FORTI Ernesta (ou Madeleine) [épouse SICARD, dite femme Constant MARTIN] [Dictionnaire des anarchistes]

Par Rolf Dupuy, Marianne Enckell, Dominique Petit

Née le 17 mars 1848 à Lodi (Italie) ; laitière ; compagne de Constant Martin à Paris et à Londres.

Photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York

Ernesta Forti tenait avec Constant Martin une crémerie à l’enseigne « La ferme normande » 3 rue Joquelet (actuelle rue Léon-Cladel) à Paris 2e.
M. Orsatti, commissaire de police, assisté de M. Fédée, qui dirigeait personnellement les inspecteurs de sa brigade la Préfecture de police, était arrivé le 27 février 1894, à onze heures et demie du soir, rue Joquelet, à la crémerie de Constant Martin pour y faire une perquisition. La boutique était fermée et Ernesta Forti, couchée. Après s’être fait ouvrir, le commissaire de police et M. Fédée avaient trouvé dans la maison, indépendamment d’Ernesta Forti et de son fils Alfredo, un nettoyeur de carreaux nommé Barbier. Barbier, selon certains journaux, avait été trouvé couché dans le logement d’Ernesta Forti. Au poste de police de la rue de la Banque, où M. Orsatti lui avait fait subir un assez, long interrogatoire ; Barbier avait opposé un refus formel de répondre. Il avait déclaré n’avoir pas de domicile et s’était refusé à donner aucune explication relativement à ses rapports avec le monde anarchiste.
La police mis mettait en état d’arrestation ces personnes et, après avoir fait dans toute la maison une minutieuse perquisition, ils emportèrent de nombreux ballots de papiers, des lettres et en général tous les imprimés qu’ils avaient pu découvrir. Ils se rendirent avec les personnes arrêtées, au poste de police de la rue de la Banque,
Quant à Constant Martin, il n’était pas reparu rue Joquelet, il se trouvait en exil à Londres depuis le 15 février 1894.
Ernesta Forti fut libérée, en même temps que son fils le 5 mars 1894. Elle aurait aussitôt ouvert son magasin, avec Louis Barbier, son garçon de salle depuis 6 mois, libéré le 2 mars. Le dossier d’Ernesta Forti à la Préfecture de police portait le n°227.252.
Ernesta Forti avait été expulsée, avec son fils, par arrêté du 8 mars 1894 et avait gagné Londres pour y retrouver Constant Martin. Elle arriva à Londres le 23 mars 1894.
Le 19 avril 1894, l’indicateur Satin faisait savoir qu’elle travaillait chez le tailleur Sicard et qu’elle et son mari étaient « très malheureux ». Le 10 octobre 1894, son adresse était 21 Hampstead Road où elle demeurait avec Alfredo ; Constant Martin au même moment demeurait 42 Faby street, Fitzroy square.
A Londres, Constant Martin et sa maîtresse se brouillèrent-ils ? C’était la version donnée par la presse. Mais Charles Malato, compagnon d’exil donnait une tout autre version. Constant Martin aurait eu l’idée de permettre à E. Forti de devenir française en se mariant à un français et de pouvoir ainsi faire annuler l’arrêté d’expulsion : « Parbleu ! Ruminait Constant Martin, si je pouvais seulement épouser ma femme ! » Mais il était déjà marié, bien que séparé. « Eh mais, j’y pense, dit un jour le proscrit à sa compagne, si tu te mariais avec un autre ? » et Martin de poursuivre : « il n’y a pas à tergiverser. Léontine, lequel de nos compagnons désires-tu épouser ? » Et Ernesta Forti de choisir Sicard, chez qui elle travaillait à Londres.
Le 24 avril 1894, l’indicateur Z.7 annonça son mariage avec Sicard, tailleur, établi à Londres depuis quelques années, qui reconnut en même temps le jeune Alfredo. S’agissait-il d’un mariage blanc ? Pour Malato, en tout cas il n’y avait pas de doute : « Sicard embrassant chastement sa femme sur le front et serrant la main de Constant Martin, s’en retourna seul vers son domicile. » Mais Sicard était veuf et pouvait voir la situation autrement.
Le 15 mai 1894, Z.7 notait qu’elle ne partirait que dans un mois, craignant actuellement d’être arrêtée.
Le 19 mai 1894, Z.6 indiquait que le mariage qu’elle avait contracté à Londres n’était pas valable.
Le 24 mai 1894, selon Z.7, Ernesta Forti attendait la fin du procès pour association de malfaiteurs, pour se rendre à Paris. Elle était en correspondance avec Louis, gérant de sa crémerie. Les lettres sans importance étant envoyées rue Jocquelet et les autres rue d’Aboukir.
Le 1er juin 1894, l’indicateur Satin indiquait que le mariage civil d’Ernesta Forti avec Sicard avait eu lieu au consulat de France, il précisait : « Elle n’a consenti à s’unir avec Sicard que pour acquérir la nationalité française, et son intention est de continuer à cohabiter librement avec Constant Martin, qui en ce moment habite dans Hampton road. Mais Sicard a eu de la peine à se décider à renoncer à ses droits d’époux. Quelques compagnons ont même dû intervenir auprès de lui à ce sujet. »
Le 25 juin 1894, d’après Z. 6, sur les conseils de Rochefort, elle venait d’écrire au ministre de l’intérieur, devant passer huit jours à Paris pour régler ses affaires. Elle serait accompagnée par Simonnet un sculpteur âgé de 20 ans.
Le 17 juillet 1894, Z.6 notait que Sicard recevait du courrier chez Ernesta Forti.
Le 3 août 1894, l’indicateur Léon transmettait un rapport indiquant que les anarchistes de Londres « guettaient comme une proie » la somme (de 15.000 francs environ) qu’Ernesta Forti devait toucher pour l’expropriation de la crémerie, estimant que Constant Martin pourrait en réserver une partie, pour financer des actions de propagande par le fait.
Le 23 août 1894, Z.1 annonçait qu’Ernesta Forti était à Paris où elle tenait de nouveau sa crémerie. D’après Jarvis dans son rapport du 23 août 1894, elle devait payer 750 francs de charges échues, pour ne pas perdre ses droits sur ce commerce exproprié.
Le 10 septembre 1894, Jarvis indiquait dans son rapport que « la femme Constant Martin ayant réglé ses affaires arrivera dans 8 jours ».
Le 17 septembre 1894, l’indicateur a.41 indiquait qu’elle était en France, sous le nom de Mme Sicard pour terminer ses affaires.
Le 22 septembre 1894, a.41 indiquait qu’Ernesta Forti revenait à Londres lundi prochain, venant de Paris.
Le 22 octobre 1894, Jarvis notait qu’elle était partie hier pour Paris.
Le 23 octobre 1894 Ernesta Forti était de retour à Paris. Elle présenta au commissaire de police de son ancien quartier des papiers constatant son mariage avec Sicard, de nationalité française. Ayant acquis de ce fait la qualité de française, elle rouvrait son ancienne crémerie de la rue Joquelet.
Ernesta Forti retourna-t-elle à Paris avec Constant Martin en 1896, où ils auraient repris leur logement du 22 rue Cadet (9e arr.) ?
Lorsqu’il était revenu de Londres, celui-ci logeait dans les locaux du Libertaire au 2ème étage du 3 passage Briquet puis 10 bis rue Goeffroy Marie, selon l’état récapitulatif du 31 décembre 1896.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article217340, notice FORTI Ernesta (ou Madeleine) [épouse SICARD, dite femme Constant MARTIN] [Dictionnaire des anarchistes] par Rolf Dupuy, Marianne Enckell, Dominique Petit, version mise en ligne le 2 septembre 2019, dernière modification le 22 juillet 2021.

Par Rolf Dupuy, Marianne Enckell, Dominique Petit

Photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York
Fiche photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York

SOURCES :
La Gazette nationale 28 février 1894 — La Gaulois 24 octobre 1894 — Le Temps 28 février 1894 — Journal des débats 7 et 9 mars 1894 — La Presse 10 mars 1894 — Le Petit caporal 17 octobre 1894 – Le Radical, 18 et 19 octobre 1894 — Constance Bantman, op. cit. — Archives de la Préfecture de police Ba 1500,1509 — Les anarchistes contre la république de Vivien Bouhey. Annexe 56 : les anarchistes de la Seine — Notice d’Ernesta Forti et de Constant Martin du Dictionnaire des militants anarchistes — Les joyeusetés de l’exil par Charles Malato. Acratie 1985, p.89 à 93

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