DECLERCQ Gilbert, Joseph

Par Yves Le Maner, Claude Pennetier

Né le 15 août 1896 à Halluin (Nord), mort dans des circonstances troubles en septembre 1944 dans la région de Nîmes (Gard) ; ancien tisserand ; syndicaliste et militant socialiste, puis communiste du Nord ; secrétaire de la Bourse du Travail CGTU d’Halluin ; secrétaire régional du Textile CGTU, secrétaire adjoint de la Fédération unitaire du Textile-Habillement ; secrétaire de la 1re Union régionale unitaire (1930-1933) ; maire d’Halluin (1935-1940) ; député du Nord (1936-1942) ; rupture avec le PC en 1939.

Gilbert Declercq naquit dans une famille très modeste que la mort, alors qu’il n’avait que neuf ans, de son père, ourdisseur, plongea dans la misère. Son acte de naissance mentionne que le père et les témoins ont déclaré « ne savoir signer ». Il quitta l’école pour travailler avec sa mère au cannage des chaises avant de devenir apprenti tisserand en 1909. Deux ans plus tard, il adhérait aux Jeunesses socialistes dont il devint le secrétaire pour Halluin en 1913, poste qu’il conserva jusqu’en 1920. Pendant l’occupation allemande de 1914-1918, il fut emprisonné à plusieurs reprises pour avoir refusé de travailler pour les troupes ennemies.
Rallié aux thèses de la IIIe Internationale dès 1920, il fut élu secrétaire de la Bourse du Travail d’Halluin en 1921. Quelques mois plus tard, il entraînait cette organisation dans l’affiliation à la CGTU tout en participant à la mise en place des structures locales du PC. Ce véritable colosse, trapu, à la tête large et massive allait faire d’« Halluin la Rouge » la citadelle principale du PC dans la région lilloise. Énergique, orateur violent, Gilbert Declercq allait asseoir une immense popularité personnelle sur son action lors des grèves du textile qui secouèrent Halluin au cours des années 1920. Sa connaissance de la langue flamande lui permettait de s’adresser aux nombreux ouvriers belges et français qui la parlaient. Ses talents d’agitateur et de propagandiste furent renforcés par un séjour à l’école léniniste de Bobigny de septembre 1924 à mars 1925 d’où il revint avec la tâche précise de mettre en place la « bolchevisation » dans la région lilloise. Élu conseiller municipal d’Halluin aux élections de mai 1925, désigné comme deuxième adjoint au maire, il devint immédiatement la cible privilégiée des services de police. Déjà condamné à quinze jours de prison avec sursis et 100 F d’amende en mai 1921 pour « provocation de militaires à la désobéissance », Gilbert Declercq fut déféré devant le tribunal de Lille le 12 octobre 1925 pour « entraves à la liberté du travail ». Il fut relaxé, mais ce n’était que partie remise. En effet, en juin 1926, le même tribunal le condamnait à six mois de prison ferme pour « coups et blessures et entraves à la liberté du travail » à la suite de son action contre la guerre du Rif. À sa sortie de prison, en janvier 1926, le Parti communiste l’avait présenté à l’élection complémentaire du conseil d’arrondissement dans le canton de Carnières (Nord). Révoqué de ses fonctions d’adjoint par décret du 15 juin 1926, il redevint simple conseiller municipal, et ce jusqu’au 3 septembre 1927, date à laquelle il fut triomphalement réélu adjoint.
Quelques jours après sa sortie de prison, il avait représenté le PC à des législatives partielles organisées le 12 décembre 1926 et avait décidé, en accord avec la direction régionale du PC, d’abandonner la direction de la Bourse du Travail d’Halluin pour se consacrer à un rôle d’animateur de grèves dans les centres textiles de l’agglomération lilloise. Ce fut à ce titre qu’il joua un rôle déterminant à la grande grève dite « des corons » à Lille, Armentières et Halluin, en 1928. Sa candidature fut un temps envisagée pour les élections législatives d’avril 1928. La même année, il était nommé secrétaire adjoint de la Fédération CGTU du Textile-Vêtement, en remplacement de Foulon. Ce fut à cette époque que le comité régional du PC, auquel il appartenait, le chargea de relancer l’action syndicale dans le Nord pour tenter de pallier l’inquiétante baisse d’effectifs enregistrée par la CGTU dans ce département. Bien qu’étant théoriquement représentant de commerce, Declercq se consacrait alors entièrement à l’action politique et syndicale et ce à tous les niveaux. Secrétaire des syndicats du Bois et du Bâtiment d’Halluin, il fut nommé secrétaire régional du Textile en 1929, puis secrétaire de l’Union régionale des syndicats unitaires (1re URU) en 1930, aux côtés de Bourneton*, alors que Porreye* faisant l’objet d’une procédure d’éviction. Monmousseau ayant mis en cause la responsabilité de la Région du Nord, en particulier celles de Jacob et de Declercq, dans l’échec des grèves du Nord, il intervint au VIe congrès du PC, à Saint-Denis, le 4 avril 1929, pour déclarer : « si nous avons commis des fautes, le centre en a commis aussi ». Il dirigea la grève des dockers de Dunkerque en 1930 et la grève du Textile de l’agglomération lilloise de 1931 contre les réductions de salaires imposées par le Consortium qui devait entraîner les incidents violents connus sous l’expression de « barricades de la rue des Longues Haies » à Roubaix et amener à nouveau Declercq devant le tribunal de Lille, qui cette fois l’acquitta. Malgré son action énergique, Gilbert Declercq fut sévèrement critiqué par Maurice Thorez dans son discours de clôture au comité central des 26-28 août 1931 qui déclara en conclusion : « le camarade Declercq vient bavarder à la tribune du CC. Comment s’étonner alors si on ne réalise pas dans sa région ». Cette allusion concernait à la fois l’effondrement des effectifs du PC dans le Nord et les sérieux démêlés de la direction régionale qu’avait menée Jacob* avec la direction nationale.
Sa popularité lui évita un « limogeage » immédiat, mais il dut transmettre le secrétariat général de l’URU à Bourneton en 1933. Élu maire d’Halluin en 1935 à la suite du décès de G. Desmettre, il fut désigné comme candidat du PC, qu’il avait déjà représenté en 1932 (5 728 voix au 1er tour, 7 995 au second), dans la 10e circonscription de Lille dont Halluin était le centre. Il l’emporta de justesse au second tour avec 12 932 voix sur 25 838 suffrages exprimés devant le candidat de droite, Bataille. À la Chambre, Gilbert Declercq fit partie de la Commission de l’administration générale, départementale et communale, à celle de l’hygiène et à celle de la santé publique (en 1938). Toujours membre du comité fédéral du PC du Nord, il appartint également au secrétariat de l’UD-CGT du Nord avant l’éviction des communistes décidée par Georges Dumoulin.
Comme plusieurs autres dirigeants syndicalistes et communistes du Nord, Gilbert Declercq rompit avec le Parti communiste après la conclusion du Pacte germano-soviétique ; il démissionna officiellement du groupe communiste le 4 octobre 1939. Cependant il ne semble pas que le maire d’Halluin ait condamné immédiatement le Pacte. Dès le 26 août 1939 au matin, les militants de sa ville distribuaient un tract, vraisemblablement inspiré par lui, pour approuver le traité de non-agression. De plus sa veuve n’a pas gardé le souvenir d’une réaction critique à l’égard du Pacte. L’évolution de Declercq fut mal acceptée par des militants d’Halluin qui le chassèrent violemment d’un café alors qu’il expliquait son attitude et le menacèrent. Il dut quitter la ville à la fin de l’année 1939 (et définitivement en mars 1940). Le 16 janvier 1940 il adhéra au groupe parlementaire de l’Union populaire française (UPF) créée le 8 décembre 1939 par Brout, Capron, Fourrier, Loubradou et Nicod. Lors du processus d’application de la loi du 20 janvier 1940, il fut absous par la commission et échappa donc à la déchéance prononcée contre la plupart des parlementaires communistes. Co-signataire de la motion Bergery, il vota la loi du 10 juillet 1940 donnant les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain. Installé à Tours (Indre-et-Loire) en mars 1940, la famille Declercq partit pour Bordeaux (Gironde) en mai. Après son séjour à Vichy en juillet il gagna Nîmes (Gard) où pendant deux ans sa femme et lui tinrent une épicerie, bois et charbons, rue Ménard. Le Parti ouvrier paysan français de Marcel Gitton et Marcel Capron utilisa son nom dans le tract intitulé « Aux ouvriers communistes » de septembre 1941 et dans la « Deuxième lettre ouverte aux ouvriers communistes » (printemps-été 1942) comme membre du comité central du POPF mais les personnes citées n’avaient pas été toutes consultées. Est-ce le cas de Declercq ? En janvier 1943, il figurait sur la liste des « traîtres » établie par le Parti communiste. Selon les renseignements recueillis par G. Bourgeois auprès de son fils, René Declercq : « le ravitaillement manque à Nîmes et au bout de deux ans, la famille décide de remonter vers Saint-Jean-du-Gard. Ils s’arrêtent avec l’autobus au village des Plantiers qui compte alors quatre cent habitants. Ils s’installent là jusqu’à la fin de la guerre et Gilbert Declercq, recherché par la Gestapo, échappe à leur visite fin 1943 en se réfugiant à Barre des Cévennes. En juin 1944, avec son fils René, qui vient de quitter l’armée d’armistice où il s’était engagé en octobre 1941, Gilbert Declercq rentre dans la Résistance. Il est chef du ravitaillement dans les maquis des Plantiers-Dame de la Rouvière. Avec les Résistants, il descend en camion sur Nîmes et arrive en août en même temps que les blindés américains. Sous le contrôle des autorités de Libération, Gilbert et René restent tous les deux à Nîmes. Ils se rencontrent quotidiennement à midi pour déjeuner, dans un restaurant où les repas sont offerts aux Résistants. Le 26 septembre, alors qu’ils avaient rendez-vous comme tous les jours, Gilbert Declercq est absent. D’après René Declercq, il a été enlevé dans la nuit par les miliciens de Darnand qui venaient faire des raids nocturnes à ce moment-là et l’hôtel de son père était insuffisamment protégé. Gilbert Declercq n’est jamais réapparu » (G. Bourgeois, op. cit., annexes p. 9). Sa fiche de police (Arch. Jean Maitron) donne une version différente : « il a été arrêté, le 24 septembre 1944, par des FFI aux Plantiers (Gard) ». Plusieurs témoignages de militants communistes, dont celui de Ramette, renforcent l’hypothèse d’une élimination par un groupe de FTP. Officiellement, par une décision du tribunal civil de Lille, en date du 2 mars 1948, G. Declercq aurait été arrêté par les Allemands le 26 septembre 1944, dans la région de Nîmes, et exécuté quelques jours plus tard ; il fut donc reconnu « Mort pour la France ». Son nom fut gravé sur le monument aux morts d’Halluin comme FFI « Mort pour la France » (jugement du 21 mars 1949, tribunal civil de Lille). Son fils naturel, Dewries a joué, un rôle important dans la Résistance du Nord.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article21743, notice DECLERCQ Gilbert, Joseph par Yves Le Maner, Claude Pennetier, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 25 octobre 2008.

Par Yves Le Maner, Claude Pennetier

SOURCES : RGASPI, 495 270 8694. — Arch. Nat., F7/13038, F7/13130. — CAC, 199940440 0106. — Arch. Dép. Nord, M 37/75, M 37/78A, M 37/94, M 154/191, M 154/195B et M 595/61. — Arch. Jean Maitron. — L’Humanité, 3 octobre 1931. — Cl. Wanquet, L’évolution sociale et politique d’Halluin et des environs de 1900 à 1939, DES, Lille, 1960. — J. Jolly, Dictionnaire des parlementaires, op. cit.La Voix du peuple au parlement, p. 119-120. — G. Bourgeois, mémoire de maîtrise, op. cit. et thèse de IIIe cycle. — Notes de Jacques Girault. — État civil d’Halluin.

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