Par Patrick Bec
Né le 2 août 1903 à Paris XIIIème arr. (ex Seine), exécuté sommairement le 11 juin 1944 à Sériers (Cantal) ; commerçant chocolatier ; résistant au sein des Forces françaises de l’intérieur (FFI).
Léon Wirtzler était le fils de Eugène, Christophe Wirtzler, fils d’un cordonnier de Moselle et chocolatier à Paris, 11 Passage du Moulinet dans le 13e arrondissement, marié à Paris le 28 avril 1900 avec Louise, Eugénie Lamoureux, brodeuse originaire d’Ivry (Seine-et-Marne). Il s’était marié le 17 novembre 1934 à Sceaux (aujourd’hui Hauts-de-Seine) avec Juliette, Victoria Durand. Le couple avait deux enfants. La famille était d’origine juive.
Réfugié à Sériers (Cantal), il était le chef de la Résistance de cette commune, MLN ex MUR, FFI ou homologué DIR selon les sources contradictoires de Vincennes et de Caen (plusieurs dossiers aux noms de Wirtzler ou Witzler).
Le 10 juin 1944, alors que les combats du Mont-Mouchet avaient débuté, arrivait à Saint-Flour (Cantal) le capitaine SS Geissler, commandant du SD de Vichy (service de sécurité). Il était accompagné d’une grande partie de ses agents (Ottman, Eissinger, Kienast, Willenbrock, Walter) et de quelques miliciens non cantaliens. Geissler arriva avec un volumineux paquet de fiches concernant les suspects. Les arrestations avaient commencé avant son arrivée et prirent de l’ampleur. Le 11 juin, un groupe de policiers encercla le village de Sériers et arrêta 3 habitants (Ambroise Brioude, Marius Courtiol, Wirtzler) dénoncés par un milicien qui surveilla lui-même l’opération.
Le témoignage de Juliette Durand a été recueilli le 17 octobre par la gendarmerie de Neuvéglise (Cantal) : « Le dimanche 11 juin, mon mari s’est levé à 5 heures à l’effet de se rendre en bicyclette à Villedieu pour aller avertir les jeunes gens de cette commune que le départ pour le maquis était remis au mercredi 14 juin et non ce matin là comme c’était prévu. Mon mari venait à peine de quitter la maison lorsque de mon lit, j’ai entendu le bruit d’un moteur. Je me suis levée immédiatement pour me rendre compte de ce que cela pouvait être. J’ai aperçu une voiture automobile se dirigeant vers le fond du village. Un pressentiment m’a fait présumer que c’était les Allemands. Un moment après, j’ai vu passer Monsieur Brioude Ambroise entouré d’une quinzaine de soldats allemands se dirigeant vers un camion automobile stationné à proximité de la mairie. Un instant après le camion a démarré et à ma grande surprise j’ai entendu une voix forte qui criait "Vive la France" que j’ai reconnu pour être celle de mon mari. J’en ai présumé qu’il venait d’être arrêté à la sortie du bourg sur le chemin de Villedieu. Très peu de temps après environ dix minutes, j’ai entendu crépiter une fusillade dans la direction prise par le camion. Craignant pour la vie de mon mari, j’ai immédiatement demandé du secours aux habitants du bourg de Sériers, mais personne n’a daigné me répondre. Vers 7 heures du matin, Monsieur Combes, cultivateur à Sériers est passé sur la route qu’avait empruntée le camion allemand, arrivé à 1 km du bourg, il a découvert le cadavre de mon mari sur le bord de la chaussée à une trentaine de mètres de sa bicyclette. Il a immédiatement fait part de sa découverte aux autorités. Le cadavre de mon mari a été conduit à mon domicile ; il avait la tête défoncée, vraisemblablement par une rafale de mitraillettes. Au flanc droit il avait une plaie béante faite par un tir concentré de balles de mitraillettes. En outre il était criblé de balles sur tout le corps. (...) Le mercredi 11 octobre, je me suis rendue à Saint-Flour où j’ai vu le sieur Moureyre Marcel, détenu à la maison d’arrêt de cette ville. ce dernier m’a déclaré "C’est moi-même qui ai fait prendre votre mari par les Allemands, néanmoins je puis vous assurer que je n’étais pas seul". »
Madame Juliette Tichit, épouse Morel, cultivatrice à Sériers, interrogée à propos de Ambroise Courtiol son domestique, apporte quelques précisions : « J’ai vu Monsieur Wirtzler qui était assis dans le camion tandis que mon domestique était en train d’y être hissé. Au moment où le camion démarrait, Brioude m’apercevant se leva et me fit un geste d’adieu en criant "Vive la France". Une grêle de coups s’abattit sur lui et il fut brutalement jeté sur la banquette. Au moment où le camion allait passer devant la dernière maison du village et disparaitre, Wirzler se leva lui aussi et cria d’une voix forte "Vive la France, vive De Gaulle". Dix minutes après, alors que je me trouvais encore sur la route, j’ai entendu crépiter une fusillade dans la direction prise par le camion. » Guillaume Combes ajoute : « A 120 mètres environ du corps, on a retrouvé les sabots du mort, ses lunettes cassées. Sur la route j’ai remarqué les traces d’un freinage violent sur 10 m. Cela fait présumer que Wirtzler a tenté de s’enfuir en sautant du camion en marche et il a dû se battre avec ses geôliers et a été abattu par des rafales de mitrailleuses dans la tête et achevé par une rafale de mitraillette dans la nuque. »
Léon Wirtzler avait 41 ans. Il a été déclaré Mort pour la France.
Une stèle en hommage à "Léon Wirtzler fusillé par les nazis le 11 juin 1944" a été mise en place en 1947 par les anciens de la Résistance de Sériers, remplaçant la stèle en bois qui avait été installée par le Comité de la Libération. Il figure également sur le Monument aux Morts de la Résistance à Saint-Flour (Cantal). Le nom Wirtzler L. est inscrit sur le monument aux Morts de Sceaux.
Par Patrick Bec
SOURCES : SHD Vincennes, dossier de résistant de Léon Frédéric Michel Wirtzler : GR 16 P 603635 ou Léon Frédéric Witzler : GR 16 P 603754 (nc) .— AVCC, dossier Léon Frédéric Michel Wirztler : AC 21 P 172297 (nc) .— Eugène Martres, Le Cantal de 1939 à 1945 - Les troupes allemandes à travers le Massif Central, Cournon, De Borée 1993 .— Jean Favier, Lieux de mémoire et monuments du souvenir, Albédia, Aurillac 2007 .— État civil (AD 15, AD Paris) .— Arch. dép.du Puy-de-Dôme, 908 W 164 : crimes de guerre à Seriers.— MémorialGenWeb