Cahier de vacances du Maitron
Bientôt la saison des congés payés ! Mais que font donc nos militants durant leurs vacances, conquises de si haute lutte ? Petite promenade dans un été militant, grâce aux notices biographiques.
Qui dit vacances et été dit plage, farniente… et bien sûr pétanque !! Un jeu qui a enthousiasmé des générations de vacanciers et de militants partout en France, qu’ils soient aussi célèbre que Jean Ferrat, ou moins connus, comme le sidérurgiste André Dupin, l’ouvrier du livre André Martinez, le cheminot René Lagrange, ou encore, en Belgique, Charles Brébart, employé de la Caisse d’Epargne. Un loisir populaire saisi par les pinceaux de René Kunz, dans l’un des quatre tableaux qu’il réalisa pour la mairie de Gouex et qui ornent aujourd’hui les murs de la Villa des Roseaux (voir ci-contre).
Dans le Maitron, on retrouve la biographie d’un authentique champion de pétanque, Pierre Marion, résistant FTP et déporté, autant que celles de membres d’associations de pétanque, comme Michel Vincent, ajusteur de la Loire, Michel Guillemin menuisier du Doubs, André Heurtebise, ingénieur EDF parisien et Gérard Hazard professeur dans la Somme. Figurent également les créateurs et animateurs de clubs et d’associations sportives qui pratiquent la pétanque comme Serge Gougeon, responsable de la FSGT au Havre, Jean-Marie Bos dirigeant d’une association sportive de Saint-Laurent d’Olt dans l’Aveyron ou Robert Jésus-Prêt, créateur du Foyer Léo Lagrange de Perpignan.
Des engagements qui sont tout sauf anodins et qui disent aussi l’ancrage des militants dans le tissu associatif et sportif, leur insertion dans les sociabilités locales, en particulier pour les élus. Ainsi, les boulodromes participent du bilan des réalisations de maires issus du mouvement ouvrier, comme Guy Chavanne à Oyonnax dans l’Ain ou Roger Lagrange à Châlons-sur-Saône. D’ailleurs, la mémoire militante transparaît aussi dans les noms donnés à ces lieux de loisir, comme par exemple les boulodromes Jean Marc à Montauban, Roger Mas à Charleville-Mézières, ou Léon Truÿns à Orly.
La pétanque qui devient même une activité politique en soi, sous la plume d’Octave Mirbeau, qui écrivait dans Le Figaro du 14 juillet 1889 :
« Eh bien ! mon brave électeur, normand ou gascon, picard ou cévenol, basque ou breton, si tu avais une lueur de raison dans ta cervelle, si tu n’étais pas l’immortel abruti que tu es, le jour où les mendiants, les estropiés, les monstres électoraux viendront sur ton passage coutumier étaler leurs plaies et tendre leurs sébiles au bout de leurs moignons dartreux, si tu n’étais pas l’indécrottable Souverain, sans sceptre, sans couronne, sans royaume, que tu as toujours été, ce jour-là, tu t’en irais tranquillement pêcher à la ligne, ou dormir sous les saules, ou trouver les filles derrière les meules, ou jouer aux boules dans une sente lointaine, et tu les laisserais, tes hideux sujets, se battre entre eux, se dévorer, se tuer. Ce jour-là, vois-tu, tu pourrais te vanter d’avoir accompli le seul acte politique et la première bonne action de ta vie. »
Mais il y aussi d’autres distractions estivales, comme la belote dont sont friands tant Edmond Maire, que les résistants Berek Baginski ou Étienne Néron. On trouve même les traces d’une partie de belote unitaire entre trotskystes et communistes dans la biographie de l’antifasciste Marcel Valade.
Qui dit pétanque ou belote dit évidemment pastis. Pas toujours légal toutefois, à l’image de celui que fabrique le viticulteur Henri Aubert au sein du cercle de Saint-Maximin. Mais la boisson est décidément très politique. C’est avec l’un de ses plus éminents fabricants que Jòrgi Reboul fonde le Partit Provençau (Parti Provençal) et c’est encore autour d’un verre que Lakhdar Kaïdi observe les discussions politiques entre militants algériens.
De fait, cette boisson est un marqueur politique et social pour Toussaint Ambrosini, qui, selon Le Midi Libre du 24 octobre 1930, aurait dit à Léon Blum, alors en quête d’une circonscription : « On n’a pas besoin de doctrinaires à La Belle-de-Mai. Serais-tu capable de boire quarante pastis par jour ? ».
Près de quarante ans plus tard, en visite à Martigues et Port-de-Bouc, Youri Gagarine est couvert de cadeaux par la population et trinque avec René Rieubon autour d’un verre de pastis.
Et pour ceux qui n’aiment pas le pastis, Zenobe Delwarte, militant socialiste américain d’origine belge, négociant à Jeannette (Pennsylvanie), « ne vendait que des bières ayant le label syndical ». Au rayon « bière militante », Emile Rousseau, ouvrier métallurgiste devenu boulanger dirigeait la coopérative Le Progrès à Jolimont, en Belgique, qui produisait jusqu’à « 5000 hectolitres de bière par mois ». Quant à Jules Lepot, ouvrier-brasseur, syndicaliste et coopérateur de l’Indre, il engageait tous les consommateurs à ne boire que les produits de son association, créé en mars 1903 et fêtée « toute la nuit » dans la ville. Elie Cathala, employé de brasserie puis fabricant de limonade, militant socialiste de l’Hérault fut pour sa part parmi les fondateurs de la coopérative « Les vignerons libres » à Maraussan. Mais bien sûr, il y a encore le Popu, le « grand apéritif rouge » diffusé par Compère Morel en soutien du journal de la SFIO Le Populaire.
Conclusion, même en vacances, rien de tel que le Maitron...
Jacques Duclos en vacances sur la Mer Noire, Arch. du Musée d’Histoire vivante de Montreuil.