Par Eric Panthou
Né le 11 mai 1916 à La Baffe (Vosges), mort sous la torture courant mai 1944 à Royat (Puy-de-Dôme) ; militaire de carrière ; résistant au sein de l’ORA.
Fils de Emile, cultivateur, et de Marie, Alice, née Leblanc, sans profession, Marcel Vogel se maria avec Suzette Bon le 20 novembre 1937. Ils eurent deux enfants. Ils habitèrent vraisemblablement dans les Vosges avant guerre.
Militaire de carrière et sergent chef, il a été affecté au 92ème RI à Clermont-Ferrand dès la reformation de ce régiment en octobre 1940.
La famille habitait alors dans une pension 36 place Marcel Sembat à Montferrand, quartier de Clermont-Ferrand. Après le départ de sa femme et de ses enfants en mai 1943, rentrés à Bruyères (Vosges), à sa demande, il conserva son appartement jusqu’au 22 septembre 1943, date à laquelle il disparut pour son logeur.
Au début de 1941, il avait été affecté au 2ème Bureau de l’état-major de la 13éme région militaire, dont le siège était à Clermont-Ferrand. Après la dissolution de l’Armée en novembre 1942, il s’affilia à l’organisation régionale de l’ORA dont le chef était le lieutenant-colonel Boutet et il accomplit des missions pour ce service jusqu’en septembre 1943. Il agit en particulier avec François Marzolf et il habitaient ensemble les derniers jours avant l’arrestation de Vogel. Marzolf fut arrêté plus tard et fusillé.
Marcel Vogel a été arrêté le 1er octobre 1943 dans les bâtiment de la 13éme division Militaire Cours Sablon à Clermont-Ferrand en même temps que les colonel Boutet, de Gugnac, le commandant Maselone les capitaines de la Blanchardière et Waag. Ce coup de filet démantela l’ORA en Auvergne.
L’intéressé aurait été dirigé avec ces officiers dans la prison militaire allemande du 92éme RI. Dans un premier temps, et au moins jusqu’à 1945 et les annonces faites à sa femme, il fut considéré qu’il avait été transféré au SD à Vichy et s’était alors suicidé pour ne pas parler.
L’enquête permit d’établir que les rapports de l’état major après-guerre établissant que Vogel s’était suicidé en prison, reposaient exclusivement sur les aveux du Milicien Georges Mathieu, repris dans un rapport de police du 7 août 1945. Les recherches faites à Vichy sur les instructions du parquet d’Epinal, suite à la demande de son épouse, sont demeurées infructueuses en 1945 pour confirmer ce suicide. Le Procureur d’Epinal sollicita donc en octobre 1945 un complément d’enquête auprès de ses compagnons de détention. L’enquête révéla des contractions dans les différents témoignages, notamment celui du Milicien Georges Mathieu qui avait déclaré que Vogel s’était pendu dans sa cellule après avoir dénoncé trois personnes, dont le commandant de gendarmerie Fontfrède, bientôt arrêté et mort en déportation. Bien que l’enquête reconnut que la crédibilité de Mathieu devait être considérée comme nulle, les témoignages de deux anciens Résistants de l’ORA permirent de penser que Vogel avait pu commettre des erreurs ayant conduit à son arrestation et celles d’autres camarades. Ce fut d’abord le témoignage d’un ancien supérieur de Vogel dans la Résistance, le commandant Spindler, chef du bureau de documentations à la XIIème région militaire. On reprocha à Vogel ses dépenses excessives, un vol d’essence et surtout de ne pas avoir abattu l’indicateur du SD, Marin, contrairement à ce qu’il affirma et à la mission qui lui avait été donnée. Le 28 septembre 1943, le colonel Boutet lui donna l’ordre de rejoindre immédiatement un nouveau poste en Savoie. Le 30 septembre, apprenant que Vogel était encore là, Boutet réitéra son ordre. Un agent du 2ème Bureau affirma au commandant Splinder avoir vu Vogel en conversation avec des militaires allemands boulevard Trudaine, juste à côté du siège de l’état-major de la 13ème Région militaire, quelques jours avant le coup de filet réalisé le 1er octobre auprès de cet état-major. Là encore, comme pour celui de Mathieu, le témoignage de l’agent pouvait être remis en cause puisqu’il fut à la Libération condamné aux Travaux forcés après avoir été déporté. Le témoignage de Pierre Pauly, qui avait été avec lui agent du 2ème Bureau puis membre de l’ORA précisa qu’il avait été prévenu en septembre 1943 par des membres de la Résistance que l’attitude de Vogel était suspecte. Celui-ci rencontra le colonel Boutet le 22 septembre. Après les arrestations du 1er octobre, selon Pauly, des bruits commencèrent à circuler sur Vogel. Le sergent-chef Trillaud déclara à Pauly que Vogel aurait été dépité de ne plus recevoir les fonds qu’il escomptait de la Résistance mais aussi une voiture, s’étant vu reproché le fait de ne pas avoir mené à bien certaines missions. C’est ainsi que certains purent émettre l’hypothèse qu’il avait été à l’origine de la dénonciation qui provoqua les arrestations du 1er octobre. Pauly précisa que selon lui, Vogel était incapable d’une telle trahison et que cette suspicion ne fut jamais vérifiée. En revanche, il estima que la vie privée de Vogel et ses nombreuses relations étaient incompatibles avec ses fonctions dans la Résistance. Il avait pu à l’occasion d’une indiscrétion malencontreuse avoir jouer un rôle involontaire dans cette affaire. L’enquête estima que "le faisceau de présomptions à l’encontre du sergent-chef Vogel ne constitua pas une preuve de trahison". Tous ses camarades de détention ayant été fusillés ou étant morts, le seul témoin direct de son décès fut un ancien prisonnier qui à la Libération fut condamné aux travaux forcés. Jean Perret avait en effet été détenu avec Vogel. Il déclara que Vogel était décédé suite à un interrogatoire du SD qui dura 3 jours dans la 2ème villa du SD à Royat. . Perret qui était chargé de l’entretien des véhicules du SD en profitait pour amener de la nourriture aux prisonniers et courant avril 1944, sans qu’il puisse se rappeler de la date, il trouva le corps de Vogel sur le tas de charbon de la cave. Il fit cette déclaration le 15 février 1946. L’enquête ne permit pas de trouver un acte de décès correspondant à Chamalières ou Royat et on ne trouva pas trace de lui dans les registres de l’Hôtel-Dieu ou aux Pompes funèbres, que cela soit à Clermont-Ferrand ou Vichy. Jean Perret fut à la Libération condamné aux travaux forcés et incarcéré à Riom. Interrogé de nouveau le 28 mai 1946, Perret confirma et précisa les faits. C’est en descendant à la cave de l’annexe du SD à Royat, là où étaient les cellules, qu’il vit le corps de Vogel qui avait été son compagnon de cellule durant 3 jours à la prison du 92ème RI de Clermont-Ferrand. Selon lui, le corps et le visage portaient des traces des mauvais traitements subis. Le lendemain, le corps n’y était plus. C’est un français, chauffeur du SD qui informa alors Perret que le cadavre de Vogel avait été transporté le soir vers 21h vers l’aéroport d’Aulnat pour y être enterré, ou sur les hauteurs de Chanturgue, une des collines surplombant Clermont-Ferrand.
Il a été reconnu "Mort pour la France". Sur son acte de naissance, il est indiqué que le décès est survenu à Clermont-Ferrand le 5 octobre 1943.
Sur la base Mémoire des Hommes, il est signalé comme homologué résistance intérieure française (RIF) et résistant isolé. La cause de sa mort selon cette base serait le suicide.
Son nom figure sur le Monument aux Morts de Brouvelieures (Vosges).
Par Eric Panthou
SOURCES : Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 908 W 522 : affaire de l’état major de la 13éme région militaire, octobre 1943 .— AVCC Caen, AC 21 P 174752, dossier Marcel Vogel (non consulté) .— SHD Vincennes, GR 16 P 598403, dossier Marcel Vogel (non consulté) .— Gilles Lévy, A nous Auvergnes, Paris, Presses de la Cité, 1981, p. 88 .— Mémoire des Hommes .— Mémorialgenweb .— État civil La Baffe.