BRIOUDE Ambroise

Par Patrick Bec

Né le 11 novembre 1917 à Paris (Xe arr.), exécuté sommairement le 12 juin 1944 dans le bois de la côte de Pignoux, commune de La Chapelle-d’Alagnon (Cantal) ; domestique agricole ; résistant homologué RIF, DIR.

Jean Courtiol dit Ambroise, était le fils de Antoine, Julien Brioude, hôtelier à Paris, 12 rue Bichat puis ouvrier agricole, meunier au Pont de Tagenac, commune de Neuvéglise, marié à Paris le 23 avril 1917 avec Marie Cazes, décédée quelques mois après la naissance d’Ambroise. Son père s’était remarié à Celles (Cantal) le 25 novembre 1919 avec Jeanne, Agnès, Marcelle, Clotilde Rodier.
Ambroise eût six frères et sœurs nés à Tagenac, dont le plus jeune Roger, Albert, né en 1932 qui assista à son arrestation. Domestique agricole dans la ferme exploitée par Juliette Tichit, épouse Morel à Sériers, Ambroise Brioude s’engagea dans la Résistance après être revenu de captivité, intégrant les MUR, Corps Franc Saint Flour.
Le 10 juin 1944, alors que les combats du Mont-Mouchet avaient débuté, arrivait à Saint-Flour (Cantal) le capitaine SS Geissler, commandant du SD de Vichy (service de sécurité). Il était accompagné d’une grande partie de ses agents (Ottman, Eissinger, Kienast, Willenbrock, Walter) et de quelques miliciens non cantaliens. Geissler arriva avec un volumineux paquet de fiches concernant les suspects. Les arrestations avaient commencé avant son arrivée et prirent de l’ampleur. Le 11 juin, un groupe de policiers encercla le village de Sériers et arrêta 3 habitants (Brioude, Courtiol, Wirtzler dénoncés par un milicien qui surveilla lui-même l’opération. (Martres)
Le témoignage de Juliette Tichit a été recueilli le 17 octobre par la gendarmerie de Neuvéglise (Cantal) : « J’avais comme domestique, mon mari étant prisonnier, le nommé Brioude Ambroise de Tagenac. Le dimanche 11 juin vers 5 heures 30, le frère de mon domestique Roger, âgé de 12 ans, est venu me prévenir que les Allemands venaient de prendre son frère et qu’ils l’emmenaient. Je précise que les frères Brioude ne couchaient pas dans la maison d’habitation de l’exploitation mais dans un local attenant à l’écurie qui est distante d’une cinquantaine de mètres de chez moi. Je me suis habillée aussitôt et je me suis avancée sur la route vers le milieu du bourg. Dans un camion qui manœuvrait pour faire demi tour, j’ai vu Monsieur Wirtzler qui était assis dans le camion tandis que mon domestique était en train d’y être hissé. Au moment où le camion démarrait, Brioude m’apercevant se leva et me fit un geste d’adieu en criant "Vive la France". Une grêle de coups s’abattit sur lui et il fut brutalement jeté sur la banquette. Au moment où le camion allait passer devant la dernière maison du village et disparaitre, Wirzler se leva lui aussi et cria d’une voix forte "Vive la France, vive De Gaulle". Dix minutes après, alors que je me trouvais encore sur la route, j’ai entendu crépiter une fusillade dans la direction prise par le camion. Je tiens à vous faire remarquer que j’ai relevé de nombreuses flaques de sang sur le parquet et sur la literie de la chambre où couchait mon domestique. Des caisses où ce dernier mettait ses affaires avaient été éventrées et pillées. »
Roger Brioude a assisté à l’arrestation : « Le dimanche 11 juin 1944, alors que j’étais couché avec mon frère Ambroise à l’écurie, Monsieur Moureyre Eugène, le propriétaire de la ferme qu’exploite ma patronne, est venu vers 5 heures frapper à la porte de l’écurie. Mon frère lui a crié de pousser la porte et en même temps il a sauté du lit et est monté à la grange dans l’intention de fuir par une porte, mais cette dernière était gardée. Je présume que mon frère avait vu les Allemands par l’entrebâillement de la porte lorsque celle-ci a été poussée par Monsieur Moureyre. M. Moureyre est entré en demandant où était Ambroise, je ne lui ai pas répondu. Il est alors monté à la grange et j’ignore ce qu’il a dit à mon frère. Toutefois je précise que Moureyre disait aux Allemands qui se trouvaient à l’extérieur et qui voulaient lancer une grenade dans l’écurie si mon frère tardait à sortir : "de l’homme je m’en fous, mais c’est la grange qui m’intéresse". En outre M. Moureyre a averti les Allemands de faire attention que mon frère ne s’échappe pas par la porte ou par les 2 fenêtres de la grange. Mon frère se voyant pris est descendu de la grange par les escaliers. Les Allemands se sont emparés de lui et l’ont fouillé. Ils ont trouvé sur lui un révolver, une grenade, un chargeur de mitraillette ainsi que des balles de révolver en vrac. Au fur et à mesure qu’ils trouvaient ces objets, ils le frappaient à coups de poings et à coups de chargeurs de mitraillettes qu’ils lui assénaient sur la figure. Il avait tout le visage en sang et saignait du nez. Mon frère a essayé de parlementer avec les Allemands car il connaissait un peu leur langue ayant été prisonnier. L’un d’eux lui a répondu "Ne te donne pas tant de peine pour parler allemand, nous ne le comprenons pas, nous sommes français comme toi." Comme je pleurais l’un d’eux m’a dit de cesser de pleurer ou bien on allait me faire comme à mon frère. » Interrogé aussi, Eugène Moureyre, cultivateur à Ironde de Sériers, nie les propos rapportés par Roger et se dit lui aussi victime ayant même été collé contre le mur les mains en l’air avec Brioude.
Le lundi 12 juin un détachement de police allemande et des miliciens, commandés par Geissler quittèrent Saint-Flour pour gagner Murat. La colonne emmenait 4 résistants arrêtés les jours précédents qui avaient été conduits à l’hôtel Terminus en face de la gare de Saint-Flour (Brioude, Lucien Zay, Marius Courtiol et Léon Picard de Nice, ce dernier également appelé Lehmann).
Geissler les fit exécuter dans un bois de pins en vue de Murat. Ils ont été tués d’une balle en plein cœur, dépouillés de leur portefeuille et pièces d’identité et enterrés sur place, 2 par 2, d’après le témoignage de l’instituteur et secrétaire de mairie de La Chapelle-d’Alagnon (Cantal) Jean Urgon qui a assisté à l’exhumation.
Ambroise Brioude avait 27 ans. Il a été déclaré Mort pour la France.

C’est un jugement du tribunal civil de Murat le 31 octobre 1944 qui a ordonné la transcription de l’acte de décès qui n’avait pu être dressé au moment des faits.
Le nom de Ambroise Brioude est inscrit sur la stèle du Pignoux et sur les monuments aux Morts de Laveissenet et Neuvéglise, ainsi que sur le Monument aux Morts de la Résistance à Saint-Flour.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article217644, notice BRIOUDE Ambroise par Patrick Bec, version mise en ligne le 29 juin 2019, dernière modification le 12 janvier 2022.

Par Patrick Bec

SOURCES : SHD Vincennes, dossier de résistant de Ambroise Brioude : GR 16 P 91463 (non consulté). — Eugène Martres, Le Cantal de 1939 à 1945 - Les troupes allemandes à travers le Massif Central, Cournon, De Borée 1993 .— Favier, Lieux de mémoire et monuments du souvenir, Albédia, Aurillac 2007. — État civil (AD 15, AD Paris). — Dossier 908 W 164 (AD 63). — MémorialGenWeb.— Renseignements communiqués par J.-P. Bernard. — État-civil La Chapelle-Alagnon.

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