WOLFF Wilhelm

Par Jacques Droz

Né le 21 juin 1809 à Tarnau (Silésie), mort le 9 mai 1864 à Manchester (Grande-Bretagne) ; leader socialiste, proche de Marx et d’Engels.

Né dans un modeste village de Silésie de parents petits propriétaires qui, vic­times de la procédure de rachat propre à la naissance du capitalisme en Prusse, de­vaient la corvée sur la terre de leur seigneur, Wilhelm Wolff put, grâce aux sacrifices pécuniaires de ses parents, poursuivre ses études au lycée de Schweidnitz puis, en donnant des leçons particulières, à l’Université de Breslau. Son activité comme étu­diant démocrate lui valut d’être incarcéré pendant trois ans au Siberberg, dont il sor­tit pour devenir précepteur dans des familles de l’aristocratie. Établi depuis 1843 à Breslau, Wolff fut correspondant de plusieurs journaux silésiens et saxons dans les­quels il décrivit le sort du prolétariat urbain et rural ; notamment ses articles sur les « casemates » de Breslau émurent profondément l’opinion. À la suite de la révolte des tisserands silésiens, son livre Das Elend und der Aufruhr in Schlesien (La Mi­sère et le soulèvement en Silésie, 1845) le mit en rapport avec les organes du « so­cialisme vrai » de l’époque, Deutsches Bürgerbuch et Das Westfälische Dampfboot et à Paris avec le Vorwärts ! auquel collaboraient Marx et Engels. De nouveau poursuivi, il s’exila à Londres, puis à Bruxelles où il se lia aussitôt avec les fonda­teurs du mouvement communiste qui apprécièrent sa culture, son humour et sa pé­nétrante intelligence et dont il devait devenir l’ami le plus efficace et le plus fidèle. Il devint secrétaire du Brüsseler kommunistisches Korrespondenzkomitee qu’il réussit à mettre en rapport avec les compatriotes silésiens, afin de les dégager des illusions du « socialisme vrai ». Cofondateur du Bund der Kommunisten, rédacteur assidu de Deutsche-Brüsseler-Zeitung et membre de la Société démocratique de Bruxelles, il apparut déjà comme celui qui avait le mieux compris la doctrine mar­xiste de l’époque et la possibilité d’alliances avec les milieux démocratiques et pay­sans contre l’absolutisme féodal qu’elle comportait. Par ailleurs, ses contributions au journal Das Westfälische Dampfboot constituèrent une peinture réaliste des ré­voltes de la faim en Belgique et en Allemagne au début de l’année 1847.
Dès la révolution de Février, il suivit Marx à Paris où il entra en relation avec les ouvriers allemands émigrés et cosigna le texte des « dix-sept exigences » (Forderungen), qui devait devenir le programme des communistes pendant les événe­ments de 1848. Avant même que Marx et Engels eussent regagné l’Allemagne, il y fut envoyé pour convertir au Bund le plus grand nombre possible d’Arbeitervereine. C’est ainsi qu’il prit des contacts à Mayence, où il put s’appuyer sur deux membres du Bund, Karl Wallau et Adolph Cluss, à Cologne, à Hanovre, à Berlin enfin, où il ne put s’entendre avec Stephan Born. Arrivé à Breslau en pleine période électo­rale, il tenta d’appuyer les candidatures démocrates même si elles ne convenaient pas à ses idées, comme dans le cas d’Arnold Ruge ; lui-même fut élu député remplaçant au Parlement de Francfort. Dans la Schlesische Chronik mise à sa disposi­tion par le démocrate Moritz Elsner, il défendit les intérêts du prolétariat silésien. Il était bien conscient cependant que l’immaturité de la classe ouvrière ne rendait pas réalisables les dix-sept exigences et qu’il fallait se contenter provisoirement de consolider les acquis démocratiques.
En juin 1848, Wolff fut appelé par Marx à Cologne pour prendre le secrétariat de la rédaction de la Neue Rheinische Zeitung, dont il fut pratiquement le directeur pendant les absences de Marx et cela bien qu’il fût obligé de vivre dans l’illégalité pendant quatre mois. Il participa d’ailleurs activement à la vie politique colonaise en tant que membre de l’Arbeiterverein et de la Demokratische Gesellschaft. Ses propres interventions dans le journal portaient essentiellement sur la question agraire, dont il reprit l’exposé dans les nombreux articles qu’il consacra à la compo­sition des diverses classes sociales à l’occasion des menaces contre-révolutionnaires de septembre 1848, de la campagne électorale de janvier 1849 et des mesures prises pour la défense de la Constitution du Reich au printemps 1849. Dans ses ar­ticles sur les milliards (Die schlesischen Milliarden, avril 1849) volés à la paysan­nerie silésienne sous prétexte de libération de la sujétion héréditaire, il fit le procès de la voie « prussienne » vers le capitalisme et soutint que le mécontentement pay­san devait être utilisé pour la constitution d’un parti révolutionnaire dont Marx, dé­çu par le retournement de la bourgeoisie, envisagea la formation par le regroupe­ment des Arbeitervereine.
N’ayant pu jouer aucun rôle au Parlement de Francfort où il avait remplacé le député Stenzel, défaillant, ni à Stuttgart, son dernier refuge, Wolff émigra en Suisse où il travailla à la reconstitution de la Ligue des communistes : après avoir appar­tenu quelque temps à une organisation petite-bourgeoise, Revolutionäre Zentralisation, qu’inspirait le révolutionnaire saxon S.E. Tzschirner et qui envisageait la restauration d’une « république social-démocrate » allemande, mais dont il dénon­ça l’orientation douteuse à ses amis de Londres, il s’employa aux côtés de Ernst Dronke à protéger la Ligue de la tendance fractionnelle Willich-Schapper. La surveillance policière l’obligea en 1851 à chercher un refuge plus lointain : il pensa aux États-Unis, mais s’arrêta en Angleterre où, malgré quelques brumes passa­gères, il resta l’ami intime de Marx, l’aidant à publier l’hebdomadaire Das Volk et lui fournissant du matériel dans sa polémique avec Karl Vogt. Devenu professeur à titre privé à Manchester, il chercha vainement à retrouver sa nationalité prus­sienne et mourut peu de temps avant la fondation de la Première Internationale. Il laissa à Marx quelques milliers de livres qui lui permirent de terminer Le Capital qu’il dédia à Wilhelm Wolff.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article217222, notice WOLFF Wilhelm par Jacques Droz, version mise en ligne le 23 juin 2020, dernière modification le 9 février 2022.

Par Jacques Droz

ŒUVRE : Gesammelte Schriften. Nebst einer Biographie Wolffs von Friedrich Engels, éd. par F. Mehring, 1909.

SOURCES : W. Schmidt, Wilhelm Wolff Sein Weg zum Kommunisten 1809-1846, Berlin-Est, 1963 ; Wilhelm Wolff Kampfgefährte und Freund von Marx und Engels 1846-1864, Berlin-Est, 1979 ; « Wilhelm Wolff », in Männer der Revolution von 1848, 1, Berlin-Est, 1970. — Lexikon, op. cit. — BLDG, op. cit.

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