WELS Otto

Par Jacques Droz

Né le 15 septembre 1873 à Berlin, mort le 16 septembre 1939 à Paris (France) ; leader social-démocrate de droite, adversaire du nazisme.

Fils d’un cabaretier socialiste, tapissier décorateur de formation, Otto Wels fit dans cette profession ses débuts syndicaux et entra dans l’École du parti dont il de­vint en 1907 secrétaire pour le Brandebourg. Alors qu’il était déjà président de la commission chargée de la publication du Vorwärts, l’amitié de Bebel le poussa dans le Parteivorstand où il fut admis en 1913. Situé d’abord à la gauche du parti, il adopta pendant la guerre les positions de la majorité et se trouva proche d’Eduard David au Reichstag, participant à la rédaction de la revue Die Fackel. Membre du conseil d’ouvriers et de soldats de Berlin, il s’opposa aux spartakistes lors de la réu­nion du cirque Busch. Ayant reçu le commandement militaire de la place de Berlin, il fut fait prisonnier par la division de la Marine populaire et menacé d’être fusillé : il fut sauvé en toute extrémité par la reprise en mains du Palais royal et des écuries par les troupes du général Lequis, agissant sur les ordres d’Ebert. Membre de l’Assemblée nationale qu’il avait contribué à faire nommer régulièrement, puis du Reichstag, il présida le Vorstand avec Hermann Müller depuis 1919. Membre du Comité exécutif de l’Internationale socialiste, il se préoccupa essentiellement sous la République de Weimar des problèmes d’organisation, soucieux d’établir un contact étroit avec les syndicats ouvriers. Il usa de son influence pour faire échouer par la menace de grève générale la tentative de coup d’État de Kapp et plus tard, lorsque la pression de la droite se fit sensible, il fut l’initiateur du Reichsbanner et présida l’Eiserne Front, bien qu’il se soit constamment méfié de Hörsing et de Höltermann qu’il soupçonnait de vouloir constituer un pouvoir parallèle à celui du parti. Ses liens très étroits avec le monde ouvrier firent qu’en 1930 il prit position pour la thèse des syndicats sur les assurances sociales aux chômeurs, ce qui entraîna la chute du cabinet Müller. Très hostile aux communistes et à toute alliance avec l’URSS, il participa cependant avec Stampfer à des négociations, en 1932, en vue d’un pacte de non-agression entre les deux partis ouvriers qui échoua devant le maintien, par le KPD, de la thèse du social-fascisme.
A la tête du Parteivorstand, Wels dut assister impuissant à l’agonie de la social- démocratie, considérablement affaiblie par la politique de tolérance à l’égard du gouvernement Brüning, à laquelle il avait souscrit. Quand eut lieu, le 20 juillet 1932, le coup d’État de von Papen contre la Prusse, malgré la combativité qui ré­gnait dans certains secteurs ouvriers, Wels refusa — d’accord avec Leipart et Severing — de compromettre la légalité et l’existence même du parti dans une rési­stance qui lui parut sans issue, la grève générale n’étant pas envisageable en cette période de chômage : il fallait faire confiance au bulletin de vote socialiste lors des élections suivantes. Après la prise du pouvoir, il justifia l’inaction en laissant penser que Hitler serait incapable de tenir ses promesses et que d’ailleurs il serait contrôlé par ses partenaires conservateurs. En pratiquant l’attentisme légaliste, le parti serait capable, avec les forces dont il disposait, de résister à la persécution comme il l’avait fait au temps de Bismarck. Wels se sentit confirmé dans cette attitude par les élections de mars 1933 qui manifestèrent la fidélité de l’électorat ouvrier au SPD.
Lors de la séance à la Kroll-Oper le 23 mars, il prononça avec un rare courage, devant une assemblée qui poussait des cris de mort, les paroles historiques : « L’on peut nous ôter la liberté et la vie, mais non l’honneur. » Il affirma sa fidélité aux no­tions d’humanité, de justice, de liberté et de socialisme et rendit hommage aux vic­times déjà nombreuses du terrorisme nazi ; mais en repoussant la loi des pleins pou­voirs, il pensait que le SPD serait considéré comme un parti d’opposition à l’inté­rieur du régime. Il ne parvint pas à saisir la spécificité du régime hitlérien. Fin mars, Wels fit à la demande de Göring un voyage en Suisse pour tenter d’atténuer dans la presse étrangère les attaques contre le nazisme et dans le même esprit, il donna sa démission de l’Internationale socialiste (qu’il devait reprendre en mai). Réélu à la tête du Vorstand le 26 avril, il décida, à la suite de la confiscation des biens des syn­dicats, de transférer avec Crummenerl les fonds du SPD (soit 1,2 millions de RM) à l’étranger. Malgré ses scrupules à quitter le sol allemand, il participa, avec les membres du Vorstand qui avaient émigré, à une conférence à Sarrebruck, le 14 mai, où il fut tenté d’agir sur les députés restés en Allemagne autour de Löbe pour qu’ils ne votent pas la « résolution de paix » présentée au Reichstag par Hitler. N’ayant pas réussi à les convaincre, il décida avec ses amis réunis à Sarrebruck de se rendre à Prague pour y reconstituer une organisation illégale à l’étranger, décision qui pro­voqua de violentes réactions à Berlin et un conflit de prérogatives auquel mit fin, le 22 juin, la dissolution du SPD accompagnée de l’arrestation de Löbe.
Depuis la fin de mai, Wels dirigea donc les travaux de la SOPADE à Prague, avec l’appui d’un secrétariat qu’animaient Fritz Heine et Rudi Leeb. Wels fut responsable des relations avec l’étranger, de l’activité des secrétariats de frontière dont il fut avec Emil Stahl (1859-1976) l’organisateur, de la cohabitation avec le parti frère tchécoslovaque DSAP, de la correspondance avec l’Internationale socia­liste qu’il ne réussit pas à faire mener une lutte énergique contre le nazisme, de l’administration des archives Marx-Engels qu’il se refusa de vendre à Moscou, de l’Aide aux réfugiés sociaux-démocrates, des appels de fonds à l’étranger et en par­ticulier aux États-Unis. Très hostile à une orientation du parti vers la gauche, fi fit échouer les tentatives des Revolutionäre Sozialisten (RS) qui mettaient en cause les positions strictement réformatrices de la SOPADE, fit exclure Aufhäuser et Böchel et interdit la poursuite des publications de Neu Beginnen. Hostile à la tentative des émigrés allemands de Paris de former un Front populaire, il s’opposa également à la tentative de Paul Hertz de constituer un cartel de toutes les formations socia­listes, dans lequel la SOPADE ne constituerait qu’une unité : il veilla rigoureuse­ment au maintien de la thèse du « mandat » dont se prévalait la SOPADE. Depuis 1935, il comptait uniquement sur l’aide de l’armée et de la haute bourgeoisie pour renverser le régime et prit dans ce sens des contacts avec la Résistance conserva­trice : Brüning, Treviranus, Erich Alfringhaus et même Otto Strasser. Laissant pour des raisons de santé une place de plus en plus importante à Stampfer et Vogel, il fut hospitalisé à Copenhague, pour venir mourir en septembre à Paris où s’était établie la SOPADE.
Wels fut le représentant le plus remarquable de la génération des militants so­cialistes de la République de Weimar. D’un courage et d’un dévouement hors pair, ses talents orientés vers les problèmes d’organisation ne lui permirent pas de trou­ver les solutions qui eussent sauvé la social-démocratie du désastre.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article217155, notice WELS Otto par Jacques Droz, version mise en ligne le 23 juin 2020, dernière modification le 11 juin 2020.

Par Jacques Droz

SOURCES : G. Plum, « Volksfront, Konzentration und Mandatsfrage », in Vierteljahreshefte für Zeitgeschichte, no. 18, 1970. — H J.L. Adolph, Otto Wels und die Politik der deutschen Sozialdemokratie 1894-1939. Eine politische Biographie, Berlin, 1971. — H. Schulze, Anpassung oder Widerstand, Braunschweig, Bonn, Bad Godesberg, 1975. — Osterroth, op. cit. — Rœder et Strauss, op. cit. — Benz et Graml, op. cit.

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