, vice-président de la SOPADE, il s’avéra l’un des adversaires les plus décidés de toute collaboration avec les communistes, notamment lors de la réunion de novembre 1935 qui l’oppo­sa avec Stampfer à Ulbricht et Dahlem. A Paris où il prit la direction de la SOPADE après la mort de Wels, il prit contact avec les hommes politiques français Jouhaux et Blum, pour associer plus étroitement l’émigration allemande à l’effort de guerre contre l’hitlérisme. Interné lors de la débâcle, mais libéré sur intervention de Blum, il se rendit en France du Sud d’où, grâce à l’organisation mise sur pied par Fritz Heine, il gagna Lisbonne. Au lieu de se rendre aux États-Unis comme prévu, il rejoignit Londres, plus proche de l’Allemagne et dont il savait qu’avec l’appui du Labour Party, le syndicaliste Wilhelm Sander avait préparé une base d’accueil pour le SPD.
Devenu président du Parteivorstand, Vogel n’eut pas en Angleterre une tâche facile : il devait compter sur l’opposition du groupe socialiste de droite autour de Karl Höltermann, des partisans de Neu Beginnen ainsi que des adversaires de la SOPADE qui s’étaient réunis à Paris autour de l’Arbeitsgemeinschaft deutscher Sozialisten. Soutenu par le Labour Party, Vogel fut cependant assez habile pour se rapprocher des groupuscules socialistes de gauche et de constituer avec eux une Union des organisations socialistes en Grande-Bretagne, à laquelle participèrent Erwin Schœttle pour Neu Beginnen, Willi Eichler pour l’ISK et Gustav Spreewitz pour le SAPD ; s’y joignirent les organisations syndicales avec Hans Gottfurcht et les organisations de la jeunesse socialiste. Cette concentration des forces socialistes permit à Vogel, appuyé par Ollenhauer et Heine, de lutter avec succès, d’une part contre ses compatriotes Geyer et Lœb qui, dans le cadre de l’association Fight for Freedom soutenaient les thèses de Vansittart sur la responsabilité collec­tive du peuple allemand et notamment celle de la social-démocratie dans l’avène­ment de l’hitlérisme, d’autre part contre la constitution d’un front populaire d’ins­piration communiste soutenu par l’émigré Victor Schiff qui fut tenté de s’appuyer sur l’URSS pour contrer les desseins des Alliés sur l’Allemagne ; mais les procès de Moscou et le pacte germano-soviétique avaient rendu impossible, même aux yeux des éléments les plus avancés de l’Union, tout rapprochement avec l’URSS. Les plans de l’Union, publiés dans ses Programmatische Richtlinien (Directives programmatiques), envisageaient d’intégrer l’Allemagne devenue une république démocratique et socialiste comme État souverain dans une fédération européenne, de lui éviter toute partition et perte territoriale, de l’aligner sur les puissances occi­dentales en cas de pression de la part de l’URSS ; les directives furent transmises par parachutage aux résistants en Allemagne. Bien sûr, Vogel avait protesté contre le projet de reddition sans condition de l’Allemagne envisagé lors des conférences de Casablanca et de Téhéran. Il avait considérablement renforcé l’autorité du Parteivorstand sur l’ensemble des milieux socialistes allemands ; cependant, quand il voulut organiser une manifestation collective dans le cadre de l’émigration qui au­rait légitimé le « mandat » reçu par la SOPADE en 1933, il fut suivi par Stampfer aux États-Unis, mais se heurta à l’opposition de Paul Hertz, Marie Juchacz, Aufhäuser et de beaucoup d’autres qui étaient conscients des erreurs de l’ancienne social-démocratie.
Pendant la période entre la fin de la guerre et la reconstruction du SED, Vogel eut le temps de prendre position pour Schumacher et contre Grotewohl. Mais il mourut à Londres, le 6 octobre 1945, au moment même de la conférence de Wennigsen où Schumacher reconnut officiellement le « mandat » de la SOPADE. Homme d’une vitalité remarquable et d’un commerce séduisant, Vogel était attaché en Angleterre à des personnalités de premierplan, comme l’éditeur Gollancz qui lui attribua le mérite d’avoir écarté les idées « ridicules » du vansittartisme.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article217137, notice VOGEL Hans par Jacques Droz, version mise en ligne le 23 juin 2020, dernière modification le 9 juin 2020.

Par Jacques Droz

ŒUVRE : Die Betriebsräte. Russische Erfahrungen und deutsche Erwartungen. Eine Auseinandersetzung, 1919. — The Socialist Movement in the War and after the War, 1942. — The Ger­man Worker Movement and German Nationalism, 1942. — Deutschlands Zukunft in der Weltmeinung von haute, 1943.

SOURCES : W. Jaksch, Hans Vogel. Gedenkblätter, Offenbach, 1946. — L.J. Edinger, Sozialdemokratie und Nationalsozialismus. Der Parteivorstand der SPD im Exil von 1933-1945, Hano­vre, Francfort, 1960. — W. Rœder, Die deutschen sozialistischen Exilgruppen in Grossbritannien 1940-1945, Hanovre, 1968. — A. Glees, Exile Politics during the Second World War, : The German Social-Democrats in Britain, Oxford, New York, Toronto, 1982. — Lexikon, op. cit. — Osterroth, op. cit. — Rœder et Strauss, op. cit.

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